Un avenir à zéro émission nette—Interpellation

Par: L'hon. Marty Klyne

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Cityscape of Vancouver, British Columbia

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour ajouter ma voix à l’interpellation de la sénatrice Coyle sur la transition du Canada vers un avenir carboneutre. Je remercie notre collègue d’avoir lancé cette discussion urgente. Pour citer la sénatrice Coyle, la transition suppose de :

[…] trouver des moyens novateurs et efficaces de s’assurer que les personnes, les collectivités et les régions les plus touchées par la transition vers une économie carboneutre sont prises en considération, qu’elles ont voix au chapitre et qu’elles reçoivent du soutien.

Comme je viens de la Saskatchewan et du territoire visé par le Traité no 4, je suis d’accord. Notre fédération doit accorder la priorité à l’inclusion de l’Ouest canadien, des nations autochtones et de toutes les régions dans les solutions carboneutres et les débouchés économiques. Une transition équitable doit découler d’une priorité et d’un effort à l’échelle du pays, sans que personne ne soit laissé pour compte, et tenir compte des avantages et des défis uniques de chaque région tout en visant des retombées économiques à l’échelle du pays. En travaillant ensemble, notre fédération peut réaliser une transition verte réussie, en soutenant la prospérité des travailleurs canadiens et de leur famille, le bien-être de nos petits-enfants et des générations futures, et le Canada avec tout son potentiel.

Aujourd’hui, j’ajouterai à cette interpellation sur le climat mon point de vue sur trois sujets. Le premier, c’est la voie du Canada vers la carboneutralité, le deuxième, ce sera la contribution et les défis uniques de la Saskatchewan et le troisième, c’est le leadership et la gérance de l’environnement des Autochtones.

Honorables sénateurs, je commencerai par la voie du Canada vers la carboneutralité. En ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques, nous devons réussir. Selon les données scientifiques, nous devons limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels pour éviter les pires conséquences des changements climatiques. C’est d’ailleurs l’objectif de l’Accord de Paris de 2015.

Pour remettre en perspective l’objectif de 1,5 degré, d’après les données scientifiques, l’année 2023 a probablement été la plus chaude des 120 000 dernières années. L’été dernier, le Canada a été touché par des feux de forêt, des inondations et des sécheresses terribles, tous aggravés par les changements climatiques. En septembre, 44 millions d’acres de forêts avaient brûlé au Canada, émettant davantage de carbone que la quantité emmagasinée dans les arbres et le sol. C’est 8,5 fois plus que la vitesse normale. Des incendies ont forcé l’évacuation de Yellowknife, des crues éclair ont frappé la Nouvelle-Écosse et des sécheresses ont fait des ravages dans les Prairies. Des catastrophes climatiques sont également survenues aux quatre coins de la planète, notamment en Europe, où il y a eu des épisodes de chaleur extrême et des incendies qui ont forcé des évacuations en Grèce; aux États-Unis, où sont survenus les incendies de forêt les plus meurtriers en un siècle, à Hawaï, à cause des conditions plus sèches provoquées par les changements climatiques; en Lybie, où des inondations ont tué près de 4 000 personnes et où 9 000 autres sont toujours portées disparues.

Les événements de la sorte seront de plus en plus graves, même si nous atteignons notre objectif. Pour que la Terre demeure habitable, il faut que l’humanité atteigne la carboneutralité d’ici 2050. Les Canadiens doivent faire leur part en atteignant cet objectif au pays et en soutenant les efforts internationaux pour le respect de l’Accord de Paris. Nous progressons. Les émissions au Canada en 2022 étaient 6,3 % moins élevées qu’en 2005, malgré une augmentation de la population de 24 % sur la même période. Il est donc évident qu’il est possible d’arriver à des réductions.

Or, l’objectif du Canada pour 2030 est d’arriver à ramener les émissions entre 40 % et 45 % sous les niveaux de 2005. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour y arriver et nous n’avons pas toujours progressé. En 2022, les émissions au pays ont augmenté de 2,1 % par rapport à l’année précédente, en grande partie à cause d’un hiver plus froid, d’une augmentation des émissions provenant de la production de pétrole et de gaz et d’un besoin accru de chauffage dans les bâtiments.

Le Parlement a adopté des lois visant à obtenir des résultats à long terme. Deux des pans du plan de lutte contre les changements climatiques du fédéral sont la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, adoptée en 2018, et la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, adoptée en 2021.

Bien sûr, toutes ces cibles et ces politiques doivent tenir compte des facteurs propres à chaque région. Avec le premier volet, la tarification du carbone encourage la prise de décisions économiques qui visent à réduire les émissions pour contrer l’augmentation des coûts de cette pollution. C’est un principe économique de base : lorsque le prix augmente, la demande diminue.

Par conséquent, nous pouvons nous attendre à une amélioration des résultats avec le temps, si les lois existantes demeurent en vigueur. La loi de 2021 a fait en sorte que le plan pour atteindre nos cibles est assorti d’exigences en matière de transparence et de responsabilité. C’est une approche sensée à l’égard d’un problème que nous devons régler tout en instaurant un climat de certitude pour les entreprises et les consommateurs qui investissent dans la réduction des émissions.

Fait à noter, la tarification fédérale du carbone n’a pas été une première au pays. L’Alberta a d’abord mis en place pour les grands émetteurs le premier régime de tarification du carbone fondé sur les résultats en 2007, puis le Québec a appliqué la première taxe sur le carbone plus tard dans la même année. J’encourage le Parlement à se concentrer sur la lutte contre les changements climatiques. En 2021, j’ai voté pour la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, comme les trois quarts des sénateurs.

Les détails de la tarification du carbone doivent évidemment continuer de faire l’objet d’une évaluation périodique et d’éventuelles modifications. Dans son ensemble, notre fédération doit établir un cadre équitable, élaborer des stratégies propres aux secteurs et obtenir des résultats globaux.

Je note que le gouvernement fédéral prévoit faire participer les provinces, les territoires et les organisations autochtones à un examen provisoire de la tarification fédérale du carbone d’ici 2026. L’examen veillera à ce que la rigueur en matière de tarification soit harmonisée à l’échelle du Canada, en plus d’évaluer les répercussions sur la compétitivité intergouvernementale et internationale. Il s’agit d’une approche responsable si les résultats sont fondés sur de véritables consultations auprès de tous les partenaires.

Nous devons établir des objectifs et des politiques si nous voulons que tout le monde mette l’épaule à la roue et pousse dans la même direction.

Je suis convaincu que toutes les provinces et tous les territoires s’efforceront de faire entendre le point de vue de leurs citoyens, de leurs nations et de leurs régions. Il ne faut pas oublier que notre pays a été fondé en grande partie sur le compromis et la coopération. Les prochains efforts doivent prévoir des consultations préalables approfondies.

Honorables sénateurs, examinons maintenant la contribution et les défis uniques de la Saskatchewan en matière de lutte contre les changements climatiques. Parmi les points forts de cette province, citons le projet de Boundary Dam, la première centrale électrique alimentée au charbon propre au monde, où 5 millions de tonnes de CO2 ont été séquestrées depuis le début de son exploitation, ce qui équivaut à retirer plus d’un million de véhicules de la circulation pendant un an.

Il y a également les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, comme le système Aquistore du Petroleum Technology Research Centre, qui a été primé et qui a permis de démontrer l’efficacité du stockage du carbone dans le premier site de stockage de CO2 au monde situé dans un aquifère salin profond.

On prévoit également atténuer les effets des inondations et des sécheresses grâce à la gestion de l’eau et au projet d’expansion de la capacité d’irrigation du lac Diefenbaker, ce qui débouchera sur une agriculture et une transformation alimentaire durables et contribuera à la sécurité alimentaire.

La Grappe des industries des protéines, ou Protein Industries Canada, m’amène à parler d’une autre de nos forces : le raffinage de biocarburants, comme le biodiésel et le biocarburant d’aviation, qui sera effectué à des raffineries en cours de construction.

Soileos est un nouvel engrais à micronutriments durable, non polluant et favorable au climat, qui aide les agriculteurs à accroître leurs rendements tout en recyclant le carbone dans le sol et en favorisant le cycle des nutriments.

Il y a des minéraux critiques, dont l’uranium provenant des plus importants gisements à teneur élevée au monde, pour alimenter des réacteurs régionaux et d’autres réacteurs, ainsi que des petits réacteurs modulaires, et dans notre province, on envisage d’exploiter des sites dans les régions d’Estevan et d’Elbow.

Compte tenu des vastes répercussions des changements climatiques, la Saskatchewan doit aussi faire face à des difficultés particulières en ce qui a trait au développement d’une économie verte.

Plus tôt ce mois-ci, pendant la période des questions, j’ai posé une question sur la proposition du gouvernement fédéral de rendre le réseau électrique du Canada carboneutre d’ici 2035, puisque le ministre Guilbeault a annoncé un projet de règlement en août. J’ai alors indiqué que la Saskatchewan n’a pas accès à des ressources hydroélectriques suffisamment vastes pour pouvoir exploiter des sources d’énergies renouvelables intermittentes comme les énergies éolienne et solaire, alors que 80 % de la population canadienne est déjà desservie par un réseau d’hydroélectricité propre. Par conséquent, il n’y a pas de solution universelle, et il sera extrêmement difficile et coûteux pour la Saskatchewan de respecter les échéances de 2030 et 2035 sur une base comparative.

Même si la Saskatchewan peut atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050, des compromis et un certain degré de collaboration seront nécessaires et utiles d’ici 2050.

J’ai été ravi d’entendre le sénateur Gold dire que le gouvernement fédéral s’engage à travailler avec ses partenaires pour résoudre des problèmes particuliers. J’en déduis que cela inclut la Saskatchewan, un partenaire de cette grande fédération dans laquelle nous tâchons de ne laisser personne pour compte.

La collaboration doit être l’approche privilégiée par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en place, et ces efforts doivent se fonder sur un engagement commun à lutter efficacement contre les changements climatiques.

Nous devons également nous attendre à une collaboration avec les nations autochtones. Cela m’amène à mon dernier sujet : comment le Canada peut-il tirer avantage du leadership environnemental des Autochtones, notamment de leurs valeurs et de leur compétence ainsi que de leurs ressources qui sont essentielles aux technologies propres.

Les peuples autochtones pratiquent la durabilité et le respect de la nature depuis des temps immémoriaux sur les terres et les eaux que nous appelons aujourd’hui le Canada. Le leadership environnemental des Autochtones commence par la sagesse traditionnelle. Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation dit :

La réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones, du point de vue des Autochtones, exige aussi une réconciliation avec le monde naturel. Si les humains règlent les problèmes entre eux, mais continuent de détruire le monde naturel, la réconciliation sera inachevée […] La réciprocité et le respect mutuel aident à assurer notre survie.

En 2021, le Parlement a réaffirmé les droits inhérents et la compétence des Autochtones en intégrant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au droit fédéral. Ce changement a créé, pour les dirigeants autochtones, d’énormes occasions de contribuer à la prise de mesures efficaces pour lutter contre les changements climatiques. Comme je l’ai mentionné dans notre débat au sujet de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, la réconciliation et l’intendance environnementale sont liées.

En 2020, Mongabay, une publication scientifique environnementale, rapportait qu’à l’heure actuelle, les Autochtones gèrent ou occupent 40 % des aires protégées et des derniers écosystèmes encore relativement intacts sur la planète. Avec une compétence suffisante, les dirigeants autochtones arriveraient à changer le monde en préservant la biodiversité et les écosystèmes essentiels, en plus de limiter les effets des changements climatiques.

Voici quelques exemples d’efforts de conservation menés par des Autochtones qui contribuent aux solutions du Canada axées sur la nature pour lutter contre les changements climatiques en séquestrant le carbone dans le sol et la vie végétale.

En 2019, le parc national Thaidene Nëné a été créé. Il s’agit d’une réserve de 14 000 kilomètres carrés située dans les Territoires du Nord-Ouest, qui est cogérée par la Première Nation des Dénés Lutsel K’e et le gouvernement canadien.

Je mentionne également la forêt pluviale de Great Bear, en Colombie–Britannique, qui couvre une superficie de 64 000 kilomètres carrés; Pimachiowin Aki, qui couvre 29 000 kilomètres carrés de terres boréales à cheval sur la frontière entre le Manitoba et l’Ontario, et qui constitue l’aire protégée la plus vaste du plateau boréal nord-américain; et l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga, qui s’étend sur 108 000 kilomètres carrés au Nunavut.

Honorables sénateurs, de nombreuses nations autochtones se tournent vers l’énergie propre. Par exemple, cette année, en Saskatchewan, le Conseil tribal de Meadow Lake a inauguré la première installation de bioénergie appartenant à des Autochtones du Canada pour chauffer 5 000 maisons à l’aide de déchets de bois provenant d’une scierie située à proximité.

En 2021, toujours dans ma province, la Première Nation de Cowessess a dévoilé un nouveau projet d’énergie solaire afin de devenir la Première Nation la plus écologique du Canada avec 800 panneaux installés sur cinq bâtiments communautaires.

Dans le Nord de la Colombie-Britannique, la nation côtière des Kitasoo/Xai’Xais possède et exploite sa propre petite centrale hydroélectrique à réservoir, qui fournit de l’énergie propre à la collectivité toute l’année, ainsi qu’une installation solaire sur le toit de l’école.

D’autres nations de la région sont aussi à explorer des projets semblables pour remplacer la production d’électricité à partir du diésel.

Selon l’organisme à but non lucratif Indigenous Clean Energy, géré par des Autochtones, près de 200 projets d’énergie renouvelable de moyenne ou grande envergure, auxquels participent des Autochtones, sont aujourd’hui en cours d’exécution ou en phase finale de planification ou de construction au Canada. En outre, 1 700 à 2 100 microsystèmes ou petits systèmes d’énergie renouvelable sont aujourd’hui en place sous la gouverne d’Autochtones ou dans le cadre de partenariats.

Il existe d’autres possibilités pour les Autochtones en matière d’action climatique, grâce à l’exploitation responsable des minéraux critiques nécessaires aux technologies propres, ainsi qu’à des sites de production d’énergie solaire et éolienne supplémentaires.

L’an dernier, la Banque Royale du Canada a indiqué qu’au moins 56 % des projets d’exploitation des minéraux critiques, 35 % des meilleurs sites de production d’énergie solaire, et 44 % des meilleurs sites d’exploitation de l’énergie éolienne se trouvaient dans les territoires autochtones. Comme je l’ai dit en mai en tant que parrain d’un projet de loi du gouvernement en faveur de la réconciliation économique, les chefs d’entreprise et les investisseurs devraient se bousculer pour consulter les nations autochtones au sujet de ces possibilités.

En conclusion, chers collègues, la lutte contre les changements climatiques est la seule voie vers un brillant avenir pour nos petits‑‑enfants et les générations futures. Le temps presse. Notre génération ne doit pas décevoir les jeunes et ceux qui les suivront, et nous ne pouvons pas non plus décevoir nos semblables.

L’influence du Sénat peut contribuer à favoriser la collaboration au sein de notre fédération pour l’atteinte de la carboneutralité. À cet égard, je remercie la sénatrice Coyle d’avoir contribué à ce que la lutte contre les changements climatiques demeure une priorité, en particulier en période de guerre, de terrorisme impensable, d’inflation et de nombreux autres défis géopolitiques.

Comprenez-moi bien : des progrès sont possibles. Les Canadiens doivent continuer à travailler avec leurs frères et leurs sœurs du monde entier pour sauver notre seul foyer, notre mère la Terre.

Merci, hiy kitatamîhin.

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