Deuxième lecture du projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens

Par: L'hon. Marty Klyne

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L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-268, un projet de loi d’intérêt public du Sénat proposé par le sénateur Tannas. Pour reprendre les paroles immortelles de l’ancien sénateur Baker, je serai bref.

Le projet de loi S-268 propose de modifier le Code criminel et la Loi sur les Indiens afin de donner aux gouvernements des Premières Nations la possibilité d’exercer leur compétence en matière de jeu.

À l’heure actuelle, l’exploitation d’un système de jeu constitue une infraction au Code criminel au Canada, à moins qu’une province ne l’autorise en vertu de l’article 207 du Code criminel. Si je comprends bien, le projet de loi S-268 donnerait essentiellement aux Premières Nations le même pouvoir légal qu’ont les provinces d’autoriser et de réglementer cette activité autrement criminelle.

Tout d’abord, je remercie le sénateur Tannas d’avoir présenté ce projet de loi. Merci également au sénateur Prosper pour son intervention le 11 avril. Je suis tout à fait d’accord avec nos collègues sur l’importance des revenus autonomes pour les nations autochtones, qui favorisent la réconciliation économique. Nous avons également constaté, au sein du groupe d’action pour la prospérité dirigé par le sénateur Harder en 2021, cet intérêt en faveur d’une prospérité inclusive et durable dans l’ensemble de notre grande fédération.

Par ailleurs, de nombreux sénateurs ont fait des efforts remarquables pour saluer les entreprises et les entrepreneurs autochtones dans le cadre de notre série de discours sur ce même sujet. Je vous suis vraiment reconnaissant de ces efforts, et je continue à vous inviter à prononcer des discours célébrant les réussites des entreprises autochtones dans vos régions respectives.

En ce qui concerne le projet de loi S-268, qui porte sur la protection et la mise en œuvre des promesses contenues dans les traités, je note que le sénateur Tannas a le soutien du chef Roy Whitney de la nation des Tsuut’ina et du chef Bobby Cameron de la Fédération des nations autochtones souveraines, qui représente 74 Premières Nations de la Saskatchewan. Le sénateur Tannas a également indiqué qu’il avait reçu le soutien du sous-comité sur les jeux de hasard de l’Assemblée des Premières Nations.

J’aimerais lever mon chapeau à la consultation préalable. À mon avis, cette considération favorise fortement l’avancement du projet de loi S-268 pour l’étude en comité, que je soutiens.

Chers collègues, j’aborde l’examen du projet de loi S-268 depuis la Saskatchewan — territoire visé par le Traité no 4 et patrie de la nation métisse — et en tant que membre d’une bande du Traité no 4 de la Saskatchewan. J’aborde également ce projet de loi en tant qu’ancien président et directeur général de la Société des jeux de hasard de la Saskatchewan, une société d’État qui exploite les casinos de Regina et de Moose Jaw en Saskatchewan.

Aujourd’hui, je voudrais faire trois observations sur ce projet de loi concernant, premièrement, les aspects pratiques des jeux de hasard qui devraient être pris en compte en ce qui concerne les provinces, la concurrence et le jeu responsable, deuxièmement, le succès du partage des revenus entre les Premières Nations de la Saskatchewan dans le cadre de l’accord-cadre sur les jeux de hasard, et, troisièmement, le calendrier d’une éventuelle transition vers le modèle du projet de loi S-268.

Tout d’abord, parlons de certains aspects pratiques que j’aimerais voir examinés en comité et peut-être faire l’objet d’amendements ou d’observations, selon le cas. À mon avis, le projet de loi S-268 doit veiller à ce que chaque proposition de casino s’accompagne d’une analyse de rentabilité démontrant la viabilité du projet. Il est important d’évaluer la demande quant au nombre de machines à sous et de jeux de table proposé, sans oublier, par exemple, les terminaux de loterie vidéo, qui appartiennent aux provinces et sont exploités grâce à des permis accordés à des pubs dans des zones rurales et urbaines.

Mon objectif ici est de réduire les risques de cannibalisation dans un marché saturé ainsi que d’éviter un nivellement vers le bas des mesures de protection concernant le jeu responsable. Je veux aussi éviter de mettre en péril des accords de partage des revenus qui permettent aux organisations non gouvernementales et aux organisations communautaires autochtones de s’attaquer à certains problèmes économiques et sociaux.

Même si je n’ai pas de proposition précise pour modifier le projet de loi, la viabilité d’un nouveau casino devrait être évaluée en fonction du soutien apporté par les autorités locales aux niveaux municipal, rural et provincial. On devrait également prendre en considération le déplacement de tout établissement de jeu autorisé existant, y compris les coûts irrécupérables et les pertes d’emplois découlant de tout nouvel établissement. En d’autres mots, nous ne voulons pas voir des actifs inutilisables ou dévalués, ou des pertes d’emplois, sans une voie claire vers des emplois de remplacement afin d’assurer une transition juste.

D’après mon expérience dans le domaine des jeux en Saskatchewan, une concurrence effrénée pourrait présenter certains risques sociaux et perturber les accords actuels de partage des revenus. Je ne dis pas qu’il s’agit nécessairement d’un obstacle, mais c’est une question qui doit être abordée au moyen d’un examen attentif et minutieux.

Comme l’a fait remarquer le sénateur Cotter, le préambule de ce projet de loi décrit la réglementation des jeux comme un droit inhérent. Je ne le conteste pas, bien que je note que la Cour suprême a conclu en 1996 que la réglementation des jeux n’était pas un droit constitutionnel en vertu de l’article 35.

C’est peut-être un point sur lequel un comité sénatorial peut apporter des éclaircissements et une analyse. Quoi qu’il en soit, nous parlons de contextes non traditionnels où une technologie telle que les paris en ligne sur une seule épreuve sportive au Canada change la donne. Nous parlons également d’un exercice de pouvoirs qui lèverait une interdiction autrement pénale, ce qui indique qu’il y a des préoccupations ou des risques sociaux universels auxquels il faut remédier dans le domaine des jeux. Après tout, même si le pouvoir inhérent s’appliquera de plus en plus par la voie du plan d’action relatif à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les lois pénales continueront de temps à autre de s’appliquer de manière générale.

Par exemple, nous pouvons envisager des risques universels qui justifieront le maintien de l’application des lois dans des domaines analogues tels que les ventes d’armes à feu, les drogues et substances contrôlées, ou les matériaux délicats tels que les explosifs, où les mesures de protection prévalent. Certes, nous savons tous, ou devrions tous savoir, que la dépendance au jeu peut avoir des conséquences sociales et sanitaires dévastatrices.

En revanche, le jeu responsable est une forme légitime de divertissement et une source importante de revenus pour les peuples autochtones. Je suis fier d’avoir joué un rôle de premier plan dans le secteur des jeux, en mettant l’accent sur le jeu responsable. Pour éviter la cannibalisation du marché et un nivellement par le bas, je suis porté à croire que la négociation de la propriété des appareils de jeu et des jeux sur table devrait nécessiter un dialogue entre les peuples autochtones, le Conseil du jeu responsable ainsi que les entités offrant des services consultatifs et menant des recherches sur le jeu responsable, y compris sur les programmes de jeu responsable des exploitants d’établissements de jeu, afin de déterminer comment procéder de manière responsable.

Il en va de même pour l’octroi de licences pour les loteries vidéo, exploitées de manière indépendante sous la réglementation des gouvernements provinciaux. Je garde l’esprit ouvert quant à l’objectif juridique final que cela pourrait avoir.

Quoi qu’il en soit, je suis d’accord pour dire que les Premières Nations devraient avoir un droit de regard beaucoup plus important sur l’organisation des jeux que ce n’est le cas actuellement. Cela dit, il faut éviter de bouleverser cette industrie délicate qui, en Saskatchewan, connaît actuellement une certaine stabilité.

Je pense qu’il serait une bonne pratique d’adopter un accord-cadre sur les jeux pour chaque nouveau casino, un accord qui exigerait des consultations appropriées avec la province, la communauté et la municipalité concernées, y compris sur la taille de l’établissement proposé en ce qui a trait au nombre de tables et de machines à sous, tout en tenant compte également du nombre de loteries vidéo qui existent déjà sur le même marché ou dans la même zone.

Un accord-cadre sur les jeux devrait tenir compte des enjeux économiques et prévoir des investissements pour le développement du casino et l’établissement de sa structure financière. Il devrait également constituer un fonds pour l’entretien et l’expansion des infrastructures, ainsi qu’un programme de tourisme et de marketing, un programme de jeu responsable et de réhabilitation des personnes dépendantes, en plus de programmes de développement économique, de bienfaisance et d’aide sociale pour la communauté, y compris des programmes visant à résoudre les problèmes sociaux et économiques des Autochtones.

Encore une fois, je garde l’esprit ouvert quant à ce que cela pourrait donner en termes de légalité et de meilleures pratiques. Toutefois, je m’attends à ce qu’un comité sénatorial inclue, dans son étude, un examen approfondi des meilleures pratiques et de l’évaluation des risques, et qu’il procède à des consultations significatives avec les aînés, les femmes et les chefs et conseils autochtones concernés, ou les conseils tribaux, en vue de la troisième lecture.

Pour en venir à mon deuxième point, je dirai quelques mots sur la situation actuelle en Saskatchewan. À l’heure actuelle, toutes les Premières Nations ne sont pas directement impliquées dans la gestion d’un établissement de jeu, et ce ne sont certainement pas toutes les Premières Nations qui présentent un potentiel économique viable si on pense à des enjeux comme l’éloignement, etc. Cependant, grâce à l’accord-cadre sur les jeux, toutes les Premières Nations ainsi que les organisations métisses de notre province bénéficient de l’existence des établissements actuels grâce au partage des bénéfices, ainsi qu’aux possibilités d’emploi et à la création de richesses découlant des programmes d’approvisionnement réservés et des préférences en matière d’embauche des Autochtones visant à obtenir une main-d’œuvre représentant un minimum de 50 % d’employés autochtones travaillant dans le casino.

En Saskatchewan, les bénéfices nets des casinos des Premières Nations sont redistribués à hauteur de 50 % à la First Nations Trust, qui les distribue aux 74 Premières Nations de la province, de 25 % à des sociétés de développement communautaire qui réinvestissent les fonds dans des initiatives communautaires locales et de 25 % au Trésor provincial.

La Saskatchewan Indian Gaming Authority est l’exploitante de sept casinos appartenant aux Premières Nations dans la province. En 2023, elle a engrangé des recettes records de 292,6 millions de dollars, ce qui correspond à un bénéfice net de 126 millions de dollars, plus de deux fois plus que l’année précédente. Ce succès est dû en grande partie à l’introduction au Canada des paris sur une seule épreuve sportive. À titre de comparaison, SaskGaming, qui exploite les casinos à Regina et à Moose Jaw, a réalisé un chiffre d’affaires de 116,3 millions de dollars au cours de l’exercice 2022-2023, dont 42,6 millions de dollars de bénéfice net. La Saskatchewan Indian Gaming Authority est titulaire d’une certification nationale obtenue grâce à son programme de vérification du jeu responsable. En outre, elle verse 2,5 millions de dollars par an à la fondation provinciale des Premières Nations pour la lutte contre les dépendances et pour la réadaptation.

Tout cela pour dire qu’il y a beaucoup d’argent à gagner, qu’il y a un organisme de réglementation stable et performant et qu’un nouveau modèle négocié de partage des recettes est en place, le tout étant précisé dans un accord-cadre bilatéral sur les jeux de hasard.

J’aimerais que l’un de nos comités sénatoriaux examine de près les répercussions, positives ou non, que pourrait avoir le projet de loi S-268 sur ces dynamiques et qu’il détermine si des amendements ou des observations sont appropriés dans cette optique. Toutes les personnes impliquées et concernées, tant les gagnants que les perdants potentiels, devraient être entendues. Par exemple, quelle incidence la concurrence pourrait-elle avoir sur les revenus destinés aux Premières Nations, qui pourraient ne pas avoir d’emplacement adéquat ou ne pas souhaiter participer directement, sans parler du maintien des accords actuels conclus avec les Métis sur la participation au partage des bénéfices?

Enfin, pour vous donner matière à réflexion, je souligne que le projet de loi S-268 propose actuellement l’entrée en vigueur de la loi immédiatement après l’obtention de la sanction royale. Je soulève la question suivante aux fins d’étude : serait-il judicieux de prévoir un délai supplémentaire pour planifier une transition et pour inclure les provinces et les municipalités dans ces discussions?

Compte tenu de tout cela, j’appuie le projet de loi S-268 à l’étape de la deuxième lecture et je m’attends à ce que le comité se penche sur ces questions, tout en soutenant l’esprit qui sous-tend le projet de loi et son potentiel de création d’emplois et de richesses, ce qui mènera à l’autodétermination et à l’indépendance des nations autochtones.

Merci. Hiy kitatamihin.

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