Projet de loi C-62 : Le sénateur Cardozo interroge les ministres en comité plénier

Par: L'hon. Andrew Cardozo

Partager cette publication:

Peace Tower and Parliament, Ottawa

Le Sénat s’est formé en comité plénier afin de recevoir l’honorable Mark Holland, c.p., député, ministre de la Santé, et l’honorable Arif Virani, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, accompagnés de deux fonctionnaires chacun, relativement à la teneur du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

Le sénateur Cardozo : Bienvenue, messieurs les ministres. Merci beaucoup d’être ici pour répondre à nos questions. Comme vous le savez, les sénateurs et, en fait, tous les Canadiens s’intéressent de près à cette question, et le temps que vous nous consacrez aujourd’hui est grandement apprécié.

Je vais citer un court extrait d’une lettre que j’ai reçue pour faire entendre ce point de vue et obtenir votre réponse. L’auteur dit ceci :

Il est injuste et inconstitutionnel de continuer de priver les personnes ayant des troubles mentaux de l’égalité d’accès à la loi. Partout au Canada, les gens qui souffrent de troubles mentaux ne pouvant être soulagés dans des conditions acceptables pour eux devraient avoir le même droit à l’autonomie et au choix que les personnes atteintes de problèmes de santé physique graves et irrémédiables.

Que répondriez-vous à cette personne?

M. Virani : Je vous remercie de votre question, sénateur Cardozo. De toute évidence, la constitutionnalité est au cœur du débat sur l’aide médicale à mourir depuis l’arrêt Carter rendu en 2014-2015. Voici ce que je dirais à cette personne : quand on va au cœur d’une analyse visant l’égalité au titre de la Charte, on vérifie si on perpétue des stéréotypes négatifs ou si on porte atteinte à la dignité de la personne. Le gouvernement, le ministre Holland et moi-même avons dit que la souffrance mentale et la souffrance physique sont équivalentes. Il n’y a aucune différence entre les deux. En outre, on ne perpétue pas de stéréotype négatif sur la capacité décisionnelle d’une personne atteinte de maladie mentale.

Toutefois, on comprend la complexité du processus visant à tirer des conclusions sur la capacité décisionnelle d’une personne en difficulté qui peut présenter une demande en période de crise, où l’idéation suicidaire peut être une caractéristique ou un symptôme de sa maladie mentale. Il faut distinguer ce genre de demande d’une demande réfléchie d’aide médicale à mourir. Il faut être absolument sûr que les gens qui effectuent les évaluations ont la capacité de distinguer ce qui est un symptôme de l’état d’une personne de ce qui est une demande raisonnée d’aide médicale à mourir. C’est très complexe.

Si j’avais eu le temps, j’aurais dit ceci à la sénatrice Wallin : l’aide médicale à mourir est non seulement un acte différent de ceux qu’accomplissent normalement les professionnels de la santé, c’est aussi un acte qui, dans le contexte qui nous occupe, diffère fondamentalement — et qualitativement — de toutes les autres situations prévues. Y a-t-il des questions liées à la Charte? Bien sûr, la Charte est en cause. Cependant, ce que je crois fermement, et ce qui est indiqué dans l’énoncé concernant la Charte, c’est qu’il faut être bien certain que la formation et l’évaluation en place sont rigoureuses afin que les intervenants puissent faire l’évaluation. Il est essentiel de ne pas faire d’erreur dans l’évaluation. Je ne pense pas qu’en vertu de la Constitution, moi ou le gouvernement avons le mandat d’autoriser un service de santé quand ce n’est pas sécuritaire de le faire. C’est notre conclusion: ce n’est pas sécuritaire de le faire à ce moment-ci.

Le sénateur Cardozo : Merci. Je vous remercie de vos arguments passionnés au sujet de la Constitution.

Mon autre question est la suivante : Pourquoi trois ans? Il y a un an, quand votre prédécesseur s’était exprimé devant nous, il avait réclamé un an. Pourquoi ne demandez-vous pas un an ou deux ans? Pourquoi trois ans?

M. Virani : En ce qui concerne l’échéancier — et ce point a également été soulevé lors de l’intervention de la sénatrice Wallin —, nous essayons de tenir compte de ce que nous avons entendu de la part des professionnels de la santé. Nous cherchons à ne pas nous représenter sans cesse devant le Sénat ou la Chambre des communes pour demander des prolongations. Nous examinons la feuille de route qui nous a été présentée afin de savoir quand nous nous aurons une meilleure compréhension et une meilleure estimation quant à l’élaboration des nouveaux mécanismes.

Parlons d’un élément qui n’a pas été approfondi ici. Il faut savoir que parmi les composante essentielle il y a la surveillance, l’analyse et l’examen des cas en aval. Si j’ai bien compris — et le ministre Holland me corrigera si nécessaire —, dans tout le pays, seuls les bureaux des coroners du Québec et de l’Ontario sont obligés de réaliser un examen de ces cas de décès par aide médicale à mourir. Nous voulons voir une application rigoureuse et une mise en œuvre rigoureuse de ces processus de surveillance. Nous sommes convaincus que, d’ici deux ans, un comité mixte composé de sénateurs et de députés sera en mesure d’évaluer la situation et que, d’ici trois ans, nous pourrons procéder. Le délai supplémentaire permettra aux responsables de continuer à faire le travail qui s’impose. C’est d’une importance capitale.

Le sénateur Cardozo : Merci.

Partager cette publication: