Deuxième lecture du projet de loi C-57, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine de 2023

Par: L'hon. Peter Harder

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L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, avant de commencer mon discours, je tiens à prendre le temps de reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je le fais parce que je pense qu’il est approprié de commencer par cette reconnaissance lors des discours importants, comme lorsque l’on parraine un projet de loi.

Je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-57, la loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine.

Bien que ce projet de loi vise principalement à mettre en œuvre un accord de libre-échange avec l’Ukraine, la modernisation de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine est bien plus qu’un mécanisme pour promouvoir le commerce bilatéral. En réalité, on peut faire valoir que la valeur réelle de cette entente, surtout à l’heure actuelle, dépasse largement la sphère du commerce et des investissements.

Le fait que le Canada et l’Ukraine ont travaillé de concert pour conclure cette entente malgré l’invasion illégale de la Russie et la guerre qui fait rage depuis est un bon indicateur de la force inébranlable de notre relation bilatérale. Grâce à cette relation, le Canada déclare fermement au monde entier qu’il considère l’Ukraine comme un pays souverain et indépendant, en cette période où sa souveraineté est mise à rude épreuve par l’agression de son voisin.

À cet égard, au-delà des biens, des services, de l’accès au marché et d’autres éléments commerciaux, les circonstances actuelles ont fait de cet accord une nouvelle manifestation du soutien continu et inébranlable du Canada à nos alliés ukrainiens en ces temps difficiles où ils défendent leur indépendance, leur souveraineté, leur démocratie et leur liberté face à l’agression prolongée de la Russie depuis février 2022 et, je dirais même, depuis l’invasion du Donbass et de la Crimée en 2014.

Depuis le début de ce conflit, le Canada s’est engagé à verser à l’Ukraine plus de 9,7 milliards de dollars d’aide sous diverses formes dans les domaines de la défense, des finances, de l’aide humanitaire, du développement, de la sécurité et de l’assistance culturelle. Nous, Canadiens, devons être fiers que ce soutien soit demeuré une priorité et qu’il ait mobilisé nos concitoyens en faveur de cet objectif commun.

La modernisation de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine, dont nous discutons ici aujourd’hui, est la dernière manifestation de ce soutien indéfectible qui s’exprime cette fois-ci par la facilitation du commerce et de l’investissement avec l’Ukraine.

Il va sans dire qu’un Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé n’offrira pas seulement une aide à court terme, mais aura des retombées qui se prolongeront bien au-delà de la guerre d’agression de la Russie parce qu’il renforce les bases sur lesquelles les entreprises canadiennes et ukrainiennes pourront travailler ensemble pendant le redressement et la reconstruction économique de l’Ukraine dans les années à venir.

Il renforcera également les relations déjà solides entre le Canada et l’Ukraine, qui remontent à 1991, lorsque le Canada est devenu le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine — pour laquelle l’Ukraine se bat encore aujourd’hui, malheureusement. En outre, ces relations bilatérales sont renforcées par de chaleureux liens interpersonnels ancrés dans la communauté canado-ukrainienne, qui compte environ 1,3 million de personnes, et par nos valeurs communes, dont beaucoup sont reflétées dans l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé dont je parlerai aujourd’hui.

J’aimerais maintenant parler brièvement de l’accord, qui est historique, et mentionner des avantages et possibilités qu’il offre tant aux Canadiens qu’aux Ukrainiens.

Comme vous le savez peut-être, la version initiale de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine est entrée en vigueur en août 2017 et elle a immédiatement éliminé les droits de douane sur 99 % des importations en provenance d’Ukraine. De même, cet accord a immédiatement éliminé les droits de douane sur 86 % des exportations canadiennes vers l’Ukraine, le reste des concessions tarifaires devant être mis en œuvre sur une période de 7 ans, avec comme date butoir le 1er janvier 2024.

Si la réduction de l’approvisionnement en charbon canadien a donné lieu à une légère baisse de la valeur totale des échanges après l’entrée en vigueur de l’Accord de 2017, les autres exportations ont augmenté à un rythme accéléré et, en 2021, le commerce bilatéral total a atteint un sommet à 447 millions de dollars avant de redescendre à 421 millions de dollars en 2022 en raison de l’invasion de la Russie.

En 2022, les principales exportations canadiennes en Ukraine comprenaient des véhicules blindés, du poisson, des médicaments, des véhicules à moteur, des pièces mécaniques et des aliments pour animaux de compagnie. Les principales importations en provenance de l’Ukraine comprenaient les graisses et les huiles, le fer et l’acier, la machinerie électrique et les aliments transformés. En 2022, les investissements canadiens en Ukraine se sont élevés à 112 millions de dollars.

Bien que complet du point de vue du commerce des marchandises, l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine de 2017 ne comprenait pas de chapitre sur le commerce des services ou l’investissement. Ces domaines ont été exclus de l’accord en raison d’approches divergentes à l’époque. L’Accord de libre-échange Canada-Ukraine contenait plutôt une disposition qui engageait le Canada et l’Ukraine à revoir l’accord deux ans après son entrée en vigueur, en vue d’en élargir la portée. La disposition d’examen précisait que les services et l’investissement seraient des ajouts éventuels, mais n’empêchait pas les parties d’explorer d’autres domaines. C’était donc l’occasion de faire de cet accord un accord global, au même titre que les accords de libre-échange les plus détaillés du Canada.

Dans la foulée de cet examen, le premier ministre et le président ukrainien Zelensky ont annoncé, lors d’une visite à Ottawa en juillet 2019, qu’ils avaient l’intention de moderniser l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine.

Le gouvernement a tenu des consultations publiques officielles sur la modernisation de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine à l’hiver 2020. Les propositions étaient favorables à l’initiative comme moyen de renforcer les relations bilatérales, de tirer parti des échanges commerciaux du Canada avec l’Ukraine et de promouvoir davantage un environnement commercial ouvert, inclusif et fondé sur des règles pour les entreprises et les investisseurs d’ici.

Le gouvernement du Canada a également reçu des commentaires positifs de la part des provinces et des territoires, dont plusieurs étaient particulièrement favorables à l’inclusion potentielle de chapitres nouveaux ou actualisés sur le commerce transfrontalier de services, sur les services financiers, sur l’investissement, sur le commerce numérique et sur des engagements supplémentaires visant à soutenir les petites et moyennes entreprises. Tous ces domaines ont été inclus avec succès dans l’accord modernisé, ainsi que de nouveaux chapitres ou dispositions sur le commerce et le genre, le commerce et les peuples autochtones, la transparence, le travail et l’environnement, entre autres domaines.

Après ces consultations internes et après des retards dus à la pandémie de COVID-19, les négociations sur la modernisation de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine ont débuté officiellement en janvier 2022. Malheureusement, quelques semaines plus tard, le 24 février 2022, la Russie a commencé son invasion illégale de l’Ukraine. Dans le cadre de notre soutien à l’Ukraine, les responsables canadiens du commerce ont fait savoir à leurs homologues ukrainiens qu’ils étaient prêts à poursuivre les discussions sur la modernisation de l’accord commercial, dans la mesure où l’Ukraine avait la capacité et la volonté de mener à bien ces négociations.

Les négociations ont été volontiers entamées par les fonctionnaires en juin 2022 et, malgré des délais serrés et des circonstances difficiles pour notre partenaire de négociation, elles ont été très constructives. Les deux parties se sont montrées désireuses de conclure un accord ambitieux et de haut niveau, comparable aux plus vastes accords commerciaux du Canada, dans le but de faciliter l’accroissement des échanges entre nos deux nations, non seulement pour répondre aux besoins immédiats de reconstruction, mais aussi pour l’avenir.

Dans cet accord avec le Canada, l’Ukraine a pris des engagements ambitieux qui ne figurent pas dans les accords commerciaux qu’elle a conclus avec d’autres pays. Cette ouverture à la négociation de nouveaux engagements se reflète dans l’exhaustivité de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine, non seulement en ce qui concerne le commerce des marchandises par rapport à l’accord initial, mais aussi les nouveaux chapitres et dispositions sur l’investissement, les services, le travail, l’environnement, le commerce inclusif et d’autres points.

Je soupçonne les voisins de l’Ukraine au sein de l’Union européenne de considérer cette ambition de l’Ukraine comme une confirmation de sa capacité à négocier des liens plus étroits avec l’Union européenne.

Lors d’une visite le 11 avril 2023, le premier ministre ukrainien Shmyhal et le premier ministre Trudeau ont annoncé la conclusion des négociations pour la version modernisée de l’Accord de libre‑échange Canada-Ukraine, et chacun s’est engagé à achever ses processus nationaux respectifs pour faciliter sa signature et son entrée en vigueur dès que possible.

Comme vous vous en souvenez peut-être, l’Ukraine a montré toute l’importance qu’elle accorde à cette entente lorsque le texte définitif de l’accord modernisé a été signé par le président Zelensky lui-même, lors de sa visite à Ottawa, le 22 septembre. Il s’agit d’un jalon historique dans les relations bilatérales entre le Canada et l’Ukraine et, comme je l’ai mentionné, d’une autre démonstration claire du soutien du Canada pour la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Permettez-moi d’aborder plus en détail le contenu de l’entente et d’expliquer pourquoi elle constitue un outil avantageux pour les entreprises canadiennes ainsi qu’une référence pour l’Ukraine qui prouve sa capacité à conclure un accord moderne, ambitieux et de haut niveau avec des partenaires partout dans le monde.

Des négociations de fond ont produit un accord modernisé qui comprend neuf nouveaux chapitres et la mise à jour de huit chapitres de l’accord de 2017.

Je commencerai par un aperçu des nouveaux chapitres qui ont été ajoutés.

Tout d’abord, l’accord comprend un nouveau chapitre consacré au commerce transfrontalier des services, qui inclut des obligations de fond conformes aux accords commerciaux du Canada en vigueur, lesquelles placent les fournisseurs de services ukrainiens et canadiens sur un pied d’égalité avec nos principaux partenaires commerciaux dans le domaine des services. Ce chapitre prévoit un accès au marché, un traitement non discriminatoire, de la transparence et de la prévisibilité pour les fournisseurs de services ukrainiens et canadiens. Il contient aussi des dispositions sur la reconnaissance des titres professionnels qui facilitera le commerce de services professionnels, un facteur qui a une importance stratégique pour les deux parties dans une économie numérique fondée sur le savoir.

Dans le cadre de la modernisation de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine, le Canada a également négocié un chapitre complet et progressiste sur les services financiers, avec des obligations fondamentales liées à l’accès aux marchés, au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée, qui vise à uniformiser les règles du jeu au moyen d’un ensemble de règles adaptées à la nature unique du secteur financier. Cela comprend des engagements ambitieux pour les services financiers canadiens, pris au moyen de dispositions exécutoires sur les droits et les obligations, qui favoriseront des conditions d’investissement prévisibles, stables et transparentes pour les investisseurs, tout en laissant suffisamment de marge de manœuvre aux organismes de réglementation pour préserver l’intégrité et la stabilité du système financier. Le chapitre sur les services financiers accorde à l’Ukraine une période de dix ans pour passer de ses engagements actuels auprès de l’Organisation mondiale du commerce à ceux inclus dans cet accord.

Le nouveau chapitre sur l’admission temporaire des gens d’affaires vise à favoriser les possibilités économiques pour les Canadiens, y compris les résidents permanents, en facilitant les déplacements des gens d’affaires entre les deux pays et en encourageant les travailleurs hautement qualifiés à tirer parti des emplois dans les deux marchés. Les dispositions relatives à l’admission temporaire suppriment les obstacles, tels que les examens des besoins économiques et les contingents numériques, et prévoient de nouveaux engagements réciproques en matière d’accès aux marchés pour les hommes et les femmes d’affaires canadiens et ukrainiens admissibles,

Cela comprend un nouvel accès pour les investisseurs canadiens qui souhaitent entrer en Ukraine et y rester pour y établir, y développer ou y administrer un investissement, pour une durée maximale d’un an, afin qu’il soit plus facile de profiter des occasions d’affaires et de développer des partenariats.

Le chapitre comprend également des engagements qui garantissent que le conjoint qui accompagne un investisseur, une personne mutée à l’intérieur d’une société ou un professionnel hautement qualifié du Canada pourra également être admis en Ukraine et y travailler.

Ce chapitre offre une série d’options et d’avantages aux employeurs canadiens, qui pourront accéder plus facilement, de façon temporaire, à des talents ukrainiens hautement qualifiés, et ce, dans un large éventail de professions, notamment à des ingénieurs, à des architectes, à des concepteurs de logiciels et à des programmeurs.

Les parties ont également ajouté un nouveau chapitre sur l’investissement, qui, comme je l’ai mentionné plus tôt, avait été omis dans l’accord de 2017, et qui remplacera l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de l’Ukraine pour l’encouragement et la protection des investissements, signé en 1994. Le chapitre de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine qui porte sur l’investissement modernise les cadres qui protègent les investisseurs et leurs investissements en établissant un ensemble complet d’obligations conformes aux accords commerciaux du Canada les plus ambitieux. Ce chapitre sur l’investissement est également le premier à avoir été négocié à l’aide du modèle canadien le plus récent, qui vise à mieux garantir que les obligations en matière d’investissement fonctionnent comme prévu et à procurer aux gouvernements la flexibilité nécessaire en matière d’établissement de politiques publiques pour agir dans l’intérêt public.

Ainsi, cette nouvelle mouture du chapitre sur l’investissement permettra au Canada et à l’Ukraine de conserver leur droit de réglementer dans des domaines clés tels que l’environnement, la santé, la sécurité, les droits des peuples autochtones, l’égalité des genres et la diversité culturelle.

En outre, ce chapitre propose un mécanisme moderne de règlement des différends assorti de meilleures options pour éviter l’arbitrage et prévoyant une plus grande transparence des procédures. Somme toute, ce nouvel accord représente une nette amélioration par rapport à l’Accord de 1994 sur la promotion et la protection des investissements étrangers, que ce chapitre remplace, et il permettra de sécuriser les conditions dans lesquelles les entrepreneurs canadiens pourront investir dans la reconstruction de l’Ukraine.

Un nouveau chapitre sur les télécommunications favorise la concurrence et donne plus de certitude aux fournisseurs de services de télécommunications présents dans les marchés canadien et ukrainien. Il offre également plus de facilité pour le commerce en général, notamment en ligne, en garantissant que les entreprises autres que celles du secteur des télécommunications auront accès aux réseaux et aux services de télécommunications. Il comprend également des engagements en matière d’indépendance, d’impartialité et de transparence des organismes de réglementation du secteur des télécommunications.

Un autre des nouveaux chapitres de l’Accord de libre-échange Canada–Ukraine concerne les bonnes pratiques de réglementation, de façon à montrer aux partenaires commerciaux actuels et futurs que l’Ukraine peut prendre des engagements visant à soutenir un environnement réglementaire favorable aux échanges commerciaux.

Enfin, l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé atteint des normes élevées en matière de commerce inclusif, grâce à des chapitres spécifiques sur le commerce et le genre; le commerce et les petites et moyennes entreprises, ou PME; et le commerce et les peuples autochtones.

Le chapitre intitulé « Commerce et genre » vise à promouvoir l’égalité des genres, à supprimer les obstacles au commerce pour les femmes et à faciliter l’accès aux avantages et aux opportunités de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine. Pour le Canada, la promotion de l’égalité des femmes pourrait ajouter approximativement 150 milliards de dollars au produit intérieur brut, ou PIB, d’ici 2026.

Pour que les avantages du libre-échange puissent être maximisés et largement partagés, il est important que le Canada prenne en compte les questions liées au genre lors de l’élaboration de la politique commerciale et de la négociation des accords de libre‑échange. Ainsi, ce chapitre vise à permettre à davantage de femmes de participer au commerce et de bénéficier de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé dès son entrée en vigueur.

Pour atteindre ces objectifs, le chapitre « Commerce et genre » comprend un article qui engage les parties à appliquer — et non à affaiblir — leurs lois nationales et les protections accordées aux femmes afin d’attirer le commerce et l’investissement. Il comprend également un engagement à entreprendre des activités de coopération et à créer un comité pour faciliter la mise en œuvre du chapitre.

En outre, en réponse à l’intérêt des parties prenantes pour l’applicabilité du chapitre « Commerce et genre », le Canada et l’Ukraine ont répondu à cette demande en soumettant le chapitre à un mécanisme de règlement des différends. Cela envoie un signal important aux parties prenantes canadiennes, à savoir que le Canada s’engage à faire progresser l’égalité des genres et l’autonomisation économique des femmes.

La version modernisée de l’Accord de libre-échange Canada‑Ukraine inclut aussi un nouveau chapitre inclusif intitulé « Commerce et petites et moyennes entreprises », qui vise à accroître leur capacité à participer aux possibilités créées par l’accord et à en tirer parti.

De 2015 à 2019, la contribution des PME au PIB du Canada a été, en moyenne, d’un peu plus de 53 % dans le secteur de la production des biens et de 51,8 % dans le secteur des services. De plus, en 2021, les petites et les moyennes entreprises représentaient, respectivement, 97,9 % et 1,9 % des 1,21 million d’entreprises au Canada. En reconnaissant l’importance des PME pour l’économie, le Canada et l’Ukraine s’engagent à collaborer pour éliminer les obstacles afin que les PME soient mieux placées pour participer aux échanges commerciaux et aux investissements internationaux et pour en bénéficier.

À ce titre, le Canada et l’Ukraine ont pris d’importants engagements en vue de mettre au point un média numérique spécialisé permettant aux PME de trouver facilement les informations pertinentes qui les intéressent dans le cadre de l’accord modernisé. Le Canada et l’Ukraine ont également convenu de créer un comité et de mener des activités de coopération. Ces engagements contribueront non seulement à éliminer les obstacles au commerce pour les PME, mais aussi à soutenir une croissance inclusive et durable pour tous.

Enfin, l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé comprend un chapitre intitulé « Commerce et peuples autochtones », qui vise à garantir aux peuples autochtones du Canada l’accès aux avantages et aux débouchés qui découlent du commerce et des investissements internationaux. Qui plus est, il s’agit d’un jalon important pour le Canada, étant donné que c’est le premier chapitre distinct sur le commerce et les peuples autochtones inclus dans un accord de libre-échange.

Ce chapitre, axé sur l’économie et la coopération, institue un comité bilatéral qui permet de faciliter les activités de coopération afin d’éliminer les obstacles et les difficultés auxquels se heurtent les peuples autochtones lorsqu’ils participent au commerce international. Le chapitre prévoit également un engagement contraignant à appliquer et à renforcer les lois et les mesures de protection canadiennes concernant les droits des peuples autochtones afin de stimuler le commerce et l’investissement en tenant compte de ces engagements. Dans cet accord, le Canada et l’Ukraine réaffirment la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Par ailleurs, et conformément aux principes des Nations unies, le chapitre fait progresser nos efforts de réconciliation avec les peuples autochtones en veillant à ce que ces derniers soient inclus dans les discussions portant sur leurs intérêts. À cet égard, le comité bilatéral visé par ce chapitre peut directement inclure la participation des peuples autochtones.

Outre les nouveaux chapitres que j’ai décrits, le Canada et l’Ukraine ont convenu de mettre à jour les huit chapitres existants de l’accord.

Le premier est le chapitre intitulé « Règles d’origine et procédures d’origine », pour lesquelles le Canada et l’Ukraine ont convenu de mettre en œuvre un article de l’accord de 2017 sur le principe du cumul de l’origine. Cela permettra aux matières de tout autre État avec lequel le Canada et l’Ukraine ont tous deux un accord de libre-échange en vigueur, comme l’Union européenne, d’être considérées comme étant originaires au titre de l’accord. Il sera ainsi plus facile pour les entreprises canadiennes et ukrainiennes de participer aux chaînes de valeur régionales, ce qui fait état d’une volonté commune de soutenir le commerce entre des partenaires aux vues similaires.

Le chapitre intitulé « Commerce numérique » met à jour la terminologie employée auparavant dans le chapitre « Commerce électronique » de l’accord, afin que les droits de douane ne s’appliquent pas aux produits numériques transmis par voie électronique. Ce chapitre modernisé contient aussi des engagements ambitieux visant à faciliter le commerce électronique. Cela comprend des mesures de protection contre des exigences inutiles concernant le stockage local de données ou l’accès au code source de logiciels privés, ainsi que des engagements visant à faciliter l’accès public aux données relatives au gouvernement ouvert ainsi que leur utilisation afin de favoriser le développement économique, la concurrence et l’innovation.

De plus, des engagements concernant la protection des individus en ligne ont été inclus, ce qui assure la mise en place d’un ensemble de mesures visant à protéger les données personnelles contre les activités commerciales frauduleuses et trompeuses afin d’instaurer un climat de confiance à l’égard du commerce électronique.

Pour la première fois dans l’histoire des accords de libre-échange conclus par le Canada, ce chapitre contient une disposition interdisant aux autorités gouvernementales d’utiliser les renseignements personnels recueillis auprès d’organismes privés pour faire de la discrimination ciblée contre une personne pour des motifs injustifiés. Compte tenu des préoccupations grandissantes concernant la manière dont les gouvernements utilisent les données personnelles, cet engagement vise à accroître la confiance des utilisateurs dans l’économie numérique.

L’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé comprend aussi un chapitre distinct sur les politiques en matière de concurrence, ainsi que des obligations nouvelles ou mises à jour visant à promouvoir un marché global et concurrentiel. Ce chapitre permet au Canada et à l’Ukraine d’atteindre leurs objectifs pour promouvoir un environnement commercial équitable, transparent, prévisible et concurrentiel, en prévoyant notamment le renforcement des obligations des autorités responsables de la concurrence en ce qui concerne l’équité et la transparence procédurales, ainsi que de nouvelles obligations en matière d’identification et de protection des renseignements confidentiels. Ces nouvelles obligations visent à garantir le respect de principes fondamentaux, comme les droits des défendeurs, dans le cadre des procédures d’enquête et d’application des mesures législatives en matière de concurrence.

Le chapitre intitulé « Monopoles désignés et les entreprises appartenant à l’État » a également été mis à jour pour inclure d’importantes définitions concernant les entreprises appartenant à l’État et les monopoles désignés, de même que pour actualiser les engagements en matière de transparence et de coopération technique.

Dans le chapitre intitulé « Marchés publics » de la version modernisée de l’accord, le Canada et l’Ukraine ont reconduit les engagements ambitieux en matière d’accès aux marchés qui étaient prévus dans l’entente de 2017. En modernisant ce chapitre, le Canada et l’Ukraine précisent qu’ils peuvent tenir compte des considérations environnementales, socio-économiques ou liées au travail dans le cadre du processus de passation des marchés. Par conséquent, il est maintenant clair que l’entente n’empêche pas les parties d’adopter des politiques et des programmes nationaux afin de soutenir des initiatives comme des pratiques d’approvisionnement écologiques et socialement responsables.

La version actualisée du chapitre comprend également un nouvel article pour que chacune des parties veille à ce que des mesures pénales ou d’enquête soient en place pour lutter contre la corruption dans ses marchés publics. Enfin, la nouvelle version de ce chapitre facilite une plus grande participation des PME ukrainiennes et canadiennes dans les marchés publics.

Le chapitre intitulé « Travail » de la version modernisée de l’accord montre que le Canada et l’Ukraine sont résolus à appliquer les normes les plus élevées en matière de droits du travail. Ce chapitre est robuste, complet et entièrement assujetti aux dispositions de l’accord sur le règlement des différends. Il oblige aussi le Canada et l’Ukraine à intégrer dans leurs propres lois sur le travail les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail.

Deux articles particulièrement importants ont été ajoutés : un article sur l’interdiction des produits issus, en entier ou en partie, du travail forcé; et un article distinct sur la violence contre les travailleurs. Ce chapitre confirme que le Canada et l’Ukraine sont pleinement déterminés à respecter les normes les plus élevées en matière de droits du travail et à accepter de collaborer davantage dans ce domaine.

La version actualisée du chapitre intitulé « Transparence, lutte contre la corruption et conduite responsable des entreprises » s’appuie sur la version de 2017 de l’accord et y apporte des améliorations. Cette section fournit un cadre pour la promotion de la transparence et de l’intégrité parmi les fonctionnaires et le secteur privé tout en favorisant la force exécutoire des lois contre la corruption. Par conséquent, la nouvelle section favorise l’objectif du Canada et de l’Ukraine, soit celui d’avoir un système commercial international ouvert, transparent et fondé sur des règles, qui favorise également les mesures de prévention de la corruption et de lutte contre celle-ci. La section comprend également un nouvel article qui vise à encourager les entreprises à adopter une conduite responsable, conformément aux normes, lignes directrices et principes reconnus à l’échelle internationale. Cela appuiera également le programme national de réforme de l’Ukraine dans ce domaine.

Enfin, le nouvel Accord de libre-échange Canada-Ukraine comprend peut-être aussi la section sur l’environnement la plus complète et la plus ambitieuse jamais incluse dans un accord de libre-échange canadien. Le Canada reconnaît l’importance de favoriser une gouvernance environnementale rigoureuse tout en élargissant les partenariats en matière de commerce et d’investissement. Au fur et à mesure que les relations commerciales se resserrent, il est essentiel de promouvoir une gouvernance environnementale robuste afin d’assurer une croissance économique et un bien-être durables sur le long terme qui aura l’appui de la population. Pour parvenir à une telle durabilité, les politiques commerciales et environnementales doivent être complémentaires, et l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé définit le cadre pour y arriver.

L’Ukraine est un partenaire qui reconnaît aussi l’importance de la corrélation entre le commerce et l’environnement. C’est pourquoi, en 2017, le Canada et l’Ukraine ont négocié toute une section sur l’environnement qui comportait des engagements fermes et juridiquement contraignants pour protéger l’environnement. À l’époque, l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine de 2017 a innové en incluant les engagements environnementaux les plus exhaustifs jamais négociés par l’Ukraine jusque là. En 2023, le Canada et l’Ukraine ont continué sur cette lancée.

Le chapitre mis à jour fait la promotion d’une gouvernance environnementale solide, ambitieuse et transparente, et il comprend une disposition où les parties réaffirment leur engagement à lutter contre le changement climatique et prévoit une coopération dans ce domaine.

Honorables sénateurs, je me permets de préciser que le chapitre de l’accord sur l’environnement ne met pas en œuvre un régime de tarification du carbone en Ukraine. Des experts commerciaux, des journalistes et, oui, l’ambassade ukrainienne elle-même l’ont clairement indiqué. « Il n’y a pas de dispositions contraignantes relatives aux taxes sur le carbone ou aux changements climatiques. » Ce ne sont pas mes paroles, mais celles du négociateur en chef du Canada, Bruce Christie, qui a témoigné devant le Comité permanent du commerce international de l’autre endroit. En fait, l’Ukraine dispose de sa propre version de la tarification du carbone depuis 2011 — bien avant que le régime n’ait été créé et mis en œuvre au Canada.

Un amendement au projet de loi, proposé par le député bloquiste Simon-Pierre Savard-Tremblay, a été accepté par le Comité permanent du commerce international de la Chambre. Cet amendement a pour effet d’assurer que les entreprises canadiennes menant des activités en Ukraine respectent les principes et directives énoncés à l’article 15.14 de l’accord. Cet article sur la conduite responsable des entreprises fait partie du chapitre de l’accord intitulé « Transparence, lutte contre la corruption et conduite responsable des entreprises ». L’amendement prévoit que le ministre établit un processus pour recevoir les plaintes et faire rapport au Parlement à ce sujet chaque année. Grâce à ce processus, les dispositions sur la conduite des entreprises canadiennes en Ukraine amélioreront la transparence et elles auront du mordant.

Honorables sénateurs, j’espère que cet aperçu de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé vous aidera à comprendre pourquoi cet accord est important pour le Canada et pour l’Ukraine. L’Ukraine a déjà signalé au Canada de l’importance de moderniser cet accord pour en faire un modèle et pour démontrer sa capacité à conclure un accord complet, moderne et conforme aux normes les plus strictes avec des partenaires commerciaux potentiels du monde entier.

À cet effet, cet accord positionne l’Ukraine comme un pays qui se tient aux côtés d’alliés aux vues similaires, qui croient dans la primauté du droit, dans l’inclusivité et dans la nécessité d’agir pour la protection de l’environnement et des droits des travailleurs. Voilà pourquoi, en dépit des circonstances, l’Ukraine a consacré ses précieuses ressources en matière de politique commerciale à la réalisation de cet objectif et a mené à bien cet exercice de modernisation avec le Canada.

Au-delà des avantages à court et à moyen terme liés aux travaux de reconstruction qui l’attendent, l’Ukraine reconnaît également l’importance à long terme du développement de relations avec des partenaires qui partagent les mêmes idées, ainsi que de la consolidation et de la préservation d’un système de commerce mondial ouvert, inclusif et fondé sur des règles — un système qui contribue à la création d’économies fortes et résistantes, et qui permet une croissance à long terme.

Comme vous le savez certainement, l’Accord de libre-échange modernisé entre le Canada et l’Ukraine a suscité des débats au cours des derniers mois, certains estimant que cet accord n’est peut‑être pas ce dont l’Ukraine a besoin à l’heure actuelle.

Ce n’est un secret pour personne que, de nos jours, les politiques commerciales sont devenues plus vastes qu’elles ne l’étaient auparavant. Dans un contexte de plus en plus complexe qui exige des approches multiples, étant donné que les activités et leurs conséquences sont interreliées à l’échelle mondiale, les approches unilatérales ne sont pas suffisantes. Alors que le monde devient plus complexe, nos politiques devraient se complexifier également pour qu’elles demeurent pertinentes et qu’elles permettent de s’attaquer de front aux problèmes.

C’est l’Ukraine qui nous a amenés à renouveler notre engagement et qui a déterminé le rythme des négociations, même si l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine modernisé ne serait qu’un mécanisme parmi d’autres pour assurer la reconstruction et la prospérité économique future de l’Ukraine.

C’est pour cette raison que l’Accord de libre-échange Canada‑Ukraine modernisé s’attaque à des problèmes difficiles qui touchent le commerce inclusif, les préoccupations environnementales et les droits des travailleurs, en plus de prévoir des dispositions ambitieuses en matière d’accès aux marchés.

Comme je l’ai dit, cet accord ne vise pas seulement à soutenir l’Ukraine, qui doit actuellement faire face à l’invasion illégale de son territoire. Il s’agit également de jeter les bases des relations bilatérales que nos deux pays entretiendront dans l’avenir, au-delà de la guerre et, espérons-le, pour des générations à venir.

En conclusion, cet accord et le projet de loi qui l’accompagne ont une importance toute personnelle pour moi. En effet, cette année marque le 100e anniversaire de l’arrivée au Canada de mes parents, qui ont immigré de l’Ukraine en tant que réfugiés pour fuir la révolution soviétique, d’où l’importance que j’accorde à ce projet de loi sur le plan personnel.

Dans mon ancienne vie, j’ai occupé, à une certaine époque, la fonction de sous-ministre des Affaires étrangères, au ministère qu’on appelle aujourd’hui Affaires mondiales Canada. Quand j’étais sous-ministre, j’ai constaté de visu à quel point il est complexe de bâtir et de maintenir des relations bilatérales. Je suis très heureux que le Canada ait su contribuer au renforcement de la relation commerciale bilatérale avec l’Ukraine d’une manière aussi productive et visionnaire avec la négociation d’un accord de libre‑échange exhaustif et ambitieux Canada-Ukraine. Je suis certain que mes ancêtres seraient fiers.

Je terminerai en disant que, malgré l’émergence de certaines divergences d’opinions à la Chambre des communes au sujet de ce projet de loi, l’essence de ce qu’il représente — le soutien du Canada envers l’Ukraine en cette période difficile et notre engagement à renforcer notre relation commerciale bilatérale à long terme — continue, heureusement, de jouir d’un vaste soutien. Il faut donc que le Sénat procède à l’étude de ce projet de loi en priorité afin que nous puissions fournir à nos alliés ukrainiens un soutien à long terme pour le bien de leur avenir économique. Il est maintenant temps de faire bouger les choses, car le temps presse.

Chers collègues, l’Ukraine a amorcé le processus de mise en œuvre de son côté. Puisque leur Verkhovna Rada est monocamérale, cela devrait aller assez vite. Les Ukrainiens attendent de nous que nous fassions le travail de notre côté. L’Ukraine veut cet accord. Le Canada veut cet accord. J’exhorte donc le Sénat à adopter ce projet de loi le plus vite possible. Merci.

L’honorable Amina Gerba : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Absolument.

La sénatrice Gerba : Sénateur Harder, je vous félicite pour ce projet de loi et pour votre discours. Personnellement, c’est un projet de loi que j’appuie, puisque je facilite moi-même nos relations commerciales avec d’autres pays et que j’aime bien qu’on les développe.

Vous êtes sûrement au courant de ce qui passe en ce moment en France, soit que les agriculteurs français sont envahis par le poulet provenant de l’Ukraine. A-t-on prévu des balises dans ce projet de loi pour protéger nos agriculteurs, particulièrement dans ce domaine?

Le sénateur Harder : Merci pour votre question, sénatrice. Vous savez certainement que le Canada protège farouchement son industrie agricole dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre.

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