L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, nous soulignerons bientôt le troisième anniversaire de l’adoption du projet de loi 21, la loi québécoise controversée qui interdit le port de symboles religieux aux enseignants et aux autres fonctionnaires travaillant dans cette province.
Si l’atteinte aux libertés constitutionnelles — que représente ce projet de loi — est alarmante, la persistance de cette injustice pendant une si longue période et l’exemple inquiétant donné à d’autres provinces et territoires de l’utilisation de la clause dérogatoire le sont tout autant.
À l’approche de cet anniversaire, les observations suivantes me viennent à l’esprit : premièrement, l’existence continue de cette loi met en lumière le devoir de chaque citoyen de se lever pour défendre les libertés civiles de tous les Canadiens, car chaque fois que nous diminuons les libertés civiles de quelqu’un, nous les diminuons pour tout le monde. Deuxièmement, moins nous sommes personnellement touchés par une diminution des libertés civiles, plus nous avons la responsabilité de nous opposer au nom de ceux qui sont les plus lésés. Troisièmement, plus le compromis sur toute liberté civile demeure en place longtemps, plus il devient offensant. La responsabilité de faire pression pour son élimination augmente chaque jour qui passe tant qu’il subsiste. Nous ne devons pas nous habituer à un compromis sur les libertés civiles simplement parce que nous nous y habituons.
Dans un État fédéral comme le nôtre, c’est s’engager sur une voie particulièrement dangereuse que de permettre qu’on restreigne les libertés civiles. Cela incite une administration à ignorer une attaque contre les libertés menée dans une autre administration, peut-être dans l’espoir qu’on ignorera tout simplement ses propres transgressions. Cela pourrait mener à la création d’un ensemble disparate de libertés civiles qui varient dès que l’on franchit une frontière provinciale ou territoriale.
Par ailleurs, lorsqu’on tolère une restriction à nos propres libertés civiles, nous sacrifions notre capacité à nous objecter à des restrictions semblables ou plus importantes dans d’autres pays. Cela demeure vrai même si nous consentons à la réduction d’une liberté civile dans la plus petite de nos provinces. La protection des libertés civiles des Canadiens où que ce soit au pays est donc la responsabilité de l’ensemble des Canadiens.
Nous vivons dans un monde où, dans bien des pays, les libertés civiles sont extrêmement limitées, voire inexistantes. Diminuer la capacité de notre pays à demander à d’autres pays de rendre des comptes, c’est priver le monde d’un champion de la liberté, ce dont il a grandement besoin.
Par le passé, nous avons toléré des restrictions injustifiées des libertés civiles, généralement au détriment de groupes précis de citoyens. Cela justifie d’autant plus le fait que nous devons faire preuve de vigilance en ce moment afin de protéger l’ensemble des libertés civiles de l’ensemble de la population.
Nos libertés et nos responsabilités vont de pair. Les protéger est l’une de nos plus grandes responsabilités, tant pour nous-mêmes que pour les générations futures. Elles forment la base d’une société tolérante, pluraliste et multiculturelle. Elles constituent une composante essentielle de la dignité humaine, de la cohésion sociale et du respect d’autrui. Il faut les protéger et les promouvoir chaque fois qu’elles sont menacées.