La Loi sur la Commission canadienne du lait : Étude en comité plénier

Par: L'hon. Jim Munson

Partager cette publication:

Le sénateur Munson : Merci, madame la ministre. Merci de ce que vous faites. C’est parfois difficile, la vie de ministre de l’Agriculture. Je me souviens encore du visage de celui qui était à votre place, Eugene Whelan, quand on lui a versé du lait sur la tête. En tout cas, il semblait en aimer le goût. C’était en 1976, je venais d’avoir 30 ans, je débutais ma carrière de journaliste sur la Colline et les producteurs laitiers du Québec faisaient les manchettes parce qu’ils ne décoléraient pas. C’est un poste difficile, mais je crois que vous avez la personnalité, et la détermination — enfin j’ose croire —, pour bien vous en sortir.

(1240)

Il a été brièvement question des producteurs obligés de jeter une partie de leur lait cru. Ce type de situation ne réjouit personne, mais vous semblez dire que cela ne se reproduira plus d’ici la fin de la pandémie.

Vous avez aussi parlé d’argent pour distribuer les produits laitiers par l’entremise des banques alimentaires. Un demi-million d’enfants canadiens vivent dans la pauvreté. À part les banques alimentaires, pouvez-vous nous dire précisément comment se fera la distribution de lait, de beurre et de fromage, toutes choses que nous considérons comme faisant partie de notre quotidien, aux gens qui vivent dans la pauvreté?

Mme Bibeau : Merci, sénateur. Je tiens à remercier les producteurs et les transformateurs laitiers, qui ont fait des dons importants aux banques alimentaires lorsqu’ils se sont vus obligés de se débarrasser de leur lait. Un gros merci.

Les banques alimentaires peuvent accepter une quantité limitée. Selon moi, ces dons les ont beaucoup aidées. Nous avons créé deux fonds distincts pour appuyer les banques alimentaires. Tout d’abord, il y a le fonds de 100 millions de dollars qui a été réparti par l’intermédiaire de cinq partenaires importants : Banques alimentaires Canada, l’Armée du Salut, Second Harvest, le Club des petits déjeuners et la Federation of Community Organizations. Nous avons collaboré très étroitement avec eux pour que tout le pays soit couvert et nous avons mis de côté 30 millions de dollars afin d’avoir la marge de manœuvre nécessaire pour combler les manques.

Puis, nous avons ajouté 50 millions de dollars pour acheter des surplus. En plus d’acheter des surplus, nous avons aussi établi des relations et trouvé les bons partenaires afin de régler d’éventuels problèmes de transport ou d’emballage et nous assurer que ce que nous achetons répond véritablement aux besoins des gens que nous voulons aider dans diverses régions. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les collectivités nordiques.

Le sénateur Munson : Merci de votre réponse. J’aimerais maintenant parler des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons tenu notre première séance du Comité des affaires sociales hier, et nous avons entendu des témoignages de représentants d’Agriculture Canada. J’ai été frappé par la décision du premier ministre du Nouveau-Brunswick d’interdire aux travailleurs étrangers d’entrer dans la province. Année après année, l’expérience a montré qu’il manque toujours de travailleurs étrangers.

Lorsque M. Forbes, votre sous-ministre, était ici, il a abordé cette question. De plus, lors de la séance du Comité de l’agriculture et de l’agroalimentaire du 5 mai, il y a quelques jours à peine, M. Forbes a parlé de l’arrivée des travailleurs étrangers au Canada. Est-il garanti que le Canada pourra combler ce vide? Étant donné l’argent qui a été distribué aux jeunes Canadiens, y a-t-il une garantie qu’eux ou d’autres remplaceront temporairement ces travailleurs étrangers pour se faire une idée de ce que c’est de travailler dans leur propre pays et de les motiver à le faire en leur offrant une expérience sur le terrain? Aux États-Unis, le Corps des volontaires de la paix exerce des activités partout dans le monde. Cependant, demander à des jeunes Canadiens de travailler dans leur pays, bien que temporairement, pourrait valoriser leur identité nationale. C’est la seule solution qui me vient à l’esprit pour combler le vide laissé par les travailleurs étrangers.

Mme Bibeau : La pénurie de main-d’œuvre est sans contredit un énorme défi. C’était déjà le cas avant la pandémie de COVID-19. En temps normal, nous accueillons 60 000 travailleurs étrangers temporaires. Même avec leur apport, quelque 15 000 emplois restaient en général vacants. Il ne fait donc aucun doute qu’il s’agit d’un défi de taille.

C’est pourquoi nous travaillons très fort avec le ministre de l’Immigration et le ministre des Affaires étrangères pour simplifier le processus au maximum et ainsi accueillir le plus grand nombre de travailleurs temporaires possible. En avril, les efforts ont plutôt bien fonctionné : les résultats ont été supérieurs à nos attentes. Nous sommes parvenus à accueillir 11 200 travailleurs par rapport à 13 000 l’an dernier. Nous avons donc bon espoir que la situation sera meilleure que ce à quoi nous nous attendions il y a un mois.

À ce sujet, je peux ajouter que nous offrons 1 500 $ aux employeurs — principalement des agriculteurs, mais également des transformateurs d’aliments — qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires. Ils reçoivent donc 1 500 $ par travailleur pour les aider à assumer les coûts supplémentaires associés à la période d’isolement de 14 jours.

Nous avons aussi lancé le programme Mettez la main à la pâte, un portail réunissant tous les emplois vacants en agriculture partout au pays. Nous tentons de faire la promotion de ces emplois de différentes façons avec l’ensemble des intervenants.

Dans le cadre du programme Emplois d’été Canada, nous avons déjà inclus les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans les services essentiels. Maintenant, les agriculteurs peuvent trouver des travailleurs — qui sont des jeunes, pas nécessairement des étudiants — par l’entremise de ce programme qui couvre 100 % de leur salaire.

Je peux peut-être aussi en profiter pour rappeler à tous que nous avons convenu de transférer 3 milliards de dollars aux provinces afin qu’elles puissent bonifier le salaire des travailleurs essentiels, y compris ceux des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Le sénateur Munson : Que diriez-vous aujourd’hui aux jeunes pour les inciter à aller travailler dans une exploitation agricole ou laitière, à se salir un peu les mains pendant cette période particulière, à faire un assez bon salaire et à contribuer au processus de relance de leur pays? Que diriez-vous aux jeunes Canadiens?

Mme Bibeau : J’en ai trois à la maison, ils ne sont pas tous les miens, mais j’ai quand même trois jeunes sous mon toit et nous en avons discuté. Je crois que de nombreux parents ont ce genre de discussions avec leurs enfants présentement.

J’ai beaucoup entendu parler de la prestation d’urgence pour les étudiants, parce que certains craignent que les étudiants préfèrent rester à la maison plutôt que d’aller travailler. Ils devront prouver qu’ils ont cherché du travail, mais je crois que c’est l’occasion parfaite pour enseigner à nos jeunes les valeurs canadiennes et l’importance de soutenir sa collectivité, particulièrement lors de périodes comme celle que nous vivons.

Si on revient à l’expérience de travail qu’ils pourraient acquérir à la ferme, ils apprendraient certainement des choses qu’aucun autre emploi d’été ne pourrait leur apprendre. Que voudront-ils raconter à leurs enfants lorsqu’ils leur demanderont comment c’était? Aimeraient-ils mieux leur répondre qu’ils ont profité du système ou qu’ils ont appris à faire un potager? Plus tard, quand ils parleront de 2020, ils pourront dire : « C’est grâce à la COVID-19 que j’ai appris à cultiver la terre. » Je crois que c’est une question d’éducation dans chaque famille.

Le sénateur Munson : Madame la ministre, je vous remercie énormément de ces observations. Bien que nous ayons des questions concernant les chiffres, les statistiques, les échéances et d’autres détails de cette nature, je crois qu’il faut aborder ce problème avec humanité, et nous avons vu toutes ces annonces. Derrière chaque statistique, il y a un être humain ou une personne qui est décédée. Lorsque je songe aux familles et à la façon de résoudre cette crise, je crois que le pays a une occasion à saisir pour assurer sa relance. Je crois vraiment que nous pouvons en tirer d’importantes leçons, et c’est pour cela que je tenais à souligner qu’il n’y a pas de meilleur endroit où travailler qu’une ferme. Merci beaucoup.

(1250)

Mme Bibeau : Merci.

Partager cette publication: