Troisième lecture du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)

Par: L'hon. Andrew Cardozo

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Whale tail breaching water, Newfoundland

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques minutes pour faire entendre la voix de quelques Canadiens qui nous ont écrit pour exprimer divers points de vue au sujet du projet de loi C-62.

Commençons par Jane, de l’Ontario, qui nous a adressé une lettre personnelle et lourde de sous-entendus :

Je suis une femme de 75 ans et je souffre depuis des décennies d’un « trouble de stress post-traumatique complexe », que la psychiatrie a commencé à diagnostiquer récemment et qui résulte généralement de traumatismes subis dans l’enfance, jamais compris ou résolus, suivis d’une série de traumatismes tout au long de la vie qui se superposent et s’imbriquent les uns dans les autres par des déclencheurs (une répulsion psychologique et physique négative instantanée).

[…] mon état est irrémédiable et ma demande d’aide médicale à mourir, justifiée par 50 ans de dossiers psychiatriques totalisant plus de 1 500 pages et par l’absence de traitement du traumatisme jusqu’en 2020, serait acceptée par des évaluateurs psychiatriques de l’aide médicale à mourir formés à cet effet. Chaque minute d’éveil, je suis en proie à des flashbacks, à des cauchemars, à des déclencheurs et à des sanglots. Les médicaments atténuent pendant une demi-heure l’avalanche des horreurs passées […]

Depuis 2020, je reçois un excellent traitement pour mes traumatismes […] J’ai découvert des traumatismes enfouis les uns sous les autres […]

Les membres du comité parlementaire ont entendu des experts dire que le Canada est prêt pour cette modification de la loi, et ont également entendu une poignée de personnes qui, comme moi, vivent avec des douleurs et des souffrances mentales intolérables et résistantes aux traitements. Aujourd’hui, le gouvernement propose au Parlement un nouveau report de trois ans. Combien de parlementaires ont parlé à une personne au vécu comparable au mien avant de prendre cette décision? Je n’en connais aucun.

Je ne veux pas planifier un suicide. Je veux simplement mettre fin dignement à ma vie tragique, qui n’a jamais été et ne sera jamais constructive, productive ou heureuse. Je veux avoir la possibilité de mourir en paix avec mes proches à mes côtés. Accordez-moi cette ultime liberté.

Je vais ensuite lire une lettre de plusieurs habitants de ma division sénatoriale qui soutiennent que la maladie mentale est tout aussi réelle qu’une maladie physique.

Cher monsieur Cardozo,

J’habite dans votre division sénatoriale et je vous écris aujourd’hui parce que je crois que les gens devraient avoir le droit de faire leurs propres choix de fin de vie et parce que je veux vous demander de voter contre le projet de loi C-62 […]

La souffrance causée par un trouble mental n’est pas moins « réelle » que la souffrance causée par une maladie physique, une blessure ou un handicap. Dans de nombreux cas, les symptômes d’un trouble mental sont indifférenciables de ceux qui sont causés par un trouble de santé non psychiatrique. Il est injuste et inconstitutionnel de continuer de priver les personnes ayant des troubles mentaux de la protection que la loi accorde à d’autres. Partout au Canada, les gens qui souffrent de troubles mentaux résistant aux traitements devraient avoir le même droit à l’autonomie et la même liberté de choix que les personnes atteintes de problèmes de santé physique graves et irrémédiables. Ils n’ont pas besoin qu’on leur dise ce qui est le mieux pour eux. Ils désirent avoir le droit de faire leurs propres choix.

Que des gens soient privés des droits garantis par les lois et la Constitution est un problème grave qui dure depuis trop longtemps. Je suis favorable à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé invoqué est une maladie mentale, et je m’oppose à l’adoption du projet de loi C-62.

Ensuite, je lirai brièvement une lettre de Matthieu :

Je souffre d’une grave maladie mentale due à une dépression persistante. Je ne peux pas travailler à cause de cela. Le suicide est quelque chose de terrible à vivre, tant pour la victime que pour toutes les personnes touchées. Y compris le personnel d’urgence. Je lutte personnellement contre la dépression depuis de nombreuses années et j’ai des amis qui vivent la même situation; l’un d’entre eux, qui était mon meilleur ami, s’est suicidé il y a quelques années sans aucun signe précurseur.

Un élément important à prendre en compte est la manière dont se déroulent les suicides hors du cadre médical […]

Je plaide pour la mort dans la dignité. Je pense que personne ne devrait avoir à mourir seul et à mettre fin à ses jours dans la douleur et l’imprévisibilité en dehors d’un contexte médical.

Ensuite, j’aimerais vous lire un extrait d’une lettre de Val, qui est pour le projet de loi C-62 :

Je suis très heureuse et soulagée que le comité mixte chargé d’étudier l’aide médicale à mourir ait voulu écouter les Canadiens et ait conclu que nous ne pouvions pas, en toute conscience, élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale.

Je crois savoir qu’il existe maintenant un projet de loi portant le numéro C-62, qui vise à retarder l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale.

Je vous prie respectueusement d’adopter une mesure en réponse au projet de loi C-62.

Il s’agit d’une question très personnelle pour moi.

Je vous prie de faire tout votre possible pour retarder ou éliminer complètement l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale.

Enfin, j’aimerais lire rapidement une lettre que nous avons tous reçue et qui a été signée par 127 médecins et infirmiers. Voici ce qu’on peut y lire :

Nous sommes un groupe de médecins et d’infirmiers praticiens. Nous vous écrivons pour vous faire part de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-62, qui maintiendra l’inadmissibilité à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale.

Lorsque le projet de loi C-7 est entré en vigueur, les troubles mentaux ont été exclus pour deux ans afin de donner aux gouvernements ainsi qu’aux évaluateurs et aux prestataires de l’aide médicale à mourir le temps de mettre en place les processus nécessaires pour évaluer les demandes d’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème de santé invoqué. Cette exclusion devait prendre fin en mars 2023, mais elle a été prolongée d’une année et assortie d’un ensemble de paramètres pour mesurer l’état de préparation. Tous les paramètres ont été respectés, comme l’a démontré le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir de la Chambre des communes et du Sénat. Le comité lui-même n’a pas contesté ce fait.

En terminant, chers collègues, je tiens à dire que, selon moi, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, ni de bonne ou mauvaise position, mais je respecte aussi entièrement ceux qui croient qu’il y a une bonne ou une mauvaise position dans ce débat.

Chers collègues, je vous remercie de m’avoir écouté. Je remercie tout particulièrement et sincèrement tous les Canadiens qui nous ont écrit. C’est l’une des questions les plus difficiles que nous ayons eu à régler en tant que Canadiens et en tant que législateurs. Merci.

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