Troisième lecture du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)

Par: L'hon. Peter Harder

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L’honorable Peter Harder : Chers collègues, je prends la parole au nom de notre collègue, Frances Lankin, qui ne peut pas être présente, et qui m’a demandé de dire quelques mots en son nom. J’ajouterai ensuite quelques observations concernant mon point de vue et mon expérience.

Tout d’abord, la sénatrice Lankin remercie les sénateurs d’avoir inclus quelques-unes de ses réflexions dans le compte rendu de la troisième lecture du projet de loi C-62. Permettez-moi de lire ses mots :

Je ne peux pas être présente au Sénat, mais j’ai suivi les débats tout au long de la semaine. Je remercie tous mes collègues pour cette discussion très importante et réfléchie.

La plupart des questions que j’aurais aimé aborder si j’avais été présente ont été examinées sous de nombreux angles par d’autres personnes. Inutile de les répéter. Je tiens moi aussi à exprimer mon appui à ce projet de loi de mon point de vue personnel et professionnel en tant qu’ancienne ministre provinciale de la Santé et à titre de sénatrice au Sénat, qui est l’une des chambres de notre Parlement bicaméral.

Même si les différents experts — dont les avis sont partagés dans le cas qui nous occupe — fournissent des conseils fondés sur des données probantes pour l’élaboration de politiques publiques, la décision finale de savoir quelle politique publique sera proposée, comment et quand elle sera mise en œuvre et quels autres paramètres doivent être pris en compte revient au bout du compte aux ministres, aux gouvernements, aux assemblées législatives et au Parlement.

La dernière étape, c’est et ce doit être un exercice de gouvernance démocratique, qui comprend l’obligation de respecter le fédéralisme de collaboration et les champs de compétence fédérales-provinciales-territoriales. Je souscris à l’évaluation fédérale-provinciale-territoriale selon laquelle repousser de trois ans l’entrée en vigueur de la disposition de l’aide médicale à mourir servirait mieux l’intérêt général des Canadiens et serait une façon responsable de légiférer. Grâce à mon expérience personnelle au gouvernement et en matière législative, je comprends les facteurs que les ministres doivent prendre en considération.

Le deuxième point de vue que je veux aborder est à titre de membre de cette institution. Il s’agit d’une réflexion articulée sur l’étendue de mon rôle de sénatrice. Quelle que soit notre préférence individuelle au sujet de ce projet de loi, nous devons toujours tenir compte du rôle du Sénat dans le système parlementaire canadien. Un projet de loi qui a été adopté par la Chambre démocratiquement élue et redevable, de surcroît dans un gouvernement minoritaire, doit être traité avec le respect et la déférence qui s’imposent. Pour de nombreuses raisons, j’appuie ce projet de loi et j’invite mes collègues à faire de même.

Voilà les paroles de la sénatrice Frances Lankin.

Chers collègues, en toute franchise, je participe au présent débat avec une certaine réticence, en raison de mon expérience personnelle récente, mais aussi, à certains égards, parce que de nombreux sénateurs ont manqué le débat d’il y a huit ans. Pour ceux d’entre nous qui étaient présents il y a huit ans, il s’agissait sans doute du plus important débat sur les politiques publiques auquel j’ai participé dans cette enceinte. Si vous prenez connaissance du compte-rendu des délibérations, je crois que vous constaterez que le Sénat a tenu, à mon avis, un débat éclairé. Nous avons appris les uns des autres et nous avons convenu d’apporter des amendements au projet de loi dont nous étions saisis, amendements que nous avons communiqués à l’autre endroit.

L’autre endroit a examiné les amendements que nous avions proposés et en a accepté certains, mais pas tous. Je tiens à faire la lecture des propos tenus par le représentant du gouvernement de l’époque lorsque le message est arrivé de l’autre Chambre :

Honorables sénateurs, je vais essayer d’être bref, parce [que] nous avons discuté en long et en large de cette question [au cours des deux dernières] semaines et demie. Nous comprenons tous la situation dans laquelle nous nous trouvons : la Chambre des communes nous a envoyé un message. J’estime devoir dire quelques mots à propos de ce message et de la motion que j’ai présentée.

Je pense que le Sénat a fait ce qu’il avait à faire. Les discussions que nous avons eues et les travaux du Sénat ont permis de faire participer une plus grande partie de la population au débat sur les questions que soulève le projet de loi C-14.

Nos amendements ont permis d’améliorer grandement le projet de loi, ils ont obligé l’autre Chambre à mener un autre exercice de réflexion et ils ont amené le public à en débattre.

C’est le rôle du Sénat : il doit provoquer le débat, poser des questions, formuler des recommandations pour améliorer les projets de loi et presser le gouvernement de tenir compte de ses réflexions.

Quant à la Chambre des communes et au gouvernement, ils ont pour rôle d’étudier nos recommandations et de réfléchir sérieusement aux points de vue exprimés par le Sénat. J’estime que c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont agi de manière respectueuse en cherchant des compromis et en soumettant nos amendements aux députés.

C’est leur rôle. Ils sont les représentants du peuple, et le gouvernement sera tenu responsable de la mise en œuvre de ce projet de loi que le Sénat — je l’espère — jugera digne, plus tard aujourd’hui, de recevoir la sanction royale.

Je cite ce discours pour montrer que ce n’est pas un sujet dont nous sommes saisis seulement depuis quelques semaines. Il y a au moins huit ans que le Sénat et la Chambre des communes en discutent. La dernière fois, nous avons formulé des recommandations à l’intention des députés, et ceux-ci les ont acceptées. Maintenant, après mûre réflexion et après avoir mené des consultations que nous avions prévu qu’ils mèneraient, ils disent que le système n’est pas prêt.

Je pense qu’il est important pour notre institution de comprendre son rôle et la modération avec laquelle nous devons exercer notre jugement. Je voudrais citer non pas le leader du gouvernement précédent, mais notre ancien collègue Ian Shugart. C’était dans son premier et dans son dernier discours, mais cela mérite qu’on s’y arrête lorsqu’il parle de modération. Il s’agit du discours du 20 juin 2023 :

[…] nous avons les germes d’une crise constitutionnelle. Un ingrédient essentiel pour éviter ou résoudre une telle crise sera la pratique de la modération. Notre Constitution se fonde sur l’application littérale des lois et des conventions — des pratiques développées au fil des décennies et des siècles, dans lesquelles on réprime l’instinct d’exercer un pouvoir brut pour le bien commun. Sans modération, la convention selon laquelle le devoir du Sénat est d’examiner, d’amender et d’adopter des mesures législatives, tout en faisant preuve de déférence envers la Chambre reflétant le plus directement la volonté du peuple, est incomplète.

En d’autres termes, chers collègues, je pense que le projet de loi qui nous est soumis et son adoption, que je soutiens, constitueraient un exercice approprié du rôle du Sénat, qui est délibératif et respectueux, mais qui est en fin de compte un rôle de modération. Je vous encourage à adopter ce projet de loi.

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