Troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants (maladie à coronavirus 2019) – Sen. Harder

Par: L'hon. Peter Harder

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Ottawa River, Gatineau and the

Le sénateur Harder : Je tiens à dire d’entrée de jeu que j’appuierai ce projet de loi et que j’invite tous les sénateurs à faire de même. Il faut absolument que les étudiants, qui sont notre avenir à tous, puissent continuer d’accorder la priorité à leurs études et poursuivre leur éducation afin d’avoir les outils nécessaires pour tirer leur épingle du jeu dans l’économie de l’avenir, leur avenir.

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Cela dit, mes remarques porteront surtout sur ce que j’estime être une lacune importante et jusqu’ici négligée dans les mesures de soutien aux études postsecondaires, c’est-à-dire l’absence de mesures destinées expressément aux étudiants étrangers. Après avoir fait le tour de la question, j’aurai une solution à proposer au gouvernement.

Sur le plan politique, je comprends pourquoi la Chambre des communes a pu juger prudent de ne pas englober la totalité des étudiants étrangers, mais du point de vue des politiques publiques, j’avoue que je suis dans le noir. La question que nous devrions nous poser lorsque nous étudions les diverses mesures que prend le gouvernement est : « Souhaitons-nous positionner le Canada de telle sorte qu’il occupe une place de choix sur l’échiquier économique mondial une fois que la pandémie de COVID-19 sera derrière nous? »

Voici une citation appropriée de Warren Buffet : « C’est quand la marée redescend que l’on voit qui nageait sans maillot. » Sans vouloir prendre cette citation au pied de la lettre, je dirais que notre modèle de financement de l’éducation postsecondaire n’est pas viable, et que la crise de la COVID-19 est la marée descendante qui dévoile de graves problèmes de viabilité pour nos collèges et nos universités partout au pays. Le Canada compte l’une des populations étudiantes les plus cosmopolites au monde, avec des étudiants provenant de 146 nations en 2017. Même si cette diversité s’est quelque peu effritée ces dernières années, 65 % de l’ensemble des étudiants proviennent de ces cinq pays : la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la France et le Vietnam. La grande majorité des étudiants étrangers — 84 % pour être exact — sont inscrits dans des établissements situés en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec, provinces qui ont d’ailleurs toujours accueilli la majorité de ces étudiants.

En 2017, 75 % des étudiants étrangers au pays faisaient des études postsecondaires; 57 % d’entre eux étaient inscrits dans une université, 41 % dans un collège et 2 % dans un cégep. Les étudiants du secondaire formaient pour leur part 15 % de l’ensemble des étudiants étrangers. Quant aux 10 % restants, ils faisaient d’autres types d’études.

La Stratégie en matière d’éducation internationale du gouvernement du Canada avait pour objectif d’accueillir 450 000 étudiants étrangers d’ici 2022. Cet objectif a été atteint en 2017, soit cinq ans plus tôt que prévu. C’est un exploit qui s’accompagne de grandes possibilités, mais aussi de grands défis. En 2018, plus de 721 000 étudiants étrangers faisaient leurs études au Canada.

Le Canada est une destination de choix pour les étudiants étrangers. Il offre des écoles et des programmes d’études solides en anglais et en français, une communauté chaleureuse et diversifiée pour accueillir les étudiants, une qualité de vie enviable, une réputation de pays sûr, des possibilités de travailler et de commencer une carrière, et la possibilité d’obtenir la résidence permanente, qui est une option pour les étudiants étrangers. En 2018, 54 000 anciens étudiants sont devenus résidents permanents.

L’éducation internationale apporte une contribution importante et croissante à la prospérité du Canada. En 2018, la dernière année pour laquelle nous avons des statistiques, les étudiants étrangers au Canada ont contribué à hauteur de 21,6 milliards de dollars au PIB du pays et, en 2016, ils ont soutenu près de 170 000 emplois. Les dépenses d’éducation des étudiants étrangers ont des retombées plus importantes sur l’économie canadienne que les exportations de pièces automobiles, de bois d’œuvre ou d’avions.

Il s’agit d’un secteur d’activité important.

Entre 2014 et 2018, le nombre d’étudiants étrangers au Canada a augmenté de 68 %. En 2018, comme je l’ai dit, un total de 721 000 ressortissants étrangers ont étudié au Canada.

En plus de susciter de nouvelles idées et d’accroître la capacité d’innovation du Canada, l’éducation internationale alimente les liens interpersonnels essentiels au commerce international dans une économie mondiale de plus en plus connectée. Comme je l’ai déjà dit, les étudiants étrangers contribuent de manière significative à l’économie canadienne.

Une grande partie de cette contribution va directement à l’établissement d’enseignement sous la forme de frais. Bien qu’il soit vrai que pour être excellent, ou même bon, un établissement au Canada a besoin de professeurs, de chercheurs ou d’étudiants étrangers, ceux-ci ont pris une importance presque excessive dans notre modèle de financement des études postsecondaires. À mon alma mater, l’Université de Waterloo, 21 % des étudiants de premier cycle sont des étudiants étrangers. Les frais plus élevés qu’ils paient contribuent de manière démesurée aux recettes de l’Université. C’est ainsi dans l’ensemble des universités et des collèges. À l’Université de la Colombie-Britannique, par exemple, les frais de scolarité de ces étudiants varient entre 39 000 $ à 50 000 $, en fonction du programme, alors qu’ils s’élèvent à environ 5 000 $ à 8 000 $ pour les étudiants canadiens.

Ce que je veux faire valoir, c’est que sans un nombre stable et important d’étudiants étrangers, les établissements canadiens auront de graves problèmes de financement, ce qui placera certains de nos collèges et de nos universités dans des situations extrêmement précaires.

Voici ce que je propose : on me dit qu’à la fin mars, il y avait environ 565 000 étudiants étrangers au Canada. En raison des restrictions de voyage qui ont été imposées, on estime que 80 % d’entre eux sont toujours au pays. Selon les experts, environ 50 % de ces étudiants éprouveront des difficultés financières et ne seront pas admissibles à la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants dans sa forme actuelle. Disons qu’il s’agit à peu près de 300 000 étudiants. On estime qu’environ 50 % de ces personnes fréquentent une université, 40 % un collège et 10 % d’autres établissements d’enseignement postsecondaire. Ainsi, si le projet de loi prévoit 5 000 $ par étudiant canadien ou étranger, et que l’on multiplie cette somme par les 300 000 étudiants étrangers au Canada qui ne sont pas admissibles à la prestation, on obtient un montant d’environ 1,5 milliard de dollars.

J’exhorte le gouvernement à collaborer avec les associations nationales d’établissements d’enseignement postsecondaires et à envisager de fournir un financement aux bureaux d’aide financière de ces établissements pour qu’à leur tour, ils soutiennent ceux qui ont besoin d’un certain degré d’aide financière pour poursuivre leurs études au Canada. Les bureaux d’aide financière sont les mieux placés pour établir les besoins. Ils ont la formation, l’expérience, la crédibilité et l’intégrité nécessaires pour fournir ce genre d’aide.

Évidemment, aucun étudiant étranger ne devrait recevoir plus que les 5 000 $ offerts à tout étudiant canadien, et certains pourraient ne pas avoir besoin de cette somme en entier. S’il est mis en œuvre, ce programme assurera un certain degré de stabilité aux collèges et aux universités du pays, mais surtout, il permettra au Canada de se démarquer des autres pays auxquels nous avons dû faire concurrence pour attirer des étudiants de calibre mondial, soit les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni.

Qualifier des jeunes de « vermines » n’est pas une stratégie de recrutement. En Australie, les propos du premier ministre Morrison, qui, dans une déclaration, a dit aux étudiants étrangers de « retourner chez eux », sont des commentaires à courte vue et plutôt xénophobes dont on se souviendra longtemps. À long terme, il faudra commencer à réformer notre mode de financement des universités et des collèges, mais, à court terme, tâchons de conserver les avantages dont nous avons bénéficié jusqu’à présent en adoptant les mesures qui sont proposées.

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