Deuxième lecture du projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme

Par: L'hon. Amina Gerba

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L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, l’un des mandats du Sénat est de défendre les minorités de notre pays et, en ce sens, il est de notre devoir de veiller au bien-être des plus vulnérables.

Aujourd’hui, je prends la parole pour soutenir avec conviction le projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme. Je salue et félicite la sénatrice Mégie, qui a proposé ce projet de loi absolument nécessaire.

Je ne suis pas médecin et encore moins experte de cette terrible maladie génétique héréditaire, qui se transmet donc par les parents et qui est présente dès la naissance.

Je prends la parole, car j’ai connu et je connais des personnes, des familles et des proches vivant avec cette maladie, que notre collègue a brillamment décrite dans son discours à l’étape de la deuxième lecture.

La sénatrice Mégie nous a notamment appris que la maladie falciforme est une condition génétique qui touche un nombre important de Canadiens, en particulier nos concitoyens originaires de l’Afrique, des Caraïbes, du Moyen-Orient, de l’Amérique centrale et du Sud, de certaines régions de l’Inde et du bassin méditerranéen.

Toutefois, ce serait une erreur, honorables sénateurs, de penser que ceux qui sont d’une autre origine sont à l’abri. En effet, nous vivons dans un monde où, à cause du brassage des populations, les unions entre personnes de différentes origines sont de plus en plus fréquentes. La possibilité de transférer le gène d’un groupe à un autre existe. Nous devons donc agir dès maintenant pour l’avenir de toutes nos populations.

Permettez-moi justement de vous raconter une anecdote personnelle. Lorsque mon mari et moi nous sommes fiancés au Cameroun en 1984, l’officier d’état civil a exigé un test de dépistage de la drépanocytose, qui est une autre façon d’appeler l’anémie falciforme. Le test, appelé électrophorèse, a permis, Dieu merci, de montrer que nous étions négatifs. C’est la première fois que j’entendais parler de cette maladie. En confirmant que nous étions négatifs, nous avions donc de la chance, dirais-je, et nous étions autorisés à prendre le risque de nous marier, sans risque pour nos futurs enfants.

Imaginez deux personnes qui s’aiment et à qui l’on annonce qu’elles sont porteuses de ce gène, soit l’un ou l’autre, soit les deux! La terrible nouvelle signifie que l’on doit prendre une décision lourde de conséquences : celle de s’unir en connaissant tous les risques.

Un dilemme se pose alors : s’unir en sachant que l’on risque d’avoir des enfants porteurs du gène et qui auront de fortes probabilités de développer la maladie falciforme, ou choisir de ne pas avoir d’enfants. Je précise qu’à l’époque, au Cameroun, l’espérance de vie des personnes souffrant des formes graves de la maladie falciforme dépassait à peine les 20 ans, compte tenu de la précarité du système de santé dans ce pays.

Revenons à mon entourage au Québec, où je vis; plusieurs de mes proches sont atteints de la maladie falciforme. Je vous donnerai uniquement quelques exemples de ces personnes que j’ai côtoyées.

En effet, j’ai été témoin des crises de douleurs et des hospitalisations fréquentes de Lisa, la fille de ma coiffeuse, qui était atteinte de la forme la plus grave de la maladie et qui avait besoin de soins médicaux fréquents, ce qui affectait sa qualité de vie et celle de sa famille.

Évidemment, il y a eu des conséquences sur ses études, qu’elle n’a jamais pu terminer. De plus, à 35 ans, elle ne s’est jamais mise en couple. Lisa manque totalement de confiance en elle. La peur, la solitude et l’anxiété sont son lot quotidien.

Laissez-moi aussi vous parler de l’histoire de mon ami Mario, qui, contrairement à Lisa, est un professionnel accompli. Mario a décidé de combattre la maladie en l’affrontant de plein fouet. Sachant dès son plus jeune âge qu’il n’était pas né avec la santé d’un athlète, il a toujours été conscient que c’est grâce à son éducation et à son travail intellectuel qu’il réussirait à réaliser ses rêves, même en vivant avec cette maladie.

Il a terminé brillamment ses études universitaires dans certaines des institutions les plus prestigieuses au monde, malgré les hospitalisations qu’il a dû subir au fil du temps. Marié et père d’un enfant, Mario suit assidûment ses traitements et a su trouver des astuces et des arrangements pour ce qui est de sa vie professionnelle et personnelle pour être en mesure de vivre le mieux possible avec cette maladie, qui lui a permis de développer beaucoup d’empathie envers les autres.

En résumé, chers collègues, malgré les difficultés, les personnes atteintes de la maladie falciforme accomplissent des choses extraordinaires dans la vie et pour notre société, même si elles doivent parfois cacher leur condition médicale pour progresser dans des milieux professionnels exigeants qui laissent peu de place à la vulnérabilité.

Ce qui m’a surtout poussée à prononcer ce discours, c’est l’histoire de Mamadou Camara, réalisateur d’un projet pilote de docufiction intitulé Souffrir en silence. Mamadou, que nous avons invité au Sénat et avec qui la sénatrice Mégie et moi avons présenté un visionnement au mois de juin, souffre en silence. Il nous fait plonger dans l’intimité d’une famille pour nous montrer le désarroi de parents impuissants à soulager leur enfant des souffrances qu’il subit.

Cela permet de mieux comprendre l’anxiété ressentie par les porteurs du gène et leur famille. Comme le dit Mamadou, il vit avec une sentence de mort et une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Chers collègues, la maladie falciforme a des implications sérieuses sur la dynamique familiale et affecte la santé émotionnelle, physique, psychologique et financière de l’entourage du malade.

Ce projet de loi est important pour plusieurs raisons : il améliorera la sensibilisation des professionnels de la santé; il créera un cadre national de recherche; il instaurera un registre national; il assurera un accès universel au dépistage néonatal; il favorisera la sensibilisation du public; enfin, il fournira le soutien financier nécessaire pour faire avancer la recherche sur cette maladie.

Comme l’a si bien décrit la sénatrice Mégie, trop peu de professionnels de la santé connaissent la maladie et ses symptômes. Résultat : lorsque certains malades en crise arrivent dans les salles d’urgence, ils reçoivent souvent un mauvais diagnostic, ce qui conduit à une mauvaise prise en charge, voire à une sous-estimation des soins requis. En 2023, au Canada, cela n’est pas acceptable.

Cette maladie exige une approche cohérente et proactive de la part de notre gouvernement. En établissant un cadre national, nous pouvons garantir un accès équitable aux soins de santé et un soutien aux patients et aux familles touchés.

En votant en faveur du projet de loi S-280, nous contribuons à mettre en place un écosystème qui assure à tous les enfants une vie épanouissante et dépourvue de stigmatisation et un accès équitable aux soins de santé, peu importe leur génétique ou leurs origines.

Madame la sénatrice Mégie, bravo.

Je vous remercie, chers collègues.

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