Deuxième lecture du projet de loi S-259, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique

Par: L'hon. Andrew Cardozo

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Whale tail breaching water, Newfoundland

L’honorable Andrew Cardozo : Chers collègues, j’ai l’honneur de parler aujourd’hui du projet de loi S-259, qui vise à instaurer le mois du patrimoine hellénique au Canada. Je remercie le sénateur Loffreda d’avoir présenté ce projet de loi au Sénat.

J’aime beaucoup les journées et les mois du patrimoine au Canada parce qu’ils mettent l’accent sur la présence d’une communauté au Canada. C’est une occasion annuelle de souligner l’histoire, et surtout la contribution, de certaines communautés. Personnellement, je préfère célébrer les groupes culturels présents au Canada plutôt que la journée nationale, le drapeau et l’histoire d’un autre pays.

C’est pourquoi j’attire l’attention sur cet article du préambule du projet de loi, qui se lit comme suit :

que la célébration du Mois du patrimoine hellénique continuerait d’encourager les Canadiens d’origine grecque à promouvoir leur culture et leurs traditions et à les faire découvrir à leurs concitoyens,

En tant que pays multiculturel mature, il y a beaucoup de choses à identifier et à célébrer dans les différentes communautés ethnoculturelles.

Les Canadiens d’origine grecque sont bien établis au Canada et ils contribuent à de nombreux secteurs. Pour le démontrer, je vais nommer 10 personnes dans des secteurs très différents, et, chers collègues, voyons de combien de ces bâtisseurs du Canada vous avez entendu parler. Veuillez noter votre propre score, et, si vous obtenez au moins 9 sur 10, vous gagnerez le titre de Canadien d’origine grecque honoraire pour la journée.

Dans le domaine des sports, je tiens à mentionner le joueur de la Ligue nationale de hockey Nick Kypreos, qui a joué pour les Maple Leafs de Toronto et les Rangers de New York.

Dans le domaine de l’innovation, il y a Mike Lazaridis, fondateur et co-président et directeur général de Research in Motion.

Dans le domaine des médias, Vassy Kapelos est une correspondante politique principale à CTV qui garde un œil vigilant sur nous tous, législateurs, à Ottawa, tandis que George Stroumboulopoulos est certainement le journaliste le plus branché et le plus provocateur au Canada. Nik Nanos est le fondateur de la vénérable entreprise Nanos Research et est fréquemment invité dans les médias pour discuter de sa recherche sur l’opinion publique.

Dans le domaine de la politique, Gus Mitges, avec qui j’ai eu la chance de travailler assez étroitement, était un député progressiste-conservateur de l’Ontario. C’était peut-être le premier Canadien d’origine grecque élu au Parlement, et il a présidé le Comité du multiculturalisme de la Chambre des communes. Eleni Bakopanos, une députée libérale de Montréal, a siégé neuf ans au Parlement et occupe toujours un rôle de cheffe de file au sein d’À voix égales, qui encourage la participation des femmes en politique. Niki Ashton, du Manitoba, est députée depuis 15 ans et a brigué le poste de cheffe nationale du Nouveau Parti démocratique en 2017.

En droit, la juge Andromache Karakatsanis fait partie de la magistrature à la Cour suprême du Canada.

Mais le Canadien d’origine grecque sans doute le plus aimé est sans contredit… vous devinez?

Une voix : Leo Housakos.

Le sénateur Cardozo : Non. C’est Nia Vardalos, l’actrice principale du film Mariage à la grecque, un film dans lequel les membres de la plupart des communautés ethniques se reconnaissent.

En outre, il y a eu au moins quatre sénateurs d’origine grecque.

Je voudrais prendre un instant pour lire un extrait d’un message que m’a envoyé mon amie l’honorable Eleni Bakopanos au moment où je préparais mon discours au sujet du projet de loi à l’étude. Elle m’a écrit ceci :

Je suis fière que des Canadiens d’origine grecque aient contribué à toutes les sphères de la société canadienne, autant dans le secteur public que dans le secteur privé. Je rendrais hommage à la première génération d’immigrants, comme mes parents âgés de 93 ans, qui ont tout quitté, leur maison, leur famille, leurs amis et leur travail, pour offrir un meilleur avenir à leurs enfants.

Il y a peu de pays dans le monde où une femme née à l’étranger, en Grèce dans mon cas, peut être élue députée. Ce fut pour moi un énorme privilège et un honneur d’être élue pour servir mes compatriotes canadiens. Je remercie chaque jour mes parents d’avoir choisi le Canada!

Ce que dit Mme Bakopanos est vrai pour la plupart des Canadiens d’origine grecque.

Cela dit, je veux profiter de cette occasion où nous parlons des Canadiens d’origine grecque pour réfléchir à l’évolution du monde, à l’effet des affaires internationales sur le Canada multiculturel et à ce qui fait qu’un mois du patrimoine est une idée importante.

Je saisis l’occasion alors qu’il est question de cette communauté parce que le Canada entretient d’excellentes relations avec la Grèce et qu’il n’y a pas vraiment d’enjeux controversés de nos jours au sujet de la Grèce. C’est le moment parfait pour parler de ces questions sans avoir à marcher sur des œufs.

Chers collègues, au fur et à mesure que le multiculturalisme canadien évolue, je tiens à nous inciter à réfléchir à des questions contemporaines. Notre diversité et nos relations avec les autres pays et régions du monde viennent avec des avantages et des défis. Parmi les avantages, il y a le fait d’établir des liens positifs entre le Canada et le reste du monde, dans un monde de plus en plus interconnecté. Nous pouvons plus facilement découvrir d’autres économies, cultures, arts, littératures et cuisines. Nous pouvons plus facilement construire des liens économiques dans des domaines comme la science, les technologies et le commerce.

Nous pouvons également acquérir une meilleure compréhension des pays partout sur la planète. Nous avons certainement beaucoup appris de toutes les communautés qui sont venues ici. Dans le cas de la Grèce, j’ajouterais que nous en avons eu énormément à apprendre sur la philosophie et la démocratie.

Au fur et à mesure que les diasporas du Canada grandissent et gagnent de plus en plus en maturité sur le plan politique, elles demandent naturellement d’avoir davantage d’influence sur la position du Canada dans les affaires internationales. Honorables sénateurs, c’est là que cela devient plus intéressant, plus avantageux et plus difficile. La diversité ayant augmenté au cours du dernier siècle, nous avons non seulement des partisans de divers pays et points de vue à l’étranger; nous avons aussi des partisans de différents camps opposés les uns aux autres lors de controverses dans des régions particulières. Chacun d’entre eux demande au gouvernement canadien d’en faire plus pour son camp et moins pour l’autre. C’est tout à fait normal.

Bien que ces enjeux existent depuis des décennies, nous les avons vus se manifester plus récemment dans des affaires liées à l’Ukraine et à l’Europe de l’Est, à la Chine, à l’Inde, à l’Iran et au Moyen-Orient, pour ne nommer que ceux-là. Dans un pays démocratique, nous sommes tous d’accord pour dire que les Canadiens de toutes origines doivent pouvoir parler de leurs points de vue dans la sphère publique et pouvoir organiser des manifestations légales pour faire valoir leur point de vue, même si ces manifestations peuvent parfois être très grandes et gênantes pour les citoyens — avec un peu de chance, c’est pour de courtes périodes.

Il arrive que nous soyons tous sur la même longueur d’onde et que nous ayons un consensus national sur certaines questions, comme l’invasion de l’Ukraine ou la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, mais ces cas sont rares. Ce que nous ne pouvons pas accepter, c’est la violence sous toutes ses formes, qu’elle soit dirigée contre le gouvernement ou les politiciens canadiens, contre des Canadiens qui peuvent être perçus comme ayant des opinions différentes ou contre des gens de différentes religions ou ethnies. Les personnes ayant des points de vue opposés devraient pouvoir manifester pacifiquement, même si elles se retrouvent dans des lieux similaires au même moment.

Il est important que les Canadiens de toutes origines se sentent libres de vivre leur vie librement et ne soient jamais confrontés à la violence ou à des menaces de violence à l’intérieur ou à proximité de leur domicile, dans les transports en commun, dans les écoles, dans les collèges et dans les universités.

Nous avons un grave problème au Canada lorsque des Canadiens craignent pour leur sécurité quand ils portent une kippa, un shtreimel, un talit, un hidjab, un sari, un turban ou des tresses.

Pour ne pas l’oublier, je tiens à ajouter que ce ne sont pas seulement les membres des diasporas d’Europe, d’Asie et d’ailleurs qui exercent une influence négative au Canada. Cette influence vient aussi des États-Unis. En effet, le convoi qui a occupé Ottawa au début de l’année dernière était fortement influencé par des forces politiques radicales du sud de la frontière, plus particulièrement les personnes qui ont perpétré l’attentat du 6 janvier 2021 contre le Capitole à Washington, D.C.

Ces forces échappent rapidement à tout contrôle aux États-Unis, et nous devons indiquer très clairement que nous ne tolérerons jamais l’occupation de notre chère capitale ou le franchissement de nos frontières par de tels éléments radicaux. Ni les guerres culturelles ni leurs artisans n’ont leur place au Canada, et cela vaut surtout pour ceux qui cherchent à attiser la rage politique, la colère ou la violence. Avec les progrès des médias sociaux et de l’intelligence artificielle, le concept de Freud d’un narcissisme des petites différences est malheureusement en train de devenir une obsession des différences intolérables.

Pour conclure, je tiens à inviter les Canadiens, ceux issus des diverses communautés de la diaspora, les parlementaires et le grand public, à repenser certaines des choses que nous faisons. Il est peut-être temps de cesser de célébrer les journées nationales d’autres pays et d’organiser des levées de drapeaux et d’autres activités liées à ces pays. Le temps est peut-être venu de nous concentrer davantage sur les célébrations et les commémorations canadiennes, ainsi que sur les journées et les mois du patrimoine canadien.

Pour en revenir au Mois du patrimoine hellénique au Canada, je m’en réjouis. J’exhorte les Canadiens à réfléchir longuement et sérieusement à la façon dont nous pouvons concentrer nos énergies sur la célébration de l’histoire et de la présence des diverses communautés au Canada, tout en luttant contre les influences étrangères perturbatrices ou violentes.

Je félicite tous les Canadiens qui travaillent depuis des années sur le Mois du patrimoine hellénique. Nous sommes sur le point d’en faire une réalité. Merci infiniment pour ce cadeau au Canada. Merci.

Des voix : Bravo!

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