Deuxième lecture du projet de loi C-317, Projet de loi relative à la stratégie nationale sur la prévision des inondations et des sécheresses

Par: L'hon. Rodger Cuzner

Partager cette publication:

L’honorable Rodger Cuzner : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-317, Loi prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale sur la prévision des inondations et des sécheresses.

Il s’agit d’une mesure législative opportune présentée par Francis Scarpaleggia, député de Lac-Saint-Louis, qui a mis les questions relatives à l’eau au premier plan à l’autre endroit tout au long de ses 22 années de carrière politique et qui a su gagner la confiance et le respect de tous les parlementaires.

J’aimerais également attirer votre attention sur M. John Pomeroy, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les ressources en eau et les changements climatiques et directeur du programme Global Water Futures à l’Université de la Saskatchewan. Son expertise a été indispensable à la rédaction du projet de loi C-317.

Honorables sénateurs, beaucoup d’entre nous se souviennent de l’horreur des inondations de Calgary en 2013, une catastrophe naturelle dévastatrice qui a attiré notre attention sur les puissants phénomènes météorologiques qui se produisent de plus en plus régulièrement au Canada. D’une manière étrange, ce terrible événement a également contribué dans une large mesure à la création de ce projet de loi.

M. Pomeroy se trouvait en Alberta lors de cette catastrophe et il a témoigné devant un comité de l’autre endroit à l’étape de l’étude du projet de loi. Voici ce qu’il a dit :

[…] il a plu pendant trois jours et demi sur les montagnes à l’ouest de Calgary, en Alberta, à la fin de juin 2013. Deux cent cinquante millimètres de pluie sont tombés sur une couche de neige tardive, provoquant une inondation […] Ces inondations ont pris naissance dans les montagnes, et elles se sont déplacées rapidement vers Canmore, High River et enfin Calgary […] L’inondation a fait quatre victimes et provoqué des dommages de plus de 5 milliards de dollars dans la région. À l’époque, c’était la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du Canada.

Je me souviens que mon ami et ancien collègue Ted Menzies, qui était député de McLeod, m’avait parlé à l’époque du choc et du désespoir des habitants de sa communauté. Il n’y avait pas eu d’avertissement en temps opportun pour l’évacuation des résidants concernés.

Il est intéressant de noter que M. Pomeroy a indiqué que le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme utilisait à l’époque un produit expérimental qui a permis de prédire ce terrible événement 10 jours avant l’inondation de Calgary. Cette information n’a pas été communiquée aux autorités albertaines, puisqu’il s’agissait d’un exercice expérimental, mais cela montre qu’il existe des systèmes qui peuvent réellement améliorer l’exactitude des prévisions relatives à ces catastrophes naturelles.

Chers collègues, plus récemment, en octobre 2022, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a publié un rapport sur les inondations qui se sont produites en Colombie-Britannique en 2021. Il s’agit d’un rapport approfondi qui contient plusieurs recommandations visant à atténuer la fréquence de telles inondations.

La recommandation 1 prévoit que le gouvernement du Canada collabore avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, les autres administrations de cette province ainsi qu’avec des parties concernées pour mettre au point un plan complet sur la protection contre les inondations dans la vallée du Fraser. Ce plan devrait comprendre un échéancier pour les projets d’amélioration des digues et pour la mise sur pied d’un comité chargé d’examiner les mesures d’atténuation des inondations de même [que] des stratégies de préparation aux situations d’urgence et d’intervention.

Le projet de loi C-317 a pour objet de fournir aux Canadiens des prévisions précises en matière d’inondations et de sécheresses sur lesquelles ils peuvent compter, mais à l’échelle nationale. Les enjeux sont considérables.

Comme l’a dit M. Scarpaleggia, député à l’autre endroit, « le Canada est le seul pays du G7, et peut-être le seul pays développé, sans système national de prévision des inondations ».

Au Canada, nous avons actuellement treize entités qui s’occupent des prévisions en matière d’inondations et de sécheresses. Les dix provinces et les trois territoires ont adopté une approche ascendante qui répond aux besoins locaux en matière de prévisions. Au fédéral, par contre, nous disposons d’un système plus complexe qui fonctionne selon une approche descendante. Il n’y a guère d’interopérabilité entre les deux approches, ce qui a mené, selon M. Pomeroy, à un système fragmenté qui ne répond pas aux besoins du pays dans son ensemble.

Il y a également une disparité dans la qualité des systèmes utilisés d’une province à l’autre et d’un territoire à l’autre. Certaines provinces, comme le Manitoba, qui est aux prises avec des inondations depuis un certain temps, a des systèmes avancés et performants, tout comme le Québec. Or, le Yukon, par exemple, n’a pas encore d’expertise en la matière. Global Water Futures, avec l’aide d’Environnement et Changement climatique Canada, a mis au point un système pour faire ces prévisions et s’en sert au Yukon depuis 2018.

Les collectivités éloignées ont également besoin d’aide, et l’un des principaux objectifs de ce projet de loi, c’est de les faire participer.

Le projet de loi C-317 vise à réunir tous les intervenants : le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les peuples autochtones et le milieu universitaire. Il faut également garder à l’esprit que nous partageons des bassins fluviaux avec les États-Unis. Donc, il s’agit aussi d’un enjeu international. Selon M. Pomeroy :

Un système coopératif fédéral-provincial-territorial pourrait faire en sorte que les ressources et les technologies soient disponibles pour appuyer les prévisions opérationnelles de systèmes élaborés conjointement.

Ce projet de loi permettrait, par l’entremise du ministre de l’Environnement et du Changement climatique, en collaboration avec les ministres de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire; de l’Infrastructure et des Collectivités; des Ressources naturelles; de la Sécurité publique; et de la Protection civile, d’élaborer une stratégie nationale sur la prévision des inondations et des sécheresses afin de fournir aux intervenants clés les renseignements dont ils ont besoin pour prévoir les inondations et les sécheresses.

Il s’agit d’une approche collaborative qui officialise le système afin que nous soyons tous sur la même longueur d’onde dans le cadre de notre travail et que nous mettions en commun les informations et les pratiques exemplaires dans le but d’atténuer les effets des inondations et des sécheresses.

Ce n’est pas le cas en ce moment. En 2019, Global Water Futures, toujours avec l’aide d’Environnement Canada, a rencontré les 13 prévisionnistes en météorologie provinciaux et territoriaux et a créé un groupe de travail informel pour communiquer ce type d’informations. Le fait qu’il s’agisse toujours d’un groupe informel et qu’il n’ait été créé qu’en 2019 devrait nous préoccuper.

Le projet de loi C-317 prévoit des consultations approfondies entre le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et des représentants de gouvernements provinciaux et d’administrations municipales, des corps dirigeants autochtones et d’autres intéressés, notamment des représentants d’universités, d’organisations de la société civile et du secteur privé, dont du secteur de l’assurance.

Le secteur de l’assurance a été inclus dans le projet de loi grâce à un amendement favorable proposé par Michael Kram, député de Regina-Wascana.

Je pense qu’il est important que tous ces acteurs participent à l’élaboration d’une stratégie sur la prévision des inondations et des sécheresses.

L’inclusion des compagnies d’assurances avait un but précis. La certitude est ce qui guide les compagnies d’assurance dans l’établissement des taux. Lorsqu’il n’y a pas de certitude quant à la prédiction des inondations, il peut en résulter une incapacité à faire assurer une maison. À l’étape de la deuxième lecture, M. Kram a dit ceci :

[…] il semble que les compagnies d’assurance aient beaucoup plus de difficulté à prévoir les inondations que d’autres types de catastrophes […] Par conséquent, elles n’offrent tout simplement pas d’assurance contre les inondations à de nombreux propriétaires canadiens. Lorsque des habitations sont endommagées ou détruites par des inondations, des programmes gouvernementaux tels que les Accords d’aide financière en cas de catastrophe [distribuent] des milliards de dollars à des propriétaires non assurés chaque fois qu’il y a une inondation.

Récemment, le Bureau d’assurance du Canada a annoncé que l’été 2024 a été le plus destructeur jamais enregistré. Selon le bureau, les coûts estimés liés aux phénomènes météorologiques violents se sont élevés à 7 milliards de dollars en pertes assurées. Il signale que ce chiffre est 10 fois plus élevé que la moyenne de 700 millions de dollars en réclamations pour des événements météorologiques qui se sont produits entre 2000 et 2010. Il s’agit d’une forte hausse des demandes d’indemnisation, et cela témoigne bien de ce qui se passe avec les catastrophes météorologiques au Canada.

Voici ce que le Bureau d’assurance du Canada dit à ce sujet :

C’est un problème pansociétal qui exige que tous les leaders et intervenants s’unissent pour créer un plan d’action et faire en sorte que le Canada soit mieux protégé. Nous avons tous un rôle à jouer pour aider les collectivités à être prêtes à faire face aux événements météorologiques extrêmes et à se remettre sur pied lorsqu’ils surviennent.

Chers collègues, selon un rapport de la Global Commission on the Economics of Water, la combinaison de décennies d’exploitation destructrice des terres et de mauvaise gestion des eaux est entrée en collision avec la crise climatique, ce qui s’est traduit par un « stress sans précédent » sur le cycle mondial de l’eau.

Le rapport fait la distinction entre l’eau bleue, c’est-à-dire les rivières et les lacs, et l’eau verte, c’est-à-dire l’humidité stockée dans le sol et les végétaux. Le rapport précise que l’eau verte est tout aussi importante pour le cycle de l’eau, car elle retourne dans l’atmosphère quand les végétaux libèrent de la vapeur d’eau, qui constitue la moitié des précipitations sur les terres.

Si cette tendance se poursuit, nous verrons les températures augmenter, ce qui entraînera l’assèchement des paysages, une réduction de l’humidité et une augmentation du risque d’incendie.

En conséquence, selon l’article 3, la stratégie prévoira une évaluation de la nécessité et des avantages d’une coordination nationale, de nouveaux investissements et de l’application de technologies innovantes; une évaluation de la nécessité de réaliser une modélisation qui permettrait de répertorier les biens et les infrastructures qui sont le plus à risque; une évaluation des possibilités de développement en matière de prévision des inondations et des sécheresses dans tout le Canada afin que tous les intervenants puissent obtenir les renseignements dont ils ont besoin; l’élaboration d’une proposition visant la création d’un service et système national et coopératif de prévisions hydrologiques et hydriques.

Sénateurs, le projet de loi demande que la stratégie soit élaborée dans un délai de deux ans et déposée au Parlement.

Ce type de système existe déjà dans d’autres pays, notamment dans les pays européens, qui reconnaissent l’importance de ce genre de collaboration. Les États-Unis ont aussi adopté une approche semblable il y plusieurs années. Le Canada peut en faire autant.

Puisque j’ai parlé de collaboration, je souligne que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit, ce qui en dit long sur la gravité des problèmes auxquels nous sommes confrontés d’un bout à l’autre du pays.

Nous vivons à une époque de grande incertitude en ce qui concerne les changements climatiques et l’impact qu’ils continueront d’avoir sur l’économie du Canada. Cela dit, nos réflexions ne portent pas seulement sur les coûts économiques. Je trouve fantastique de savoir que des députés de quatre partis comprennent la gravité de la situation et qu’ils ont collaboré pour que le projet de loi soit adopté.

Les personnes touchées par les catastrophes naturelles causées par les inondations et la sécheresse vivent un stress psychologique intense. Les évacuations ont un impact négatif sur toutes les personnes concernées. La peur, l’incertitude, le déplacement, la reconstruction et tous les problèmes qui accompagnent ces catastrophes perdurent. La perte d’une maison, d’une entreprise ou des deux laisse des traces. Si nous pouvons, grâce à cette approche, éviter au moins la perte de vies humaines, nos efforts en auront valu la peine.

En ce qui concerne les Autochtones, nous devons comprendre que les gouvernements ne surveillent guère les inondations et les sécheresses. Nous avons tendance à penser davantage aux villes. Avec cette approche, nous pouvons commencer à prévoir les inondations dans les communautés des Premières Nations. Il est également important d’intégrer les connaissances et la mémoire des Autochtones dans la stratégie. Ces communautés ont beaucoup à apporter. Comme le dirait mon ami Albert Marshall, un aîné mi’kmaq, l’approche dite « à double perspective » présente d’immenses avantages.

Certains se sont demandé si le pays avait besoin d’une telle réponse coordonnée aux changements climatiques. À ma connaissance, le climat ne connaît pas les frontières provinciales, et la capacité à coordonner à travers le pays la prévision de ces événements exige naturellement la participation de tous les acteurs mentionnés dans le projet de loi. Les provinces et les territoires profiteraient de cette approche.

Le député d’Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest, Richard Cannings, a dit ceci à l’autre endroit :

Aujourd’hui, au Canada, les prévisions opérationnelles des inondations relèvent de la compétence des provinces, mais l’augmentation des menaces et des coûts exige de meilleures prévisions, mieux coordonnée d’une province à l’autre. Les données utilisées dans les modèles de prévision des inondations et des sécheresses doivent provenir de plusieurs administrations publiques.

J’aimerais ajouter qu’un récent sondage Nanos — nous surveillons beaucoup les sondages dernièrement, quoique pas nécessairement au sujet de la météo — a révélé que 61 % des personnes interrogées considèrent que le pays n’est pas prêt à faire face à la prochaine crise attribuable à des phénomènes météorologiques extrêmes. En outre, 75 % des personnes interrogées pensent également que ces phénomènes météorologiques extrêmes vont s’aggraver à l’avenir. Beaucoup d’entre nous semblent être sur la même longueur d’onde à savoir si ces événements météorologiques nécessitent une action.

Pour conclure, je voudrais remercier les personnes qui ont porté ce projet de loi au premier plan. Nous sommes confrontés à un avenir imprévisible sur le plan météorologique qui sera coûteux en termes de vies, de biens et de prospérité. Nous pouvons travailler ensemble pour prévenir une grande partie des dommages causés par les changements climatiques et j’espère que les phénomènes météorologiques à venir, qui sont devenus si dévastateurs, deviendront à tout le moins plus prévisibles.

La préparation est essentielle en cas d’inondation, et le projet de loi C-317 pourrait donner aux gens le temps nécessaire pour préparer leurs propriétés, leurs entreprises et leurs familles afin d’atténuer les effets de ces phénomènes météorologiques extrêmes.

Merci.

Des voix : Bravo!

Partager cette publication: