Deuxième lecture du projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre)

Par: L'hon. Amina Gerba

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L’honorable Amina Gerba propose que le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole à partir du territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Chers collègues, c’est un privilège de m’adresser à vous en tant que marraine du projet de loi C-282, qui vise à modifier la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).

Ce projet de loi concerne une politique arrêtée dans notre pays il y a un demi-siècle, une politique qui se déploie dans toutes nos régions et qui a bien servi les Canadiens. Cette politique est celle de la gestion de l’offre.

Je salue le travail de Luc Thériault, député de la circonscription de Montcalm et parrain du projet de loi C-282.

J’ai consulté plusieurs personnes et beaucoup réfléchi avant d’accepter de parrainer ce projet de loi au Sénat. J’ai finalement accepté pour trois motifs.

Premièrement, il s’agit des besoins des Canadiens sur les plans de la fiabilité et de la durabilité des approvisionnements alimentaires et leur déclinaison, notamment en ce qui a trait à la santé; il est aussi question des besoins de nos agriculteurs comme producteurs de ces approvisionnements. J’y reviendrai un peu plus loin.

Deuxièmement, il s’agit de prendre en compte les effets des mutations qui transforment à tout jamais le vaste secteur de l’économie agricole. Je pense notamment aux changements climatiques, qui affectent dramatiquement la production agricole mondiale. Il s’agit aussi de prendre en compte la notion — sinon l’obligation — d’assurer la sécurité alimentaire. Cette obligation s’est récemment transformée en politique dont la plus importante est la décision de l’Inde d’interdire les exportations de riz, afin de répondre aux besoins de ses 1,4 milliard d’habitants. Je rappelle pour mémoire que l’Inde est le premier pays exportateur de riz au monde. Certes, ces politiques contredisent la notion de marché ouvert. Elles reposent sur une autre logique et sur d’autres valeurs que regroupent le concept et la réalité de la sécurité alimentaire.

Enfin, vous me permettrez de rappeler ici qu’il faut condamner tous ensemble l’usage scandaleux de produits agricoles comme armes de guerre dans la guerre actuelle déclenchée par la Russie contre l’Ukraine. Cet usage scandaleux met à mal la sécurité alimentaire déjà fragile de nombreux pays africains.

Troisièmement, ma décision de parrainer ce projet de loi a aussi été influencée par le soutien considérable qu’il a reçu à l’autre endroit en juin dernier, avec 262 voix pour et 51 contre, donc avec près de 80 % de la quasi-totalité des députés et un vote favorable des quatre chefs des formations politiques. Ce solide soutien a déjà été exprimé à quelques reprises par le passé. En effet, plusieurs motions unanimes ont appelé à la sauvegarde du système de la gestion de l’offre à l’occasion de la négociation de divers accords commerciaux.

En outre, il est important de mentionner que le projet de loi C-282 représente la seconde tentative de légiférer en la matière. En effet, en 2021, le projet de loi C-216 est mort au Feuilleton alors qu’il avait atteint l’étape de la seconde lecture et du renvoi au comité. La motion a été adoptée par 250 voix pour et 80 contre. Je profite également de cette occasion pour saluer le travail de Louis Plamondon, député de Bécancour—Nicolet—Saurel, qui était parrain de ce projet de loi à l’époque.

En préparant cette intervention, je me suis rappelé une époque, un épisode de ma vie d’entrepreneure, que je me permets de partager avec vous dans cette enceinte. En effet, il fut une époque où je travaillais étroitement avec des productrices de beurre de karité du Burkina Faso. Ces précieuses partenaires me fournissaient la matière première nécessaire pour la fabrication d’une gamme de soins corporels au Canada.

Nous collaborions de manière très transparente avec des femmes qui étaient rassemblées en une coopérative de productrices. Elles recevaient de notre entreprise un prix juste et équitable pour le fruit de leur labeur. Grâce au système de commerce équitable que nous avions instauré, elles pouvaient subvenir aisément à leurs besoins et à ceux de leur famille; elles envoyaient leurs enfants à l’école. Plus encore, elles contribuaient à l’économie locale et soutenaient le développement de leurs communautés. Cette collaboration leur a aussi permis d’acquérir de nouvelles compétences et de produire conformément à des normes de qualité très strictes. C’est ainsi que nous avons permis à ces femmes de devenir les toutes premières dans le monde à obtenir une certification biologique pour le beurre de karité; c’était une valeur ajoutée pour leur production dont le prix de vente au kilo a plus que doublé.

Dans son essence, le projet de loi C-282 souhaite préserver un système, la gestion de l’offre, qui apporte au Canada nombre d’effets bénéfiques comparables à ceux qu’ont reçus, à plus petite échelle, ces productrices du Burkina Faso.

Je reconnais et respecte les arguments de ceux et celles qui, dans cette Chambre, ont sur la question de la gestion de l’offre des convictions différentes des miennes. J’estime toutefois que la sécurité alimentaire des Canadiens constitue un objectif primordial et incontournable. Je dirais même qu’elle représente une valeur, une obligation de notre pays. En ce sens, elle n’est pas négociable. En conséquence, elle doit jouir d’une protection solide et durable.

À cet égard, nous devons examiner avec grande attention les besoins alimentaires des Canadiens et protéger ce qui doit l’être, compte tenu des écosystèmes climatiques, économiques et commerciaux actuels.

La question de la gestion de l’offre va bien au-delà des seules considérations économiques et financières, qui ont leur importance, j’en conviens, mais qui ne sauraient se substituer aux exigences de la sécurité et de la disponibilité des aliments pour les Canadiens, de la qualité sanitaire de ces aliments et de l’effet de leur production sur l’ensemble du territoire de notre pays, dans les régions rurales du pays. Cette production et cette protection contribuent notamment à l’occupation du territoire, à la viabilité et à la prospérité des communautés qui les occupent et au maintien de services privés et publics en leur sein.

De plus, la gestion de l’offre permet à notre pays, au sein des grands secteurs économiques que sont l’agriculture et l’agroalimentaire, de disposer d’éléments qui assurent sa stabilité, sa prévisibilité et un bon niveau d’investissements dans la recherche et le développement. Enfin, à cette époque de grands changements climatiques qui, malheureusement, perturbent les productions agricoles partout dans le monde, elle garantit aux Canadiens un approvisionnement assuré pour des aliments essentiels dont la qualité est vérifiée et vérifiable.

Peu connue et mal comprise, la politique de la gestion de l’offre est un dispositif se trouvant au cœur de notre appareil de production agricole depuis plus de 50 ans. Elle vise à réglementer le prix de trois produits essentiels : les œufs, y compris les œufs d’incubation, les produits laitiers et la volaille.

Ces trois secteurs régis conformément à la gestion de l’offre totalisent près de 350 000 emplois, contribuent à hauteur de 30 milliards de dollars au PIB du Canada et génèrent 7 milliards de dollars de recettes fiscales. Dans le détail, la gestion de l’offre couvre 125 000 emplois en Ontario, 115 000 au Québec, 90 000 dans les provinces de l’Ouest et 20 000 dans les provinces atlantiques. Il s’agit donc, comme je l’ai mentionné précédemment, d’un système véritablement pancanadien.

Pour remplir son rôle, le mécanisme de la gestion de l’offre s’appuie sur trois piliers. Le premier pilier est celui d’une gestion efficace des approvisionnements.

En ce qui concerne les produits laitiers, par exemple, des recherches sur la demande des consommateurs sont régulièrement menées et donnent lieu à l’octroi de quotas de production qui sont distribués aux provinces par la Commission canadienne du lait; ces dernières se chargent ensuite de les vendre à leurs producteurs respectifs.

Le second pilier est celui de la réglementation des prix à proprement parler. Un prix plancher et un prix plafond sont définis, et les cours peuvent librement évoluer dans ce cadre.

Enfin, le troisième pilier est le contrôle des importations. En définissant des droits de douane adaptés, le système régule la quantité de produits concernés qui entrent sur notre territoire. Ce triptyque, à la fois simple et efficace, fait de la gestion de l’offre un système aux multiples bénéfices pour les Canadiens.

Le premier de ces bénéfices concerne les producteurs agricoles eux-mêmes. Avec cette politique, les producteurs bénéficient d’une rémunération pour leur travail qui est assurée, juste et équitable. La fiabilité de cette rémunération protège leurs entreprises et permet d’investir dans la recherche appliquée. De plus, elle rend possible un investissement dans les équipements actuels très coûteux, qui reposent largement sur le numérique et qui risquent de reposer demain sur l’intelligence artificielle.

Enfin, elle favorise l’investissement dans la gouvernance du domaine selon les normes du secteur privé ou du secteur coopératif.

Sans ces capacités, notre secteur agricole serait grandement menacé. Il le serait en raison de la politique agricole de l’Union européenne et de ses trois grands programmes hautement financés : le Fonds européen agricole pour le développement rural, le Fonds européen agricole de garantie et un programme de rétribution des pratiques agroenvironnementales, qui, selon une étude récente du journal Le Devoir, a bénéficié à près de 3 000 entreprises agricoles françaises en seulement deux ans d’existence.

Selon le Plan stratégique national (PSN) de la France pour la prochaine Politique agricole commune (PAC) de 2023-2027, 90 % des exploitations moyennes et grandes bénéficient d’une subvention représentant 21 % de leurs recettes, et une bonne moitié de ces exploitations auraient un rendement négatif sans ces solides appuis.

Laissé à lui-même, notre secteur agricole serait aussi menacé par la politique agricole de notre grand voisin du Sud, qui, selon les mots de l’OCDE, apporte « un soutien massif et constant aux revenus agricoles ».

Dans ces deux puissances économiques, la production agricole est protégée, hautement subventionnée et dégagée de tout risque. Est-il bien raisonnable de nous mesurer à ces deux géants par rapport à des productions de base?

J’ajouterais que notre politique de gestion de l’offre nous coûte sans doute moins cher que les politiques agricoles de notre voisin et celles des 27 pays de l’Union européenne, pour ne rien dire des politiques chinoise et indienne dans ce domaine.

Autre avantage majeur de notre politique de la gestion de l’offre, elle permet à nos producteurs de s’implanter durablement sur le territoire canadien et, comme nous l’avons rappelé précédemment, d’assurer la viabilité et la prospérité de nos régions. Celles-ci bénéficient grandement de ces viviers d’emplois qui les dynamisent et contribuent à la vitalité de l’activité économique régionale. À l’inverse, la fermeture des entreprises agricoles induit de lourdes conséquences sur les régions, en particulier celles qui sont éloignées de nos pôles urbains.

Si la gestion de l’offre venait à disparaître, on estime que 80 000 emplois seraient directement menacés. Ainsi, la bonne santé de nos fermes va de pair avec notre développement régional. Les deux sont indissociables.

La crise sanitaire de la COVID-19 nous a aussi permis de constater le fléau que constitue la délocalisation de notre production. Cette période a jeté une lumière crue sur des dépendances dont nous n’avions aucune idée. Elle a montré l’impérieuse nécessité de bâtir des chaînes d’approvisionnement locales et résilientes autour des biens communs essentiels comme la santé, l’éducation, le transport, la communication et la sécurité alimentaire.

La gestion de l’offre nous protège en soumettant nos aliments les plus essentiels à nos règles et à notre contrôle, particulièrement au contrôle sanitaire.

Par exemple, en ce qui concerne l’élevage de la volaille, le secteur a mis en œuvre un programme de salubrité alimentaire qui s’appelle « Élevé par un producteur canadien ». Ce programme est désormais obligatoire dans toutes les provinces et 100 % des producteurs canadiens de poulet sont certifiés. Par ailleurs, la gestion de l’offre nous permet non seulement d’avoir la garantie que nos produits sont de bonne qualité, mais aussi qu’ils respectent nos normes en matière d’élevage et de bien-être animal.

Plus encore, en rapprochant nos producteurs des consommateurs, la gestion de l’offre nous aide à remplir nos objectifs écologiques. En effet, le raccourcissement de nos chaînes d’approvisionnement est un moyen peu coûteux et efficace de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES).

Selon un récent rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la chaîne d’approvisionnement est en voie de devenir l’un des principaux facteurs contribuant aux émissions de GES générées par le système agroalimentaire, et ce, dans de nombreux pays. Sur les 16,5 milliards de tonnes d’émissions de GES engendrées par les systèmes agroalimentaires à l’échelle mondiale en 2019, 5,8 milliards provenaient des processus exécutés le long de la chaîne d’approvisionnement. En clair, la gestion de l’offre contribue pleinement à nos efforts en vue de lutter contre le réchauffement climatique.

En préservant les fermes au Canada, la gestion de l’offre contribue à préserver un écosystème agricole précieux, mais en profonde mutation. En effet, depuis 20 ans, notre pays a perdu l’équivalent de sept fermes par jour.

S’opérant majoritairement dans des exploitations non couvertes par la gestion de l’offre, cette transformation s’accompagne d’une concentration des terres arables dans les mains de grands conglomérats, ce qui met à mal le modèle canadien des fermes familiales. Ainsi, le nombre de fermes a diminué de 23 % au Canada entre 2001 et 2021, mais les fermes qui demeurent actives ont augmenté en superficie, passant d’une moyenne de 274 hectares en 2001 à une moyenne de 327 hectares en 2021. Ce phénomène est d’autant plus frappant si on le compare avec la situation vécue par nos voisins du Sud. Si le Canada compte encore 22 fermes produisant des œufs, les États-Unis n’en comptent plus que quelques-unes. Une seule d’entre elles serait capable de répondre à elle seule à la totalité de la demande québécoise.

C’est cette mécanique de concentration que parvient à atténuer la gestion de l’offre.

Cette diversité de fermes dans notre pays est un atout majeur. En plus d’assurer l’occupation et l’aménagement de notre territoire, comme je l’ai mentionné précédemment, elle protège l’approvisionnement canadien de nombreux aléas. Le dernier en date a été la grippe aviaire. Si la maladie a engendré des conséquences importantes aux États-Unis, particulièrement sur l’augmentation des cours, la diversité de nos fermes a, quant à elle, protégé les consommateurs canadiens.

Il apparaît donc clairement que la gestion de l’offre est un avantage pour le consommateur.

En maintenant les prix à des niveaux équitables pour l’ensemble de la chaîne de valeur, les Canadiens ont la garantie que leur approvisionnement est protégé des pénuries. D’autre part, ce système les met à l’abri des fluctuations de prix importantes et intempestives. Les prix, dans un marché non régulé, sont, en raison de leur nature, volatils, notamment en raison des phénomènes météorologiques extrêmes qui se multiplient à cause des changements climatiques.

Enfin, grâce à la gestion de l’offre, les producteurs n’ont pas à dépendre de programmes de soutiens gouvernementaux ou de subventions pour survivre. Dès lors, on peut comparer la gestion de l’offre à une sorte de police d’assurance pour le consommateur. Elle participe non seulement à la protection du travail des agriculteurs et des éleveurs en leur assurant des revenus stables, mais elle permet aussi aux consommateurs de bénéficier d’un approvisionnement stable. C’est un partenariat gagnant-gagnant.

Comme une majorité de sénateurs dans cette enceinte, je suis, sans aucun doute, très favorable à l’économie de marché. Toutefois, je crois que nous devons tenir compte du contexte et des spécificités propres à certains domaines essentiels qui doivent être protégés et placés hors de turbulences néfastes. Pourtant, en dépit des bénéfices clairs et tangibles qu’apporte la gestion de l’offre à notre pays, celle-ci se trouve toujours menacée.

À la question à savoir pourquoi on devrait inclure cette gestion de l’offre dans une loi, je répondrai que les récents accords de libre-échange ont successivement porté préjudice à ce mécanisme. Ils les ont progressivement réduits. Qu’il s’agisse du Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), de l’Accord économique et commercial global (AECG), ou encore de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique (ACEUM), ils ont tous ébréché le système de gestion de l’offre.

Ainsi, dans le cadre de l’AECG, on a, par exemple, permis de porter le quota d’importation de fromages européens à 16 000 tonnes par an. Résultat : la situation des petits producteurs canadiens en a été grandement fragilisée. Cela a plus particulièrement engendré une baisse de leur production de fromage et, par ricochet, une baisse des ventes des producteurs de lait. Pour ce qui est de l’ACEUM, l’accord a donné un accès additionnel au marché canadien équivalent à près de 4%.

Il est vrai que les producteurs concernés ont pu recevoir des indemnités gouvernementales pour tenter de pallier ces entorses faites au système de la gestion de l’offre. Toutefois, celles-ci se sont révélées être non seulement insuffisantes, mais surtout très chères pour le contribuable canadien. Ainsi, pour amortir les pertes engendrées par l’AECG pour le seul secteur laitier, c’est 250 millions de dollars d’argent public qui ont été dépensés. Alors que le système de gestion de l’offre fonctionne très efficacement sans l’argent des contribuables, pourquoi le défaire, pour ensuite subventionner les producteurs touchés? Cela n’a pas de sens.

Chers collègues, le projet de loi C-282 vise la sauvegarde du dispositif de la gestion de l’offre. Il est d’une grande simplicité. En modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, il sanctuarise ce dispositif en l’incluant dans les responsabilités du ministre. Pour ce faire, il ajoute, à l’article 10 de la loi, la gestion de l’offre à la liste des directives dont le ministre doit tenir compte dans la conduite des affaires extérieures du Canada, notamment lors de la négociation d’accords de libre-échange. Le ministre responsable du commerce international devra alors s’abstenir de porter atteinte à la gestion de l’offre et celle-ci ne pourra plus constituer une monnaie d’échange. En étant ainsi extraite des négociations internationales, la gestion de l’offre sera préservée et pérennisée.

Certains de nos partenaires dans le monde n’ont pas su défendre l’équivalent de notre système de gestion de l’offre, et ils en paient le prix fort aujourd’hui. En Australie, par exemple, l’abandon de ce système dans les années 2000 a profondément modifié le paysage du secteur laitier de ce pays et ses fermes ont dû subir une transition à marche forcée. Les agriculteurs ont lutté fortement pour concurrencer les prix internationaux du lait et ils n’y sont pas arrivés. Les producteurs australiens recevaient un prix par litre de lait en deçà de la moyenne mondiale. En 20 ans, entre 2000 et 2020, les producteurs laitiers sont passés de 22 000 à moins de 6 000 — une véritable hécatombe. Depuis, les exportations sont toujours en baisse et les importations en hausse.

Une portion de plus en plus importante de la transformation laitière australienne se retrouve entre les mains d’entreprises étrangères. Dans l’Union européenne, la fin du cadre commun a sonné l’ère d’une gestion industrielle de la production du lait. En France, par exemple, on constate qu’il est très difficile de favoriser et d’encourager les marchés à petite échelle et les producteurs locaux. Dans la région de la Picardie, dans le nord du pays, entre 2000 et 2010, 35 % des exploitations laitières ont disparu.

Honorables sénateurs, on peut assimiler la gestion de l’offre à un bouclier. Elle protège les Canadiens des pénuries et des variations de prix brutales. Elle lutte contre le réchauffement climatique en raccourcissant les chaînes d’approvisionnement. Elle assure un revenu digne à nos producteurs de lait, d’œufs et de volaille. Elle défend nos territoires de la désertification sociale et économique et sauvegarde des dizaines de milliers d’emplois. Enfin, elle garantit des aliments sains et de qualité dans nos assiettes.

Chers collègues, nous sommes à la croisée des chemins et les questions suivantes doivent guider votre décision : de quelle manière voulons-nous traiter nos producteurs? Préférons-nous la compétitivité à tout prix ou plutôt un écosystème résilient, durable et local? De quelle manière désirons-nous nourrir les Canadiens? Comment voulons-nous traiter nos animaux d’élevage? Quelle place laisserons-nous à notre souveraineté alimentaire? Ces questions cruciales sont au cœur de notre politique de gestion de l’offre.

Lorsque j’ai amorcé ma collaboration avec les femmes du Burkina Faso dont je vous ai parlé plus tôt, j’ai immédiatement constaté le cercle vertueux qui avait été créé. Si des pays en développement ont bénéficié de cette manière de faire du commerce, des pays développés comme le Canada peuvent aussi en tirer parti. Je suis convaincue que le Canada peut se prévaloir d’un libre-échange raisonné et régulé, qui préservera sa réputation de nation commerçante et responsable, tout en maintenant intégralement sa politique de gestion de l’offre.

Pour terminer, je dois mentionner que, avant d’être présenté à la Chambre des communes, ce projet de loi a fait l’objet d’une étude juridique externe qui a confirmé qu’il ne portait pas atteinte aux privilèges de la Couronne. Par conséquent, je vous demande de voter favorablement pour renvoyer le projet de loi C-282 le plus rapidement possible en comité, pour que l’on en fasse un second examen attentif que je souhaite rapide et positif.

Je vous remercie de votre attention.

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