Le sénateur Cardozo : Merci. Ma question s’adresse à Mme Johnston. Je veux me concentrer sur la clause Henri VIII qui donne à l’exécutif le pouvoir de passer outre diverses lois du Parlement. Il y a une liste à la partie 1 de l’annexe 2, mais en fait, l’article 20 précise que les lois qui figurent sur cette liste peuvent être modifiées en tout temps, si je comprends bien.
Vous avez approuvé l’idée que des projets d’envergure soient menés, et le projet de loi vise à faciliter la réalisation de ces projets. Je consulte le calendrier parlementaire. La Chambre s’ajourne cette semaine et nous examinerons le projet de loi la semaine prochaine à notre retour. En fait, le meilleur moment pour modifier le projet de loi est cette semaine à la Chambre des communes. J’imagine que vous discutez avec nos collègues à l’autre endroit.
Si le projet de loi est adopté, pensez-vous que cela ralentira les choses? Pensez-vous qu’il y aura des procédures judiciaires? Avez-vous d’autres idées sur la façon dont nous pouvons avoir des projets d’envergure sans les retards dont se plaignent de nombreux gouvernements et entreprises?
Mme Johnston : Je vais commencer par la deuxième partie de la question. Une des choses que j’aurais aimé voir dans le projet de loi est l’instauration des multiples instruments dont nous savons qu’ils peuvent accroître l’efficacité et la rentabilité des processus. Au Canada, on fait appel depuis plus de 50 ans à des groupes d’étude indépendants pour bâtir sa crédibilité, obtenir une expertise indépendante et tenir compte de l’apport des parties prenantes.
Je cite souvent en exemple un projet qui a été soumis à une évaluation, en l’occurrence la mine de nickel à Voisey’s Bay au Labrador. Ce projet a été évalué par un groupe d’étude indépendant en 1997. Le groupe a pris moins de deux ans pour l’examiner. Il a découvert que les collectivités étaient dans l’ensemble d’accord avec le concept, mais qu’elles étaient préoccupées par la durée de vie du projet, qui avait été établie d’entrée de jeu à environ huit ans seulement parce que le promoteur voulait maximiser la production le plus rapidement possible.
Au cours de l’évaluation, le promoteur a accepté de baisser la capacité de production et de prolonger la durée de vie du projet. La mine est encore active aujourd’hui. Elle vient de connaître une expansion et elle emploie une centaine de personnes. Tout cela a été fait en moins de deux ans.
En Colombie-Britannique, on utilise les groupes de travail pour que les communautés, les promoteurs et les experts examinent ensemble les enjeux principaux. Il existe des outils dans la trousse à outils. J’ignore pourquoi le Parlement n’a pas choisi d’employer certains outils connus qui mènent non seulement à des évaluations plus efficientes, mais aussi à des résultats plus crédibles et plus rigoureux.
On n’a pas choisi cette avenue, comme je l’ai dit plus tôt. Voilà pourquoi je crains que de ne pas tenir compte de l’opinion de la population dans des décisions qui la touchent mène à des manifestations. Déterminer que des projets sont d’intérêt national avant de parler à la population et de consulter significativement les Autochtones pourrait entraîner des poursuites judiciaires et provoquer d’autres manifestations. Des membres des Premières Nations ont déclaré que cela pourrait mener à un autre Idle No More. C’est extrêmement dommageable et cela n’aide pas à bâtir le pays. Je crains fort que ce projet de loi ne cause par inadvertance un effet opposé à ses objectifs.
Le sénateur Cardozo : Ils pourraient encore approuver les projets et respecter les règles, n’est-ce pas? Ils pourraient décider de ne pas le faire, mais on pourrait souhaiter qu’ils respectent quand même les règles.
Mme Johnston : C’est ce qu’ils pourraient faire. Je ne sais pas pourquoi ils se donneraient le pouvoir de contourner ces lois s’ils n’avaient pas l’intention de s’en servir. Pour certains projets d’intérêt national qui ont été présentés et envisagés, il y a des préoccupations liées à des espèces en péril. Je pense que les espèces en péril sont probablement la principale préoccupation.
Cela dit, mon collègue de l’association des administrations portuaires a parlé, entre autres choses, des exigences en matière de permis de la Loi sur les pêches. C’est inscrit dans la réglementation. Une modification qui limiterait le pouvoir conféré par les clauses Henry VIII au seul fait de permettre au Cabinet de modifier les règlements leur permettrait toujours de s’attaquer aux problèmes de la Loi sur les pêches qui occasionnent des retards dans la délivrance de permis sans donner à l’exécutif ce qui est en fait des pouvoirs parlementaires.
Il y a des amendements qui, à mon avis, permettraient d’atteindre les objectifs que le gouvernement cherche à atteindre sans créer cette…
Le sénateur Cardozo : Puis-je porter cette information à l’attention de la Chambre des communes entretemps?
Mme Johnston : Oui.