L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi S-282, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Je tiens aussi à remercier la sénatrice Moodie d’avoir inlassablement défendu la cause de la protection des enfants et des jeunes Canadiens, que ce soit pendant sa carrière de pédiatre, en proposant ce projet de loi ou lors de sa tentative précédente de créer le poste de commissaire à l’enfance et à la jeunesse du Canada.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-282 est la suite logique des engagements pris par le gouvernement dans le cadre de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 et ratifiée par le Canada en décembre 1991. La Convention relative aux droits de l’enfant est jusqu’à présent le traité des Nations unies qui a été ratifié par le plus grand nombre de pays. Près de 200 pays l’ont ratifiée.
Il est regrettable que, 25 ans après l’adoption de la résolution, le Canada puisse avoir besoin d’une stratégie nationale pour respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre de ce traité. Cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n’a rien fait. En 1989, avec l’appui de tous les partis, le Parlement s’est engagé à mettre fin à la pauvreté infantile au Canada d’ici l’an 2000. Malheureusement, il a dû renouveler cet engagement en 2009, puis encore une fois en 2015.
Plus tôt cette année, nous avons amendé et adopté le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, qui établit l’engagement du gouvernement du Canada à maintenir un financement à long terme de l’éducation préscolaire et de la garde d’enfants pour l’ensemble du pays et qui crée le Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.
Plus récemment, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 1 milliard de dollars pour soutenir les programmes d’alimentation en milieu scolaire dans tout le pays, afin de fournir des repas aux élèves vulnérables et de les aider à satisfaire leurs besoins nutritionnels.
Les accords sur la garde d’enfants et le soutien au programme d’alimentation sont d’excellents exemples de la reconnaissance par le gouvernement de lacunes spécifiques dans la réponse aux besoins des enfants et des jeunes au Canada, ainsi que des mesures prises par le gouvernement pour combler ces lacunes. Cependant, ce qui semble manquer et ce que le projet de loi S-282 vise à accomplir, c’est que le gouvernement envisage une approche plus globale en matière d’investissement dans le bien-être et la croissance des enfants et des jeunes du Canada.
Le projet de loi S-282 propose de mettre en place une stratégie nationale qui faciliterait la collaboration entre les provinces et territoires afin de répondre aux besoins des enfants et des jeunes Canadiens et de garantir leur droit à un niveau de vie favorisant leur développement physique, mental, spirituel et social.
Une tâche complexe nous attend. Après plusieurs années de pandémie — une période très difficile pour les familles, en particulier les enfants —, de conflits armés dans le monde entier et de déplacements de population sans précédent, la situation des droits de l’enfant partout sur la planète s’est considérablement détériorée en peu de temps. Il faudra du temps et beaucoup de travail pour inverser ces tendances.
Dans le rapport sur l’indice KidsRights de 2023, on peut lire ce qui suit :
Ces événements, ainsi que d’autres, ont entraîné la perte de vies humaines, le déni de droits fondamentaux, des besoins insatisfaits, une limitation du potentiel et une augmentation des niveaux de pauvreté, lesquels touchent les enfants de tous les pays du monde et continueront à le faire pendant des générations.
L’organisation a également constaté qu’un enfant sur quatre dans le monde vit aujourd’hui dans la pauvreté. Honorables sénateurs, ce chiffre est stupéfiant et inacceptable.
L’indice KidsRights est le seul classement mondial qui mesure chaque année le respect des droits de l’enfant dans le monde et l’engagement des pays à améliorer ces droits.
L’indice KidsRights est une initiative de la fondation du même nom qui travaille en coopération avec l’Université Erasmus de Rotterdam, l’École d’économie Erasmus et l’Institut international d’études sociales. Il comprend un classement de tous les États membres des Nations unies qui ont ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et pour lesquels des données suffisantes sont disponibles. En 2023, 193 pays en tout font partie de l’indice.
Honorables sénateurs, le Canada n’est pas à l’abri des facteurs défavorables aux droits des enfants partout dans le monde. Nous savons très bien que le coût de la vie a augmenté de manière considérable, avec la hausse du prix des produits alimentaires et des maisons, ainsi qu’une crise du logement qui touche durement les Canadiens les plus vulnérables et marginalisés. Aujourd’hui, plus de 1 million d’enfants canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Le taux de pauvreté a également augmenté en Nouvelle-Écosse, ma province.
Voici ce que révèle le rapport de 2023 sur la pauvreté des enfants et des familles en Nouvelle-Écosse, publié par Campagne 2000 et le Centre canadien de politiques alternatives :
Le rapport de 2023 sur la pauvreté des enfants indique que, en 2021, le taux de pauvreté en Nouvelle-Écosse est passé de 18,4 % à 20,5 %. Cette hausse de 11,4 % est l’augmentation la plus forte d’une année à l’autre depuis 1989, année où on avait promis d’éradiquer la pauvreté chez les enfants d’ici l’an 2000. Un taux de pauvreté de 20,5 % représente 35 330 enfants vivant dans des familles à faible revenu, soit plus d’un enfant sur cinq en Nouvelle-Écosse.
L’augmentation importante du coût de la vie et la fin des mesures de soutien financier liées à la pandémie sont considérées comme les principaux facteurs de cette hausse.
Chers collègues, le sous-alinéa 4(2)a)(i) du projet de loi précise clairement qu’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada doit inclure l’éradication complète de la pauvreté infantile. Comme la pauvreté peut être une cause fondamentale d’autres problèmes pour les enfants au Canada, elle ne devrait pas être le seul objectif d’une stratégie nationale. L’atténuation des effets du changement climatique, la lutte contre le racisme institutionnel et systémique et contre l’exploitation et la maltraitance des enfants, l’amélioration de l’accès aux soins de santé et la consolidation de la sécurité sont autant d’objectifs que doit viser la stratégie.
Sous l’égide d’UNICEF Canada, les auteurs du rapport de base sur l’Indice canadien du bien-être chez les enfants et les jeunes en 2019, ont examiné 125 indicateurs distincts pour chaque enfant afin de cartographier leur bien-être et de suivre les progrès réalisés par les pouvoirs publics. L’indice rassemble un large éventail de données dans un cadre unique afin de promouvoir une vision complète et équilibrée de la façon dont les enfants du Canada s’en sortent et des lacunes qui existent. Ces données devraient servir de guide aux politiques et aux priorités du gouvernement.
Honorables sénateurs, les Canadiens ont connu plusieurs années tumultueuses avec la pandémie, les conflits mondiaux et des déplacements de population sans précédent à l’échelle planétaire. Le projet de loi S-282 prévoit l’élaboration d’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada et exige une vigilance et une évaluation constantes au moyen de rapports présentés au Parlement à intervalles réguliers. Une stratégie nationale efficace doit reposer sur des politiques fondées sur des données et des preuves scientifiques solides et complètes, ainsi que sur le respect et la collaboration avec les différentes administrations qui gèrent le Canada, y compris les instances dirigeantes et les organisations autochtones qui servent et représentent les enfants et les jeunes des Premières Nations et des communautés inuites et métisses.
Honorables sénateurs, les objectifs et les jalons doivent être évalués régulièrement et les politiques doivent pouvoir être adaptées et revues au besoin. Je cite l’Indice canadien du bien-être chez les enfants et les jeunes : rapport de référence 2019 :
La situation d’un pays se mesure à l’attention qu’il accorde à ses enfants, à leur santé, à leur sécurité, à leur situation matérielle, à leur éducation et à leur socialisation, ainsi qu’à leur sentiment d’être aimés, appréciés et intégrés dans les familles et les sociétés au sein desquelles ils sont nés.
Dans notre intérêt, honorables sénateurs, et dans l’intérêt des générations futures, montrons à nos enfants qu’ils sont nés dans un pays qui leur accorde de la valeur et qui accorde de la valeur à leur réussite et qui prend vraiment en considération tous les aspects des soins à leur donner.
Encore une fois, je tiens à remercier la sénatrice Moodie pour son dévouement envers les jeunes du Canada et pour son travail acharné sur la question de leur bien-être. Je me réjouis à la perspective d’entendre le point de vue des Canadiens quand ce projet de loi aura été envoyé à un comité. Je vous remercie.