Si vous lisez ce texte en ligne, il est fort probable que vous ayez une connexion Internet stable et à haute vitesse et que vous possédiez les compétences nécessaires pour vous y retrouver sur l’appareil sur lequel vous lisez ces propos, qu’il s’agisse d’un ordinateur portable, d’un téléphone intelligent ou d’un iPad.
Malheureusement, ce ne sont pas tous les Canadiens qui ont la possibilité d’acquérir ces compétences. Il existe au Canada une fracture numérique qui empêche de nombreuses populations rurales et autochtones d’apprendre à maîtriser les technologies numériques et d’acquérir des compétences à cet égard. Cette situation a de profondes répercussions économiques et sociales pour le Canada.
Comment en sommes-nous arrivés là? Que se passerait-il si rien ne change? Et surtout, comment pouvons-nous combler ce fossé?
Tout d’abord, il est utile de comprendre ce qu’est la littératie numérique et quelle incidence elle a sur nos vies.
La littératie numérique est la capacité de s’adapter à un environnement numérique en constante évolution (en anglais seulement) et d’y évoluer avec aisance. Ce concept ne se limite pas à savoir utiliser des technologies telles que les téléphones intelligents et les tablettes. La littératie numérique implique une maîtrise des compétences requises pour vivre et travailler dans un monde de plus en plus numérique, en lien avec le commerce, l’emploi et la gouvernance.
Les niveaux de littératie numérique varient à l’échelle du Canada. Les groupes tels que les communautés autochtones et les nouveaux arrivants sont généralement moins compétents en matière numérique que les autres populations. Les personnes vivant dans des régions rurales et éloignées (en anglais seulement) ont également tendance à avoir moins de compétences numériques.
Il n’est pas difficile de trouver des preuves de la fracture numérique qui existe entre Autochtones et non-Autochtones. Ainsi, en Saskatchewan, seulement 1,7 % des ménages vivant dans les réserves a accès à une connexion Internet haute vitesse conforme à la norme établie par le CRTC. Au Manitoba, ce pourcentage est de 2 %.
Une étude réalisée en 2019 par l’Institut Brookfield (en anglais seulement) a révélé que la participation des Autochtones aux métiers des technologies était inférieure à celle de la population non autochtone du Canada. Cette situation a des conséquences importantes : un manque de travailleurs autochtones dans ces emplois signifie moins de travailleurs autochtones dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de la finance et de la télémédecine. Cet écart a également des répercussions sur l’efficacité de l’autonomie gouvernementale et des partenariats dans des secteurs d’activité comme l’exploitation des ressources.
Comment expliquer l’existence de cette fracture numérique? Ses causes sont nombreuses et elles sont de nature tout autant fondamentale que structurelle. Par exemple, en raison du manque d’accès à une connexion Internet à large bande rapide et fiable dans de nombreuses communautés autochtones, il est extrêmement difficile pour les personnes qui vivent dans ces communautés de profiter des possibilités d’alphabétisation numérique et de formation professionnelle. La technologie n’est tout simplement pas disponible.
D’autres raisons sont de nature plus systémique : le colonialisme, le racisme systémique et l’héritage multigénérationnel des pensionnats ont empêché les Autochtones de réaliser leur plein potentiel économique. Dans un monde où l’économie numérique est en pleine croissance et en constante évolution, il s’ensuit que le fossé se creuse de plus en plus.
Ces obstacles socioéconomiques n’ont pas disparu, mais ils se sont déplacés et se retrouvent de plus en plus en ligne. Si ce fossé persiste, une autre génération de jeunes Autochtones sera privée d’emplois et de débouchés nécessitant des connaissances numériques, ce qui perpétuera le triste bilan du Canada en matière d’entrave à la prospérité autochtone.
Tous les Canadiens assument le coût d’un potentiel économique non exploité. Selon un rapport de RBC, si les populations autochtones étaient habilitées à participer à notre économie au même niveau que les travailleurs non autochtones, le PIB du Canada augmenterait de 67 milliards de dollars. C’est une occasion que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer.
Alors, comment combler le fossé?
En premier lieu, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les autres ordres de gouvernement, l’industrie et les partenaires autochtones, et continuer de soutenir et de financer les initiatives qui améliorent la littératie numérique au sein des communautés autochtones et d’autres groupes sous‑représentés.
Les investissements et le soutien doivent permettre de fournir des services Internet à large bande équitables dans les communautés rurales et éloignées et les communautés autochtones, de même que des programmes de formation et de développement des compétences afin de donner à ces populations les moyens de prospérer dans l’économie numérique.
Des organismes tels que Canada en programmation ont souligné que le Canada ne s’est pas doté d’une stratégie nationale pour accroître la littératie numérique ou les compétences en informatique. L’élaboration d’une telle stratégie contribuerait grandement à combler le fossé. Le Programme d’échange en matière de littératie numérique du gouvernement du Canada est un bon début, mais une stratégie nationale est nécessaire.
L’économie numérique est enracinée. Pour favoriser la réconciliation économique et assurer la prospérité future du Canada, il est essentiel de combler le fossé pour les communautés autochtones. Nous avons tous à gagner à faire ce qui s’impose.
Le sénateur Marty Klyne représente la Saskatchewan au Sénat.
Une version de cet article a été publiée le 18 janvier 2023 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).