8, septembre 2020
Chers amis et collègues,
Hélas, l’été est presque terminé, et, alors que nous nous adaptons tous aux nouvelles réalités de l’automne 2020, je réfléchis à certaines situations qui touchent tout le monde, d’une manière ou d’une autre. Tout d’abord, bien sûr, il y a la COVID-19. Même si aucun d’entre nous ne sait exactement ce à quoi ressemblera une deuxième vague, nous savons que le secteur culturel du Canada continue de peiner. Je vous recommande fortement de vous tenir au courant des différents programmes du gouvernement, comme celui qu’on vient d’annoncer pour les artistes inadmissibles à l’assurance-emploi, ainsi que le report de l’ échéance pour les demandes de financement d’urgence pour les musées, qui est désormais fixée au 11 septembre. Comme vous le savez, je souhaite toujours recevoir des idées et connaître les besoins en prévision des prochains mois.
Nous avons également tous été transformés par le récent mouvement Black Lives Matter. Je suis fière de vous annoncer qu’au cours des prochaines années, le Sénat rendra hommage aux artistes noirs du Canada en présentant des expositions tournantes, dont la première sera installée avant le discours du Trône du 23 septembre. L’exposition initiale, qui devrait se poursuivre jusqu’en juin 2021, présentera Stolen Identities (2018) de Yisa Akinbolaji et Who’s Who in Canada 1927 (2014), une pièce du projetAltered Book Series de Chantal Gibson. En septembre 2021, une nouvelle exposition présentera les œuvres d’artistes noirs venant d’ailleurs au Canada. Je tiens à remercier très chaleureusement mes collègues du Sénat et leur personnel de leur accueil très favorable de ce projet, le tout premier à présenter des œuvres d’artistes noirs au Sénat.
Une autre question qui soulève des préoccupations chez les Canadiens est celle de la confiance publique et des droits de la personne dans les musées. Au cours des dernières décennies, les musées et les galeries d’art du Canada et des États-Unis ont toujours été considérés comme étant les établissements les plus fiables de la société contemporaine, car ils présentent des objets « authentiques », dont ils sont aussi les intendants. Cette fiabilité est un pilier très important pour tous les musées et les galeries. J’ai été particulièrement troublée de la voir s’éroder cet été. Un certain nombre de cas ont suscité des questions publiques, notamment le départ de la directrice du Musée des beaux-arts de Montréal. Je l’admirais pour le partenariat qu’elle avait établi entre le Musée et la communauté médicale de Montréal, et dans le cadre duquel les médecins prescrivent aux patients des visites au musée pour améliorer leur santé mentale et physique. Des études réalisées au cours des 30 dernières années démontrent que la participation à une activité artistique peut avoir de véritables effets bénéfiques pour la santé, en plus des autres avantages qui en découlent, comme la réduction de la durée des séjours à l’hôpital et du nombre d’heures de travail perdues, sans parler des économies que cela entraîne pour les budgets de santé. J’ose espérer que l’on continuera d’offrir ce programme et qu’on le mettra en œuvre dans d’autres régions du pays.
Une préoccupation similaire a été soulevée lors de la fermeture soudaine, trois jours plus tôt que prévu, de l’exposition d’œuvres d’art des Prairies à la galerie Buhler de l’hôpital de Saint-Boniface, à la fin d’août. L’art s’est avéré un soutien positif important pendant la pandémie de la COVID-19. Les plaintes des gens qui n’ont pu voir l’exposition étaient donc préoccupantes. J’étais très heureuse que la décision soit annulée à temps pour permettre à l’exposition de rouvrir pour une dernière journée, et que les visiteurs y aient été très nombreux.
L’incident le plus troublant s’est produit au Musée canadien pour les droits de la personne. Les réalités qui ont été mises au jour vont tout à fait à l’encontre du mandat du Musée, ce qui rend la situation particulièrement préoccupante. Il faut se réjouir de la nomination immédiate par les membres du conseil d’administration d’un comité spécial sur la diversité, ainsi que des mesures prises permettant d’assurer immédiatement la tenue d’une enquête relativement aux plaintes. À la fin de juillet, on a publié un premier rapport sur les conclusions de l’enquête et les recommandations qui en découlent. La deuxième phase de l’enquête, plus longue, est en cours; un rapport dans lequel on présente une analyse plus poussée et une définition plus claire des mesures à prendre suivra par la suite. Cependant, en juillet, on a réalisé les premières étapes. Le PDG a démissionné. La présidente du conseil a assumé la direction générale du Musée et a rencontré chacun des employés. Les membres du conseil ont accepté le rapport périodique et onttout de suite modifié certaines pratiques de gouvernance. On m’a informée que les recommandations contenues dans le rapport sont en cours d’application dans l’ensemble du Musée. Il s’agit de recommandations qui touchent la gouvernance, le conseil, le personnel et de nombreux aspects du Musée, notamment sa programmation, l’embauche, sa structure institutionnelle et sa consultation du public. Une nouvelle PDG, Isha Kahn, a été nommée et a commencé à exercer ses fonctions. Avocate en droits de la personne, elle possède une expérience solide et pertinente pour le poste. Je lui souhaite beaucoup de succès dans sa direction de l’établissement, qui doit respecter son mandat, à l’interne comme à l’externe, et regagner la confiance du public.
L’établissement des fondements d’un milieu de travail respectueux en fonction du mandat du Musée sera un point de départ crucial. D’après l’enquête, il s’agit d’un problème systémique de longue date; il faudra donc du temps pour le régler complètement. Les mesures proposées entraîneront certainement un changement de paradigme nécessaire, à condition qu’elles soient mises en œuvre à bon escient, à tous les niveaux de l’organisation. Je recommande sans réserve à toutes les institutions canadiennes de lire le rapport et de mettre en œuvre les recommandations. Le Musée canadien pour les droits de la personne n’est pas la seule institution canadienne qui soit aux prises avec de telles préoccupations.
La réconciliation avec les peuples autochtones du Canada doit également se poursuivre. La désignation, le 1er septembre, de deux pensionnats indiens comme sites historiques nationaux était une étape importante et encourageante de la reconnaissance et de l’action. Le pensionnat des Long Plains, à Portage la Prairie, au Manitoba, abritera un musée, une bibliothèque ainsi que, comme l’espère le chef Dennis Meeches, un jardin commémoratif. Pendant de nombreuses années, on y a envoyé beaucoup d’enfants des différentes régions de la province, notamment l’artiste de renommée mondiale Jackson Beardy, l’un des fondateurs, en 1972, du Groupe des Sept autochtone. Il a conservé les cicatrices de ses années en pensionnat jusqu’à sa mort prématurée à l’âge de 40 ans. Espérons que cette désignation nationale, la désignation du site du pensionnat de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse, et celle du régime des pensionnats indiens comme étant « un événement d’importance historique nationale » contribueront à favoriser une prise de conscience des atrocités commises à l’endroit des peuples autochtones du Canada et qu’elles feront en sorte que la société puisse tourner la page!
À l’avenir, j’espère que nous nous pencherons sur la présentation d’art autochtone au Sénat, car je tiens à assurer une bonne représentation des artistes du pays. Nous exposons en ce moment d’excellentes œuvres d’art, et il est toujours stimulant — et important — de créer davantage de ce genre d’occasions.
Dans l’intervalle, le discours du Trône marquera le début de la prochaine session du Sénat. Je continuerai aussi de communiquer avec vous.
Je vous prie d’agréer, chers amis et collèges, mes salutations distinguées.
Patricia Bovey, FRSA, FCMA
La sénatrice du Groupe progressiste du Sénat représentant le Manitoba
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