L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement du Sénat, et elle porte sur la Charte canadienne des droits et libertés.
Cette semaine, on soulignait le 41e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce document enchâssé dans la Constitution du Canada établit des principes clés qui définissent l’identité canadienne, la société canadienne et les valeurs du pays. Elle établit l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que les droits des Autochtones qui remontent à la Proclamation royale de 1763, et elle contient des protections contre la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion. Cependant, nous risquons d’assister à l’érosion de ces droits et libertés à cause du recours à la disposition de dérogation et des attaques contre les droits des minorités que nous voyons notamment dans le système judiciaire, dans des slogans ou dans certaines campagnes en ligne.
Sénateur Gold, selon vous, dans quelle mesure les droits et libertés visés par la Charte sont-ils protégés, et que devons-nous faire pour en défendre le caractère sacré?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question.
La Charte est un élément fondamental et transformateur de notre Constitution depuis son adoption en 1982, et elle a eu des retombées qui ont dépassé les attentes de ceux et celles qui avaient fait pression pour sa création et travaillé fort pour qu’elle voie le jour.
Elle a transformé le travail que nous faisons au Sénat. Elle est devenue un élément de plus en plus présent dans nos discussions et notre rôle en tant que sénateurs, car nous devons nous assurer que les lois qu’on nous demande d’examiner et éventuellement d’adopter tiennent compte des droits des Canadiens garantis par la Charte et les respectent.
Il est vrai que le recours préventif à la disposition de dérogation est un point qui préoccupe plusieurs d’entre nous ainsi que le gouvernement, comme le premier ministre l’a indiqué à de nombreuses occasions.
Nous devons nous rappeler que la disposition de dérogation fait partie de la Charte et qu’elle faisait partie de l’entente qui a permis le rapatriement de la Constitution. Le gouvernement est d’avis qu’il faudrait y avoir recours de manière judicieuse et non de manière irresponsable. Cette question est actuellement devant les tribunaux, comme vous le savez.
Je suis toutefois convaincu que la Charte a transformé de bien des manières la façon dont nous, les Canadiens, nous percevons, et je crois qu’elle protège bien nos droits et libertés. Chose certaine, ils sont bien protégés au Sénat.
Le sénateur Cardozo : Certains croient que la Charte garantit le nouveau phénomène qu’est le « droit d’offenser ». D’autres, dans le convoi de l’année dernière, croyaient que la Charte leur donnait le droit de garer indéfiniment leurs véhicules devant les édifices du Parlement. Nous avons l’impression d’assister à une montée de la polarisation, de l’extrémisme et de l’anarchie.
La protection des droits de la personne garantis par la Charte permettrait-elle l’anarchie?
Le sénateur Gold : Sénateur Cardozo, vous éveillez le professeur de droit en moi!
L’une des contributions de la Charte canadienne au discours public sur les droits a été de préciser, dans l’article 1 de la Charte, que les droits, quelle que soit l’ampleur de leur formulation, ne sont pas absolus dans le sens où ils ne seraient pas soumis à d’autres droits, intérêts ou considérations faisant contrepoids. À cet égard, la Charte, comme toutes les chartes, reconnaît la nécessité de placer des paramètres et des limites autour de l’exercice de droits qui seraient autrement illimités.
La Constitution a un principe de base — et pas seulement parce que « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » sont mentionnés dans le préambule —, selon lequel la Constitution et les institutions existent pour assurer l’ordre, la liberté et la justice. Si je comprends bien ce que vous entendez par « anarchie », je pense qu’elle est incompatible avec ce principe. Je pense que la Charte est là pour protéger les droits qui doivent être exercés dans le contexte du cadre constitutionnel de notre démocratie libérale.