Troisième lecture du projet de loi S-249, Loi concernant une action nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes

Par: L'hon. Wanda Thomas Bernard

Partager cette publication:

Maman statue, Ottawa

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-249, Loi concernant une action nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes, aussi connue sous le nom de Loi de Georgina.

Georgina, je tiens à vous remercier, vous et votre famille, d’être ici. Je me souviens très bien de votre discours, et notre collègue vient d’en souligner certains messages clés.

Sénateur Manning, merci de défendre une cause aussi importante.

Chers collègues, je participe demain à une table ronde dans le cadre des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre. Le thème de cette année, comme vous l’avez entendu, est « S’unir pour agir ». En préparant cette table ronde, j’ai réfléchi au projet de loi du sénateur Manning sur la violence entre partenaires intimes. La table ronde à laquelle je participe s’intitule « Beyond the Silence: Black Women’s Leadership in Addressing Gender-based Violence ».

J’ai trouvé très difficile d’écouter les témoignages livrés dans le cadre de l’étude du projet de loi par notre comité des affaires sociales. En fait, cela a déclenché quelque chose en moi, et c’est pourquoi j’ai hésité à m’exprimer sur ce projet de loi, mais après avoir exploré la question et y avoir réfléchi, je me suis rendu compte que j’avais des raisons à la fois personnelles et professionnelles de me sentir ainsi. J’ai donc décidé de prendre la parole sur le projet de loi S-249 afin d’ajouter ma voix aux débats et d’amplifier la voix des femmes noires canadiennes. J’ai décidé de mettre l’accent sur les deux perspectives, ajoutant ainsi à notre étude collective de ce projet de loi.

Je commencerai par parler de mon expérience personnelle : je connais les répercussions qu’a la violence dont on est témoin dans l’enfance. J’ai grandi dans un foyer où ma mère était une survivante de la violence entre partenaires intimes. Mon père est mort dans un tragique accident de voiture quand j’avais 12 ans et, pendant des années, j’ai eu du mal à me remémorer quoi que ce soit de positif à son sujet, parce que le souvenir de la violence a laissé des cicatrices extrêmement profondes. Je les sens encore maintenant.

Les effets de telles cicatrices peuvent être un poids lourd à porter, un poids que l’on porte tout le reste de sa vie. Ce poids lourd à porter peut nourrir une douleur durable, un traumatisme, une colère, une amertume, peut-être même une rage. J’ai ressenti tout cela. Cependant, il peut aussi alimenter une volonté farouche de rendre le monde plus sûr pour les femmes. Personnellement, j’ai trouvé un moyen d’utiliser l’expérience de ma famille pour alimenter ma volonté farouche et mon engagement profond à briser le silence qui entoure la violence dans les familles et les communautés.

Rendez-vous compte, chers collègues, plus de 60 ans plus tard, le sujet ravive toujours des traumatismes en moi. Au bout du compte, cependant, c’est ce qui m’a poussé à prendre la défense des personnes qui ne sont pas capables de raconter leurs expériences liées à la violence entre partenaires intimes. Je suis ici pour défendre les droits de ces femmes et de ces familles. Comme le sénateur Manning l’a rappelé il y a quelques minutes, les enfants sont aussi les victimes silencieuses de la violence entre partenaires intimes.

Cela m’amène à parler de mon parcours professionnel et du travail professionnel que j’ai effectué dans ce domaine. En tant que travailleuse sociale dans le domaine de la santé mentale, conseillère itinérante qui se déplaçait dans le comté d’Halifax, professeure en travail social et praticienne dans un cabinet privé, j’ai travaillé avec des centaines de femmes ayant survécu à la violence d’un partenaire intime, des femmes qui ont parlé de la violence qu’elles ont subie, et des femmes qui n’ont pas été en mesure de parler de leur réalité. J’ai également travaillé avec quelques hommes victimes de violence d’un partenaire intime.

L’une des choses que j’aime de ce projet de loi est le fait qu’il met l’accent sur la prévention par l’éducation. Dans les années 1980, alors que j’étais jeune travailleuse sociale, j’ai rencontré le ministre de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse de l’époque, l’honorable Tom McInnes, aujourd’hui sénateur à la retraite, pour lui proposer d’introduire dans le système scolaire public de la Nouvelle-Écosse un programme d’éducation sur les relations saines. C’était au début des années 1980. Malheureusement, la proposition n’a pas été acceptée, mais je pense qu’il y a un désir accru à ce chapitre maintenant. On est davantage conscient de la nécessité de commencer l’éducation tôt, comme l’a répété le sénateur Manning dans son discours. Je pense que l’éducation sur les relations saines et les conséquences de la misogynie et du sexisme est une mesure préventive essentielle.

Si le langage et la terminologie ont changé au cours des quarante dernières années pendant lesquelles j’ai travaillé dans ce domaine, l’impact, lui, est resté le même. Je m’intéresse en particulier à la façon de briser le silence autour de la violence dans les communautés afro-néo-écossaises. C’est à cela que j’ai consacré une grande partie de mon temps. J’ai été responsable de la l’Association of Black Social Workers en Nouvelle-Écosse au cours des 45 dernières années et l’association a organisé des conférences, des ateliers, des séminaires et des programmes éducatifs s’adressant aux jeunes filles, aux femmes, aux personnes âgées et même aux hommes et aux garçons afin de sensibiliser les communautés à la nécessité de mettre un terme à la violence fondée sur le sexe et à la violence entre partenaires intimes. Nous nous sommes également engagés dans des programmes d’éducation des jeunes afin de mettre davantage l’accent sur la prévention.

Pourtant, chers collègues, la violence continue. Parfois, l’impact du travail sur le terrain peut sembler minime au regard des taux élevés de violence entre partenaires intimes au Canada en général et dans les communautés noires en particulier.

Selon un rapport de Statistique Canada publié en 2021, 42 % des femmes noires ont déclaré avoir subi de la violence de la part d’un partenaire intime ou de la violence familiale. Pourtant, des recherches menées par des collègues de l’Université Dalhousie nous apprennent que beaucoup de ces femmes souffrent en silence. J’ai participé à un projet de recherche intitulé « Culturally Responsive Healthcare to Address Gender-Based Violence Within African Nova Scotian Communities ». Ce projet, qui était dirigé par Mme Nancy Ross, a examiné les expériences de violence vécues par des femmes noires pendant la pandémie de COVID-19. Nous avons appris que la majorité des femmes interrogées étaient plus préoccupées par la violence liée au racisme qu’elles subissaient que par la violence de leur partenaire intime. Elles craignaient de parler de la violence de leur partenaire intime parce que le système de santé, les services sociaux et la police n’offraient pas de services adaptés à la culture.

Un fort préjugé lié à la violence dans les familles et les communautés noires persiste, et nous nous sommes efforcés de trouver des moyens de briser ce préjugé et de rompre le silence. Comme je l’ai dit tout à l’heure, quand on a été victime ou témoin de violence conjugale, il peut être traumatisant d’en parler. Il ne devrait pas incomber aux survivantes de décrire leur expérience pour que les choses changent.

J’appuie le projet de loi et j’espère qu’il sera soutenu par nos collègues de l’autre endroit, car l’épidémie nationale actuelle nécessite une approche systémique. Alors que la ministre s’engage avec un large éventail de partenaires à mener une action nationale, je l’encourage à accorder une attention particulière à une approche intersectionnelle de la violence entre partenaires intimes, en particulier l’inclusion des femmes et des communautés noires, afin de reconnaître le silence historique lié à la violence entre partenaires intimes dans ces communautés particulières, où l’on fait face à plus de préjugés et craint vraiment de se manifester.

En conclusion, chers collègues, je vous encourage à appuyer le projet de loi S-249 pour qu’un changement plus important s’opère concernant le problème omniprésent de la violence entre partenaires intimes au Canada. Il est temps de « s’unir pour agir. » Asante.

Partager cette publication: