Troisième lecture du projet de loi C-40, Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)

Par: L'hon. Wanda Thomas Bernard

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L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de prendre la parole sur le territoire non cédé du peuple algonquin-anishinabe pour appuyer le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).

Je tiens à remercier mon collègue, le sénateur Arnot, un autre défenseur des droits de la personne, d’avoir parrainé ce projet de loi. Comme l’a déclaré le sénateur Arnot, les personnes condamnées à tort sont des victimes du système de justice pénale. Je tiens également à remercier tous mes collègues qui ont contribué à cet important débat.

Hier, la sénatrice Pate a souligné que les femmes autochtones ayant été condamnées à tort au Canada étaient surreprésentées. Elle a également souligné que l’adoption de ce projet de loi représente la première étape d’un processus visant à rendre le système de justice plus équitable.

Aujourd’hui, je souhaite contribuer au débat en attirant votre attention sur trois affaires dans ma province, la Nouvelle-Écosse, qui illustrent également la nécessité d’avoir un accès et un processus plus équitables. Deux de ces affaires font ressortir la nécessité de l’équité raciale, et toutes les trois montrent qu’il faut exercer une surveillance indépendante pour prévenir les échecs systémiques comme ceux de ce type-là.

La première affaire est un cas flagrant de racisme dans le système de justice. En 2013, Randy Riley, un Afro-Néo-Écossais de 19 ans, a été arrêté après qu’un livreur de pizza, Chad Smith, a été abattu en 2010. Randy Riley a été incarcéré pendant sept ans et huit mois. Son inculpation initiale reposait sur le témoignage d’un témoin qui s’est rétracté après le premier procès et avant le deuxième, à la suite d’une « crise de conscience » du témoin.

Le cas de ce jeune Noir originaire de la communauté afro-néo-écossaise historique de Cherry Brook met en évidence les effets du racisme anti-Noirs sur les accusations qui ont été portées contre lui, mais aussi sur sa vie, dont une grande partie a été passée en prison. En raison du racisme anti-Noirs, ce jeune Afro-Néo-Écossais n’a pas obtenu un procès équitable.

Randy Riley a pu exprimer cette réalité avec ses propres mots. Il a lu l’extrait suivant lors de la détermination de sa peine :

Je veux aussi que la famille de la victime sache que je ne leur fais pas porter le fardeau de cette erreur judiciaire; elle est attribuable à la cour, car je ne crois pas avoir été reconnu coupable hors de tout doute raisonnable.

De plus, je ne crois pas que le verdict tient compte de la preuve qui a été présentée contre moi. Il me semble que — bien que je croie, comme tout le monde dans cette cour — personne ne voulait que cette affaire soit fondée sur la race, mais inévitablement, c’est ce qui est arrivé. Et quand il est question de race, on a souvent tendance à détourner le regard. Le gros problème dont personne ne veut parler, c’est la race.

Beaucoup de gens connaissent la deuxième affaire que je vais porter à votre attention. Il s’agit de l’affaire Donald Marshall fils, un Mi’kmaw qui a passé 11 ans en prison après avoir été condamné à tort pour le meurtre de Sandy Seale à Sydney, en Nouvelle-Écosse. M. Marshall n’avait que 17 ans lorsqu’il a été reconnu coupable de ce meurtre et condamné à l’emprisonnement à perpétuité, malgré l’absence de preuves physiques le liant au meurtre.

De plus, il y a des preuves d’intimidation et de faux témoignages de la part des policiers. Même ses avocats — je dis bien ses avocats — doutaient de son plaidoyer et n’ont pas vérifié son récit de l’événement. Cette affaire démontre la nature hostile aux Autochtones et colonialiste des préjugés qui règnent dans de nombreuses sphères du système de justice. Même les avocats de la défense, qui devaient présenter des preuves pour le défendre, n’arrivaient pas à croire qu’il était innocent.

Pour reprendre les propos de Donald Marshall fils : « Ce n’est pas moi le coupable, c’est le système. » Cela nous rappelle, chers collègues, que ces affaires ne sont pas des incidents isolés, mais des échecs caractéristiques de l’ensemble du système judiciaire. L’enquête sur la condamnation injustifiée de M. Marshall a également mis en lumière le fait que la race de la victime, qui était un jeune homme afro-néo-écossais, a également contribué à cette erreur judiciaire. L’affaire Marshall a toutefois servi de catalyseur pour la création de l’Indigenous Blacks and Mi’kmaq Initiative de l’Université Dalhousie, qui vise à remédier à la sous-représentation systémique des voix noires et autochtones dans le domaine du droit.

Je crois que les récits que nous avons entendus dans les divers débats de cette chambre peuvent aussi être des catalyseurs de changement au moyen du projet de loi C-40. En modernisant le processus d’examen, le projet de loi peut servir de rempart contre certains préjugés raciaux, comme dans les cas de Randy Riley et de Donald Marshall fils, pour offrir une plus grande équité raciale dans le processus de justice.

La troisième affaire sur laquelle je souhaite attirer votre attention est celle de M. Glen Assoun. M. Assoun a passé 17 ans en prison pour le meurtre de son ancienne petite amie, Brenda Way. M. Assoun semblait un coupable tout désigné parce qu’il avait un passé complexe, qu’il avait été négligé pendant son enfance, qu’il avait seulement une 6e année et qu’il avait depuis longtemps des problèmes d’alcoolisme et de violence. La situation de M. Assoun illustre clairement comment des Canadiens à la fois pauvres et toxicomanes peuvent être condamnés à tort et tomber dans des failles du système judiciaire en raison de leur situation personnelle.

Honorables collègues, j’appuie le projet de loi C-40 parce que je crois qu’il est possible d’avoir un système de justice qui respecte les principes de responsabilité et d’équité. Je suis favorable à la modernisation du processus d’examen des erreurs judiciaires et à la création d’un organisme d’examen indépendant afin de prévenir les préjugés qui font partie intégrante de notre système judiciaire. Les erreurs judiciaires ont un coût; ce coût, c’est leurs conséquences néfastes sur la vie des personnes condamnées à tort, de leur famille et de leur communauté.

Je vous encourage vivement, chers collègues, à appuyer ce projet de loi afin de prévenir de futures erreurs judiciaires, de renforcer la confiance du public et de soutenir des victimes comme M. Riley, M. Marshall et M. Assoun.

Merci, asante.

 

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