Troisième lecture du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence

Par: L'hon. Clément Gignac

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Parliament from across the Ottawa River, Ottawa

L’honorable Clément Gignac : Chers collègues, je voudrais intervenir aujourd’hui sur le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.

Sachez tout d’abord que je n’ai pas l’intention d’apporter quelque amendement que ce soit à ce projet de loi. Sachez également que je serai très bref, car je suis en faveur des initiatives que contient le projet de loi. Vous vous demandez sans doute alors pourquoi je prends la parole. C’est parce que je veux dénoncer haut et fort dans cette Chambre le peu de temps qui a été alloué à l’étude de ce projet de loi.

Cela n’a rien de personnel à l’endroit du représentant du gouvernement au Sénat ou du président du Comité des finances nationales, l’honorable sénateur Mockler. Au contraire. En tant que membre du comité directeur, le sénateur Mockler m’a avisé dès lundi midi que nous aurions de la difficulté à analyser et à adopter ce projet de loi avant notre ajournement pour le temps des Fêtes, à moins de prendre des mesures exceptionnelles, comme la tenue d’un comité plénier — une première en 10 ans, selon mes recherches, pour un projet de loi de nature économique.

J’avoue que je ne connaissais pas cette procédure exceptionnelle, honorables sénateurs. À l’instar de mes deux collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je suis resté sur mon appétit, compte tenu des trois minutes et demie qui ont été allouées à chacun d’entre nous pour questionner deux ministres qui ont des responsabilités dans le secteur économique.

Permettez-moi de saluer et remercier publiquement le leader du Groupe des sénateurs canadiens pour avoir insisté, au début de la semaine, pour que le Comité sénatorial permanent des finances nationales tienne une séance spéciale immédiatement après le comité plénier, afin d’entendre quelques témoins sur ce projet de loi.

Je lève mon chapeau à notre greffière, Mme Mireille Aubé, et à ses deux analystes, qui ont réussi, en moins de 24 heures d’avis, à obtenir la participation de quatre témoins à notre comité hier après‑midi.

(1600)

Honorables sénateurs et sénatrices, sachez que ce projet de loi a été adopté en première lecture à l’autre endroit le 21 septembre dernier et que le Sénat l’a reçu lundi soir cette semaine. Je me permets de souligner que le Comité des finances de l’autre Chambre a pu y consacrer plus de huit heures de son temps et a entendu neuf témoins. À première vue, cela doit sans doute vous rassurer.

Or, sachez que l’Association du Barreau canadien, dont le mémoire — que j’ai entre les mains — a été déposé et compte une trentaine de pages et 19 recommandations, n’a pas été en mesure de témoigner.

Qui plus est, lors de l’étude article par article au comité de l’autre endroit, quatre amendements ont été présentés et adoptés. Cela me semble une preuve évidente que cette première réforme en 35 ans de la Loi sur la concurrence contenue dans ce projet de loi aurait sans doute mérité un second examen un peu plus attentif dans cette Chambre.

Honorables sénateurs, vous percevez sans doute un peu de colère ou, du moins, une certaine frustration intellectuelle en tant que sénateur membre de cette Chambre haute dite de second examen attentif.

Cette semaine, je n’ai pas senti que nous faisions partie d’un système parlementaire bicaméral composé de deux Chambres. J’ai plutôt eu l’impression de siéger au sous-sol de la Chambre basse de l’autre endroit et d’être traité comme un parlementaire de seconde classe. C’est comme si quelqu’un, quelque part, avait oublié que nous sommes des sénateurs qui ont sans doute des convictions politiques différentes, mais qui ont aussi un dénominateur commun, soit le souhait de bien faire les choses, en toute transparence, pour le mieux-être de l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes.

Je tiens à remercier mes collègues du comité directeur du Comité des finances nationales, qui ont accepté de relever quelque peu le ton dans l’observation qui a été présentée hier soir. Habituellement, au Comité des finances nationales, on utilise des mots feutrés, polis et courtois. Cette fois, on a haussé un peu le ton en mentionnant que l’on trouvait méprisant que le comité ait eu aussi peu de temps pour analyser le projet de loi.

Honorables sénateurs, je conclus, mais sachez que, malheureusement, je crois bien avoir attrapé le vilain mal de gorge du sénateur Carignan, de sorte que je vais m’arrêter ici et que je ne pourrai sans doute pas répondre à vos questions. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’avais une question. Est-ce que je peux vous demander, cher collègue, de reconsidérer cela?

Le sénateur Gignac : Ce sera la seule question à laquelle je répondrai, et ce, par respect pour le sénateur Gold.

Le sénateur Gold : Merci, cher collègue. C’est très important que nous, au Sénat, ayons le temps d’étudier les projets de loi comme il se doit. C’est la façon de procéder et c’est toujours ce que je souhaite, même s’il arrive parfois qu’un projet de loi arrive bien tard dans notre programme législatif.

Ma question est la suivante, cher collègue : saviez-vous que mon bureau a suggéré que le Comité des finances nationales fasse une étude préalable de ce projet de loi, à laquelle auraient participé… Excusez-moi, je vais recommencer.

Puisque le projet de loi était à l’autre endroit et puisqu’on ignorait exactement quand le Sénat allait le recevoir, mais que c’était une priorité pour le gouvernement et les Canadiens, saviez‑vous que mon bureau a suggéré de faire une étude préalable à laquelle auraient participé les deux ministres? Le Comité des finances était prêt à les recevoir mardi matin, mais un certain nombre de dirigeants — les leaders — ont refusé. Pas tous, mais assez pour que nous n’obtenions pas le consensus requis pour mettre cette étude préalable en place, compte tenu du calendrier. Êtes-vous au courant que c’est —

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold, veuillez poser votre question.

Le sénateur Gold : Êtes-vous au courant que le bureau du représentant du gouvernement a suggéré que le comité réalise une étude préalable, qui aurait permis d’avoir plus de temps pour étudier ce projet de loi et pour en débattre, si la proposition avait été acceptée? Malheureusement, elle n’a pas été acceptée.

Le sénateur Gignac : Honorables sénateurs, je n’étais pas au courant de toutes ces tractations ou négociations entre les leaders. En tout respect, je vous remercie de partager cette information avec nous. On le voit souvent dans le cas des projets de loi d’exécution du budget : le Comité des finances nationales fait souvent des études préalables, car il a la possibilité de siéger pratiquement n’importe quand.

J’ai donc été très surpris qu’on n’utilise pas cette approche qu’on utilise normalement pour les projets de loi d’exécution du budget. Évidemment, j’étais frustré au plan intellectuel. On parle de la Loi sur la concurrence; on ne rit pas, c’est un enjeu très sérieux. Le sénateur Deacon, notre spécialiste, qui ne siège malheureusement pas au Comité des finances nationales ni au Comité des banques… On n’a pas pu scinder le projet de loi en deux, envoyer les dispositions ayant trait à la concurrence au Comité des banques et de l’économie, qui les aurait étudiées attentivement, et étudier les dispositions sur la taxe sur l’accise au Comité des finances nationales. Il nous arrive de séparer les choses quand nous examinons les projets de loi d’exécution du budget. Nous n’avons même pas eu cette chance.

C’est la première fois que je vis cela. Je ne pense pas être le seul à éprouver cette frustration. En même temps, les Canadiens ont besoin d’un soulagement et on le comprend. Je voulais juste le mentionner, en toute impartialité politique, parce que je pense que, peu importe nos convictions, nous sommes là pour améliorer le sort des Canadiens.

Vous savez, j’ai un seul engagement en dehors du Sénat, et c’est un engagement bénévole : je suis président du conseil d’administration du Collège des administrateurs de sociétés. La saine gouvernance au sein des entreprises, c’est très important à mes yeux. Ce que nous avons vu cette semaine, ce ne sont pas de bonnes pratiques, mais de mauvaises pratiques.

Je n’étais pas au courant de cela, mais je fais appel aux quatre leaders. S’il vous plaît, la prochaine fois, pendant vos arbitrages — je comprends, j’ai travaillé en politique pendant trois ans et demi et je sais ce que cela peut présenter —, quand il s’agit de projets de loi de ce genre, organisez-vous pour autoriser la réalisation d’une étude préalable. On en a besoin.

Je vais faire une prédiction. Lorsque je vois le mémoire de l’Association du Barreau canadien, qui compte une trentaine de pages et 19 recommandations, il est bien évident qu’il y aura des amendements apportés à cette loi au cours des prochains mois. Des choses vont se passer. On n’a pas fait cet examen. Vraiment, nous n’avons pas été traités comme des parlementaires de la Chambre haute; nous avons été maltraités.

Comme je l’ai dit dans mon préambule, sénateur Gold, ce n’est rien de personnel à votre égard ni à l’égard du président du Comité des finances nationales. On était, comme on dit en anglais, en damage control et on a dû composer avec les décisions qui ont été prises.

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