L’honorable Clément Gignac : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.
Au cours des 45 minutes qui suivent, je ferai de mon mieux pour vous convaincre, ainsi que toute personne qui n’a pas encore tranché sur la question, d’appuyer ce projet de loi.
Je plaisante, chers collègues.
Mon intervention sera d’une durée maximale de 28 minutes. Je serai très respectueux.
J’aimerais discuter brièvement des raisons pour lesquelles ce projet de loi devrait être adopté par le Sénat. Avant d’aller plus loin, j’aimerais tout d’abord remercier tous mes collègues du Comité des banques, du commerce et de l’économie ainsi que le porte-parole du projet de loi, le sénateur Carignan, de leur implication lors de l’examen de ce projet de loi. Je dis un merci tout spécial à ma collègue du Groupe progressiste du Sénat, la sénatrice Bellemare, ainsi qu’à la présidente du comité, la sénatrice Wallin, pour leur flexibilité et leurs précieux conseils sur la marche à suivre pour annexer plusieurs observations rédigées dans les deux langues officielles au moment de l’étude article par article du projet de loi au comité hier midi, soit quelques heures à peine avant le dépôt officiel de ce rapport dans cette Chambre, hier après-midi. Ce fut pour moi une belle expérience du processus législatif et de la logistique des travaux au Sénat, pour faire du Sénat une assemblée plus agile et plus efficace.
Chers collègues, la Loi sur Investissement Canada est un outil important dont la portée est vaste. Cette loi permet au Canada de réagir aux menaces changeantes qui sont susceptibles de découler des investissements étrangers, tout en protégeant l’ouverture du Canada aux investissements internationaux bénéfiques.
Le Canada est un endroit déjà très attrayant pour les investissements étrangers, comme en font foi les dernières statistiques disponibles pour l’année 2023. En effet, le Canada s’est classé au troisième rang des pays de l’OCDE en matière d’investissements directs étrangers en dollars, derrière les États‑Unis et le Brésil. Donc, par habitant, le Canada est le numéro un.
Malgré ce succès, il faut s’ajuster, car le monde a changé depuis 15 ans et nous assistons à une plus grande fragmentation du commerce mondial. En tant que pays membre du G7, membre du Groupe des cinq — mieux connu sous le nom de Five Eyes —, et surtout principal partenaire commercial — et militaire, dans le cas du NORAD — de nos voisins américains, nous ne pouvons pas ignorer les éléments relatifs à la sécurité nationale. Nous pouvons nous montrer nostalgiques de l’ère de libéralisation du commerce sans entraves des décennies précédentes, mais nous ne vivons pas au pays des licornes.
Nous devons nous montrer particulièrement vigilants par rapport à certains projets d’investissements en provenance de certains pays autocratiques pouvant cacher des intentions malveillantes.
C’est une raison supplémentaire pour laquelle nous avons besoin d’une législation à jour offrant de la clarté et de la prévisibilité aux investisseurs étrangers.
Notre pays a besoin d’investissements directs étrangers et du commerce international pour permettre aux Canadiens de maintenir leur niveau de vie et de financer leurs programmes sociaux. C’est pourquoi le gouvernement a choisi d’adopter une approche équilibrée et il devra continuer de se montrer pragmatique en prenant des mesures relatives aux véritables questions de sécurité nationale.
En contrepartie, le Canada devra se montrer vigilant et lutter contre des mesures purement protectionnistes qui introduisent des barrières économiques sous l’étiquette de la sécurité nationale. Je fais allusion ici aux tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium canadiens qui ont été imposés par nos voisins du Sud sous le prétexte d’assurer la sécurité nationale. En même temps, il est essentiel que la loi soit modernisée afin de s’adapter à ces nouvelles menaces.
Le Canada demeure une économie ouverte qui fait l’envie du monde, mais notre pays est aussi, de plus en plus, la cible d’acteurs hostiles.
Honorables sénateurs et sénatrices, ces dernières années, nos alliés, comme le Groupe des cinq, se sont équipés de leurs propres régimes modernes. Cette mise à jour de la Loi sur Investissement Canada donnera de nouveaux outils aux autorités en place afin d’empêcher des acteurs hostiles d’exploiter l’expertise et la capacité d’innovation du Canada.
Par exemple, la nouvelle exigence de dépôt préalable à la mise en œuvre garantira que le Canada exerce une surveillance accrue sur les investissements dans certains secteurs critiques, en particulier ceux qui donnent aux investisseurs étrangers un accès matériel à la propriété intellectuelle de pointe et aux secrets commerciaux une fois l’investissement finalisé.
De plus, le nouveau pouvoir ministériel d’imposer des conditions provisoires pendant le processus d’examen relatif à la sécurité nationale contribuera à réduire le risque de préjudice à la sécurité nationale survenant au cours de l’examen lui-même, par exemple par l’accès ou le transfert possible de propriété intellectuelle avant que l’examen ne soit complété.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-34 portent également sur les pénalités financières en cas de non-conformité à la loi. Ces pénalités n’avaient pas été mises à jour depuis plusieurs décennies et ne correspondaient plus aux valorisations typiques actuelles des transactions.
Le projet de loi permettra aussi au Canada de partager des informations spécifiques avec ses homologues internationaux afin de protéger des intérêts communs en matière de sécurité en utilisant les meilleures pratiques fondées sur des preuves.
Finalement, le projet de loi modifié permettra de déclencher le processus d’examen relatif à la sécurité nationale lorsque l’investisseur a été reconnu coupable de corruption dans une administration.
Chers collègues, à l’instar de plusieurs autres projets de loi adoptés dans cette Chambre, ce projet de loi n’est pas parfait et le Comité sénatorial des banques y a ajouté plusieurs observations. La sénatrice Bellemare apportera sans doute des précisions sur ces observations, puisqu’elle est à l’origine de plusieurs d’entre elles.
Par contre, comme l’a montré l’appui unanime que le projet de loi C-34 a reçu à l’autre endroit, la sécurité nationale n’est pas une question partisane. Ce projet de loi devrait aussi susciter votre appui.
En tant que parrain du projet de loi, il m’a semblé important de regarder comment le projet de loi avait évolué à l’autre endroit avant d’être soumis à notre propre examen ici, au Sénat.
Chers collègues, sachez que ce projet de loi a fait l’objet d’une étude approfondie du comité de l’autre endroit, qui a tenu 12 réunions et fait comparaître 44 témoins.
Qui plus est, contrastant en cela avec plusieurs autres projets de loi adoptés à l’autre endroit, plusieurs amendements présentés par des députés conservateurs, néo-démocrates et bloquistes ont été acceptés cette fois-ci par le gouvernement dans le but de bonifier le projet de loi que nous étudions aujourd’hui.
De notre côté, le Comité des banques a tenu six rencontres sur ce projet de loi et entendu dix témoins, y compris l’honorable François-Philippe Champagne, ministre responsable du projet de loi. De plus, le comité a produit un rapport et y a ajouté des observations, dont ma collègue parlera plus tard.
J’espère que nous serons d’accord pour dire que, prises ensemble, ces modifications législatives contribueront à faire en sorte que le Canada soit en mesure de profiter des avantages économiques des investissements étrangers, tout en renforçant sa capacité d’agir rapidement et de manière décisive afin de contrer les menaces à notre sécurité nationale.
Honorables sénatrices et sénateurs, la semaine a été longue. Permettez-moi donc de conclure en vous invitant à accorder votre soutien au projet de loi C-34.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.
Des voix : Bravo!