Motion du gouvernement no. 165—Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat

Par: L'hon. Pierre Dalphond

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Halls of Parliament, Ottawa

L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, je n’avais pas vraiment l’intention de parler et la sénatrice Bellemare, qui est notre experte en matière de Règlement, allait commenter et commentera plus à fond, peut-être pas aujourd’hui, mais demain ou jeudi, le contenu technique de la motion.

Cependant, je ne peux rester silencieux après certains commentaires que j’ai entendus aujourd’hui à la suite d’un échange très productif entre les membres du groupe conservateur qui, pendant les deux heures de pause, n’ont pas eu le temps de discuter entre eux de ces questions importantes, et qui nous ont fait bénéficier de leurs discussions ouvertes auxquelles nous avons pu tous participer. D’ailleurs, je les en remercie.

Cela dit, chers collègues, j’aimerais plutôt apporter quelques nuances à certaines choses qui ont été dites.

Chers collègues, lorsque nous aurons adopté cette motion, les pouvoirs en matière de procédure seront répartis plus équitablement entre tous les partis et les groupes parlementaires au Sénat. Il restera tout de même quelques différences, comme le droit de vote des membres d’office des comités.

En soi, cette motion est un pas dans la bonne direction en vue de permettre à des groupes de participer à l’organisation des travaux du Sénat, comme avoir le pouvoir de reporter des votes et de tenir des séances de comité en dehors des plages normales sans que deux sénateurs puissent imposer leur veto.

Cette motion est fermement enracinée dans la tradition de Westminster qui reconnaît la liberté des parlementaires de former des groupes et de participer au processus législatif pour demander des comptes au gouvernement en place.

Cette motion renforce la capacité de sénateurs d’exercer leurs fonctions constitutionnelles sans devoir nécessairement être membres d’un caucus du gouvernement ou de l’opposition.

Le sénateur Plett a présenté cette motion pour modifier le Règlement comme une motion du gouvernement sans précédent qui aurait été rédigé par le Cabinet d’un premier ministre sortant qui essaie de miner le terrain en prévision d’une éventuelle forte majorité du Parti conservateur.

Ce discours peut plaire aux personnes qui voient des conspirations partout : aux Nations unies, à l’Organisation mondiale de la santé, à Davos, etc.

N’empêche que nous devrions nous concentrer sur les faits. Pour ceux qui accordent une importance aux faits, les changements proposés s’inscrivent dans la même foulée que certaines discussions que nous avons eues depuis que je suis arrivé au Sénat il y a six ans. Je pense notamment au Comité sur la modernisation et au Comité du Règlement.

En effet, ces changements permettront d’harmoniser le Règlement avec les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, modifications que nous avons réussi à adopter en 2022 après plusieurs tentatives depuis 2020. Il nous en a fallu du temps pour y arriver. Il aura fallu que ce soit inclus dans un budget dans le cadre d’un projet de loi omnibus. Je n’affectionne pas ce type de projet de loi, mais j’ai bien aimé cette partie de ce projet de loi omnibus.

Cette motion n’est par ailleurs pas une première dans l’histoire du Canada. Permettez-moi de citer deux extraits de la Procédure du Sénat en pratique. Je cite en premier un extrait de la page iii sur la question du Règlement :

Au cours des années suivantes, des modifications mineures ont été effectuées, mais les plus profondes demeurent sans conteste celles apportées en 1991. Ces modifications survenaient après que la rancœur partisane, provoquée par le débat sur l’introduction de la taxe sur les produits et services (TPS), eut atteint un niveau sans précédent. Parmi les changements apportés figurait l’imposition d’une limite de temps à des travaux précis, dont les Déclarations de sénateurs, les Affaires courantes et la Période des questions. Des délais étaient aussi imposés à la plupart des discours, ainsi qu’à la durée de la sonnerie pour les votes par appel nominal. Une heure normale d’ajournement — minuit la plupart du temps, 16 heures le vendredi — était aussi fixée. En outre, la priorité était accordée aux Affaires du gouvernement, qui seraient désormais appelées selon l’ordre établi par le leader ou le leader adjoint du gouvernement. Des dispositions étaient également ajoutées pour permettre au gouvernement de fixer un délai pour la durée de ses travaux, et de nouvelles procédures visant les questions de privilège étaient établies.

Un deuxième passage intéressant se trouve à la page 73 toujours de la Procédure du Sénat en pratique :

Il […] se divise en deux grandes catégories : les Affaires du gouvernement et les Autres affaires. Cette distinction existe depuis 1991, date à laquelle le Règlement du Sénat a été modifié afin de donner la priorité à l’étude des affaires présentées par le gouvernement. Avant ce changement, cette distinction n’existait pas.

Chers collègues, je retiens deux points importants à la lecture de ces passages. Premièrement, il n’y avait aucune distinction entre les affaires du gouvernement et les autres affaires avant 1991. Deuxièmement, il n’y avait aucune imposition d’une limite de temps avant 1991.

D’abord, il n’y avait pas de distinction entre les affaires du gouvernement et les autres affaires avant 1991. Deuxièmement, il n’y avait pas de règle de fixation de délai avant 1991.

En cherchant à savoir comment ces changements avaient été apportés, j’ai constaté que, sur le plan de la procédure, ces changements majeurs faisaient partie d’un ensemble volumineux de modifications au Règlement adoptées le 18 juin 1991, à l’initiative du gouvernement conservateur du premier ministre de l’époque, le très honorable Brian Mulroney. Elles ont été adoptées à la suite d’un vote par appel nominal de 40 contre 30.

Une voix : Bravo.

Le sénateur Dalphond : C’était loin de faire consensus. De plus, ces changements ont été apportés après la nomination par le premier ministre Mulroney de huit autres sénateurs en 1990 au titre d’un article de la Constitution qui n’avait jamais été utilisé dans l’histoire du Canada.

Des voix : Oh.

Le sénateur Dalphond : Par conséquent, nous n’écrivons pas une grande page d’histoire ce soir : elle a été écrite en 1991.

On peut difficilement parler de modifications au Règlement par consensus. En fait, l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que le Sénat prenne ses décisions à la majorité des voix. La Constitution ne nous permet pas d’établir des règles qui requièrent une supermajorité, comme au Sénat américain, parce que cela ne serait pas constitutionnel, ni, implicitement, d’accorder un droit de veto à un groupe de 13 sénateurs, par exemple. En outre, comme l’a dit le sénateur Sinclair en 2020 en parlant des modifications potentielles au Règlement que nous proposions, lui et moi, comme vous vous en souvenez peut-être, car il s’agissait d’un gros document : « […] le consensus ne devrait pas être une condition préalable pour faire ce qui est juste […] » C’est ce que je crois.

Bref, honorables sénateurs, les arguments de l’opposition contre la motion reposent sur des propositions inexactes ainsi que sur une vision du Sénat qui n’existe plus. En réalité, il y a maintenant quatre groupes au Sénat, et aucun ne détient la majorité. Espérons que cela va durer.

Nous ne devrions pas avoir honte de ce que nous sommes en train de faire. Nous ne faisons que suivre l’évolution du modèle de Westminster, en fait. Comme vous le savez, notre institution a été établie il y a de nombreuses décennies à partir du modèle de la Chambre des lords, la Chambre haute du Parlement de Westminster. La Chambre des lords est composée de divers groupes, les quatre plus importants étant le groupe des conservateurs, qui compte 277 pairs; celui des travaillistes, avec 172 pairs; les libéraux-démocrates, avec 80 pairs; et le groupe des indépendants, qui compte 181 pairs. Comme vous pouvez le constater, aucun groupe n’est majoritaire. Malgré la grande impopularité du gouvernement conservateur qui dirige actuellement l’Angleterre, ses projets de loi sont adoptés à la Chambre des lords.

Grâce aux règles que propose la motion à l’étude, les quatre groupes que nous avons ici jouiront d’un statut équivalent à bien des égards. Au bout du compte, ces nouvelles règles iront dans le sens de l’égalité que nous cherchons à créer entre les groupes. Ce principe d’égalité est important pour nous tous, en tant que personnes et en tant que membres de groupes. De plus, elles garantiront l’existence de quatre groupes au Sénat ainsi que la possibilité, pour chacun d’entre nous, de nous affilier à l’un de ces groupes et de changer d’affiliation au fil du temps. Elles nous rendent plus indépendants et elles font en sorte qu’un sénateur n’a pas, par exemple, à traverser le parquet quand il est en désaccord avec son groupe.

En ce qui concerne le modèle de Westminster, je pense que nous devrions aller plus loin que ce que nous faisons à l’heure actuelle. Nous devrions suivre ce qui se fait déjà à la Chambre des lords. Par exemple, nous pourrions élire notre Président. Ils ont enlevé ce pouvoir à la Couronne. Le Président est maintenant élu par scrutin secret à la Chambre des lords.

Votre Honneur, ce n’est pas une critique à votre endroit. Je suis sûr que vous remporteriez le vote. L’enjeu, c’est que c’est ce modèle qui est utilisé à la Chambre des lords. C’est la direction vers laquelle évolue le modèle de Westminster. En outre, les présidents des comités sont choisis par l’ensemble de la Chambre. Il s’agit d’un comité de présidents qui président toutes les réunions des comités. Ce sont les lords permanents qui ont été choisis par toute la Chambre et non par deux ou trois membres d’un comité, pour assurer la présidence de ce comité.

Chers collègues, je terminerai en disant ceci : certaines personnes sont préoccupées par le fait que, si ces modifications sont adoptées, je n’aurai peut-être pas un temps de parole illimité quand je ferai mon prochain discours. Je comprends la théorie. Toutefois, dans la pratique, je n’ai personnellement jamais eu besoin d’un temps de parole illimité. Je n’utilise même pas les 45 minutes dont je dispose aujourd’hui. Habituellement, je n’ai pas besoin d’autant de temps de parole parce que, à mon avis, si le message est clair, il peut être transmis aux collègues en 15 minutes, voire 30 minutes ou tout au plus 45 minutes. Si vous avez besoin de plus de temps, c’est que quelque chose cloche dans votre message.

Chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre attention.

Des voix : Bravo!

 

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