L’honorable Andrew Cardozo, ayant donné préavis le 18 juin 2025 :
Qu’il attirera l’attention du Sénat sur l’avenir des médias d’information canadiens et leur modèle de financement à long terme, y compris celui de CBC/Radio-Canada.
— Honorables sénateurs, je me rends compte que je vous empêche littéralement d’aller souper. J’ai retiré de nombreuses pages de mon discours. Je serai bref.
Je lance cette interpellation sur le financement des nouveaux médias d’information au Canada. Chers collègues, les médias d’information canadiens traversent une véritable crise. Cette interpellation porte sur le financement à long terme des médias d’information d’un bout à l’autre du Canada, qu’ils soient publics, privés ou sans but lucratif. Elle s’inscrit dans le prolongement de l’interpellation que j’ai lancée lors de la dernière législature sur l’avenir de CBC/Radio-Canada.
Je remercie sincèrement nos collègues qui ont pris la parole dans le cadre de cette enquête : les sénateurs et sénatrices Forest, Bernard, Miville-Dechêne, Moncion, Duncan, McCallum, Gerba, Klyne et Aucoin. Nous avons entendu de nombreux points de vue de grande valeur qui ont grandement contribué au débat public plus large sur la CBC/Radio-Canada.
Je n’ai pas pu clore l’interpellation en raison de la prorogation, mais j’ai publié un rapport sommaire sur mon site Web, senatorcardozo.ca.
Voici les principaux éléments de ce rapport. Des présentations ont fait ressortir la nécessité d’être animés par la conviction profonde que CBC/Radio-Canada doit continuer ses activités et croître. Il est important de maintenir une programmation solide en français et en anglais, particulièrement en français partout au pays. Le radiodiffuseur public doit constamment innover et s’adapter à l’évolution rapide de la technologie des médias. Il faut mettre l’accent sur la diversité dans tous ses forums afin de refléter la réalité canadienne. Il faut augmenter considérablement la programmation locale, améliorer la couverture de l’actualité internationale et voir à ce que la programmation de CBC/Radio-Canada reflète mieux la diversité sociale et politique.
Par ailleurs, je tiens à saluer le travail du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a entamé l’an dernier une étude axée précisément sur la programmation locale à CBC/Radio-Canada.
Je félicite mes collègues les sénateurs Hay et Wilson ainsi que les autres membres du comité directeur, les sénateurs Smith, Dasko et Lewis, d’avoir établi un plan afin de terminer l’étude cet automne. Cette étude arrive à point nommé et elle apportera beaucoup au débat national.
Le comité a entendu 59 témoins l’an dernier. Il a reçu nombre de commentaires réfléchis sur un large éventail de points de vue.
Aujourd’hui, je souhaite élargir le champ de la discussion et penser à des modèles financiers que les médias d’information pourraient utiliser dans les années à venir et à long terme.
Aujourd’hui, nous élargissons le débat et nous parlons des solutions possibles pour le modèle économique des médias d’information dans les années à venir.
En plus de CBC/Radio-Canada, la plupart des médias traditionnels — les journaux, la radio et la télévision, ainsi que de nombreuses publications en ligne — bénéficient d’aide publique, de subventions directes ou de crédits d’impôt. Ce modèle, naturellement, a ses partisans et ses détracteurs.
Je tiens à préciser que la discussion a lieu maintenant en grande partie parce que deux partis politiques, le Parti conservateur et le Parti populaire, ont promis lors des dernières élections de mettre fin à la totalité ou à la majeure partie du financement fédéral accordé au radiodiffuseur public et aux médias privés. Ces partis ont soulevé de sérieuses questions et émis de sérieuses réserves qui méritent d’être discutées sérieusement.
Le point central — avec lequel je ne pas en désaccord — est qu’un média indépendant ne devrait pas recevoir de fonds publics. Voici le dilemme : si nous mettons fin à toutes les subventions aujourd’hui, nous mettons fin à tous les médias publics et indépendants au Canada. Je vous invite à réfléchir à ce dilemme et à en discuter. À mon avis, nous avons besoin de toute urgence d’un débat et d’idées nouvelles sur la manière dont les médias d’information, tant publics que privés, peuvent prospérer et servir au mieux le bien commun.
Voici les quatre questions que je vous encourage à aborder parmi toutes celles que vous jugez importantes.
La première option consiste à mettre en place un modèle de financement viable et à long terme pour les médias d’information canadiens, capable de jouir de l’appui et de la confiance des Canadiens. L’une des solutions envisagées consiste à faire passer tout le financement des médias par un organisme indépendant, sans lien avec le gouvernement. Le nouveau Collectif canadien de journalisme, qui supervise les fonds versés par Google à la suite de l’adoption du projet de loi C-11, est l’une de ces options.
Vous vous souviendrez que lorsque le ministre Steven Guilbeault était ici la semaine dernière, je lui ai posé une question à ce sujet, et il a mentionné ce modèle comme étant une option. À mon avis, il faudrait aller au-delà des fonds provenant de Google : tous les fonds publics versés aux médias d’information — les médias privés et à but non lucratif — devraient passer par cet organisme indépendant. C’est l’un des aspects qui doivent faire l’objet de discussions.
La deuxième question concerne le rôle futur de CBC/Radio-Canada dans le cadre d’un écosystème médiatique plus large.
Vous savez sans doute que cette société a été créée en 1936 par le premier ministre conservateur R.B. Bennett afin de contrer l’invasion des émissions américaines qui risquaient d’anéantir la culture et l’identité canadiennes. Paradoxalement et malheureusement, le défi actuel est le même sur le fond, mais il est plus grave en ce qui concerne la quantité d’émissions et la rapidité du processus.
La troisième question porte sur l’état actuel et le potentiel futur des nouveaux écosystèmes médiatiques d’information exclusivement en ligne. De nombreux nouveaux médias d’information en ligne voient le jour. Citons par exemple The Hub, The Tyee, The Narwhal, Halifax Examiner, National Newswatch, PressProgress et LiveWire.
C’est certainement là que réside le plus grand espoir pour l’avenir des médias d’information au Canada, et même dans de nombreuses autres régions du monde. À l’heure actuelle, la plupart de ces médias sont de petite taille, voire spécialisés, mais beaucoup garantissent des normes élevées de journalisme impartial et méritent notre respect pour leur détermination et leur innovation.
La quatrième question concerne les conséquences sur la démocratie de la présence réduite et des normes de moins en moins élevées des médias d’information.
À l’heure actuelle, dans un nombre de plus en plus élevé de villes et de collectivités, il n’y a aucune couverture des conseils municipaux, ni des entreprises locales, ni des écoles, ni des événements sportifs. En fait, c’est même le cas dans plusieurs grandes villes, où un journal peut ne couvrir qu’un ou deux sujets alors que les conseils municipaux doivent traiter d’un grand nombre d’enjeux.
Ici, au Sénat, on voit très peu de couverture des activités du Sénat.
Le pouvoir croissant des réseaux sociaux, la mésinformation et la désinformation en ligne, l’utilisation de plus en plus abusive de l’intelligence artificielle et la capacité des acteurs malveillants à manipuler la démocratie sont des problèmes qui prennent rapidement de l’ampleur et qui demandent notre attention. Encore une fois, les quatre enjeux sont les suivants : un modèle financier viable à long terme pour tous les médias; le rôle de CBC/Radio-Canada; les médias en ligne émergents et les effets sur la démocratie.
En conclusion, et pour résumer : cette enquête vise à trouver un modèle financier à long terme pour les médias d’information au Canada, qu’ils soient gérés par le secteur sans but lucratif, privé ou public.
Il s’agit de cerner les solutions possibles pour le modèle économique à long terme des médias d’information au Canada.
De nombreux Canadiens avec lesquels j’ai discuté au cours des derniers mois estiment que la nature largement non partisane du Sénat nous offre, offre aux Canadiens, le meilleur forum pour mener une discussion relativement libre de considérations partisanes, en mettant plutôt l’accent sur l’avenir des médias d’information d’une manière bénéfique pour le Canada, la démocratie canadienne et les Canadiens.
Chers collègues, je vous invite à participer à cette discussion au cours des prochaines semaines.
Chers collègues, je vous invite à participer à cette interpellation sur cet aspect essentiel de notre démocratie au cours des prochaines semaines. Merci.