L’avenir de CBC/Radio-Canada—Interpellation

Par: L'hon. Marty Klyne

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Could wearing a Canadian flag, Toronto

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, en tant que sénateur de la Saskatchewan et du territoire visé par le Traité no 4, je prends la parole au sujet de l’interpellation du sénateur Cardozo concernant l’avenir de CBC/Radio-Canada.

CBC/Radio-Canada est bien plus qu’un radiodiffuseur public. C’est le radiodiffuseur public national du Canada, au service des Canadiens depuis plus de 85 ans. À bien des égards, il nous relie à travers notre vaste et diverse fédération. Malheureusement, certains proposent de retirer son financement à cette institution nationale qui nous est chère, et je ne suis pas d’accord avec cette proposition.

Comprenons d’abord ce que représente réellement CBC/Radio-Canada. Le Canada possède une étendue géographique à couper le souffle, des côtes rocheuses de Terre-Neuve aux imposantes forêts pluviales de Colombie-Britannique, de la toundra arctique balayée par les vents aux majestueux Grands Lacs, des plaines dorées de la Saskatchewan aux sommets enneigés de l’Alberta. D’un bout à l’autre de ce grand pays, CBC/Radio-Canada sert de pont de communication essentiel. Notre radiodiffuseur public atteint les coins les plus reculés de notre pays pour unir notre famille canadienne.

Pensons aux défis uniques des médias canadiens. Là où les radiodiffuseurs commerciaux ne voient pas d’intérêt économique, CBC/Radio-Canada intervient et prend le relais. Elle assure une vaste couverture dans les deux langues officielles et dans huit langues autochtones, afin que les communautés qui pourraient autrement être réduites au silence disposent d’une tribune dans les régions nordiques et rurales.

CBC/Radio-Canada ne sert pas uniquement à nous divertir. Elle favorise la survie, l’établissement de liens et la préservation culturelle. En cas d’urgence, qu’il s’agisse d’une tempête hivernale au Labrador ou d’un incendie de forêt au Yukon, CBC/Radio-Canada devient l’une de nos infrastructures essentielles. Lorsque les réseaux cellulaires tombent en panne, les ondes radio de CBC/Radio-Canada continuent de transmettre de l’information vitale, ce qui peut sauver des vies.

L’importance de CBC/Radio-Canada va bien au-delà des communications d’urgence; c’est une pierre angulaire de la culture. En tant que plus grande diffuseuse de contenu canadien original, elle est le moteur de notre secteur créatif. Pensez aux émissions classiques de la CBC au fil des ans : The Beachcombers, Road to Avonlea, Street Legal, North of 60, The Nature of Things, Schitt’s Creek, Kim’s Convenience et Heartland. Sans la CBC, ces histoires auraient-elles été racontées?

Puis, pensez à ces émissions de CBC Radio One : As It Happens, The Current, Cross Country Checkup, Quirks & Quarks, Q, Unreserved, Reclaimed et Massey Lectures.

Sur les ondes de Radio-Canada, on diffuse une émission unique en son genre, Tout le monde en parle. Il y a également une comédie politique diffusée sur la CBC, qui s’est révélée importante pour les Canadiens au fil des ans. Dans l’émission Royal Canadian Air Farce, lors de chaque veille du jour de l’An, le canon à poulets tirait toutes sortes de trucs gluants et dégoûtants sur des politiciens de toutes allégeances. La satire n’épargnait personne.

Grâce à son règne sur la CBC, Rick Mercer est devenu le premier roi récent du Canada, devançant Charles. Enregistrée à Halifax, l’émission This Hour Has 22 Minutes connaît actuellement un âge d’or, avec Chris Wilson jouant à la fois le rôle du premier ministre Justin Trudeau et de l’honorable Pierre Poilievre.

Avec un budget annuel de 1,8 milliard de dollars, CBC/Radio-Canada est le moteur d’une économie de l’information et de la création qui contribue à hauteur de 72,9 milliards de dollars à l’économie du pays et fournit des emplois à au moins 630 000 Canadiens, dans les petites comme dans les grandes communautés.

Supprimer le financement de CBC/Radio-Canada serait une erreur. Cela créerait un vide irremplaçable dans notre écosystème national de communication et dans l’identité du Canada. Ce qu’il faudrait peut-être envisager, c’est une stratégie de redressement. Les critiques soutiennent que CBC/Radio-Canada ne devrait faire que ce que les médias privés refusent de faire. Ce point de vue fondé sur l’échec du marché repose sur une incompréhension fondamentale de l’objectif de la radiodiffusion publique. Alors que les médias privés visent à générer des profits, les radiodiffuseurs publics servent l’intérêt public. CBC/Radio-Canada ne se contente pas de combler des lacunes, elle crée une expérience nationale commune.

Voyez comment CBC/Radio-Canada nous relie : un agriculteur du Manitoba, un chasseur du Nunavut, un artiste de Montréal, un pêcheur de homards de l’Île-du-Prince-Édouard — si le sénateur Cotter était ici, je lui mentionnerais au passage que des homards sont expédiés vivants — et un client de Starbucks à Toronto. Grâce à la programmation de CBC/Radio-Canada, tous ces gens découvrent tout ce que nous avons en commun en tant que Canadiens, y compris les valeurs de notre Charte et notre sens de l’humour. Ils entendent des histoires qui reflètent leurs expériences tout en découvrant la vie de leurs concitoyens. Still Standing est une série de téléréalité humoristique qui parcourt le Canada pour découvrir les joyaux cachés, le riche patrimoine et la culture des petites villes.

À l’échelle de la planète, par l’intermédiaire de Radio-Canada International, CBC/Radio-Canada sert de pont vers le monde. Elle relie les Canadiens à l’étranger, fait la promotion de notre culture dans le monde entier et contribue à attirer les talents et les investissements dans notre pays.

Le philosophe John Ralston Saul souligne avec justesse que le radiodiffuseur public demeure l’un des leviers les plus importants qui restent à la disposition d’un État-nation pour communiquer avec lui-même. À une époque marquée par la fragmentation croissante des médias, la mésinformation, les théories du complot et — pire encore — la désinformation, CBC/Radio-Canada est une source digne de confiance qui diffuse des reportages fiables et factuels.

Est-ce que cela signifie que CBC/Radio-Canada est parfaite? Non. Elle est confrontée à des défis de taille : contraintes de financement, bouleversements technologiques et évolution des habitudes de consommation des médias. L’industrie des médias du Canada, où CBC/Radio-Canada est un acteur dominant, fait actuellement face à un déficit de confiance qui s’aggrave. Selon l’Institut Reuters, la confiance dans les médias est tombée à son niveau le plus bas en sept ans. En outre, une étude de spark*advocacy publiée en avril a révélé que 45 % des Canadiens sont favorables à l’idée de fermer CBC/Radio-Canada pour économiser les deniers publics. Plus inquiétant encore, 40 % croient que CBC News est un organe de propagande, une perception que les jeunes Canadiens partagent davantage que les générations plus âgées.

Les données issues de l’audimétrie de CBC/Radio-Canada complètent ce tableau de déclin de la confiance et de l’engagement. Dans son propre rapport du troisième trimestre 2022-2023, le radiodiffuseur a souligné que les résultats de CBC Television sont inférieurs aux cibles parce que les cotes d’écoute et l’auditoire disponible total ont chuté. De même, les cibles n’ont pas été atteintes en matière de portée numérique, d’engagement numérique, de visites du contenu jeunesse et d’engagement numérique à l’égard des nouvelles régionales de CBC Radio. Ces baisses reflètent des défis plus larges de fidélisation et d’élargissement des auditoires dans un paysage médiatique de plus en plus fragmenté.

L’hostilité à laquelle les journalistes de CBC/Radio-Canada sont confrontés, tant en ligne qu’en personne, est une tendance encore plus alarmante. Le rapport annuel de l’ombudsman pour 2021-2022 décrivait cet exercice comme étant le plus litigieux jamais enregistré, les plaintes ayant grimpé de 60 % par rapport à l’exercice précédent. Le ton et la virulence de ces plaintes sont devenus de plus en plus vitrioliques, soulignant les relations tendues entre le public et le radiodiffuseur national.

Ces tendances nous amènent à nous poser la question suivante : qu’est-ce qui a mal tourné? Parmi les critiques les plus courantes, il y a l’impression de partialité politique. De nombreux Canadiens croient que CBC/Radio-Canada est devenue le porte-parole du gouvernement libéral, ce qui mine son impartialité et son indépendance. Pour répondre à ces préoccupations, il faudra accroître la transparence, en particulier dans la façon dont CBC/Radio-Canada interagit avec le gouvernement et gère ses ressources. En faisant ouvertement état de son fonctionnement interne, y compris ses décisions en matière de programmation et de dépenses, CBC/Radio-Canada pourrait rétablir la confiance du public.

La pensée de groupe au sein de CBC/Radio-Canada est également un grave problème. Les critiques soutiennent que le radiodiffuseur affiche un parti pris de gauche qui découle d’un manque de diversité d’origines et d’opinions au sein de son personnel. Comme elles emploient de nombreuses personnes issues de milieux urbains, universitaires et progressistes, les salles de rédaction risquent de devenir des chambres d’écho qui ne reflètent pas la diversité des points de vue du Canada.

Cette dynamique est aggravée par les pratiques de travail. Selon une étude de l’Université métropolitaine de Toronto, CBC/Radio-Canada emploie quotidiennement plus de 2 000 travailleurs temporaires ou contractuels, soit environ un quart de ses effectifs. Cette dépendance à l’égard d’une main-d’œuvre précaire crée une instabilité financière qui décourage les voix dissidentes, étouffe l’intégrité journalistique et affaiblit la démocratie.

Malgré tout, les problèmes de CBC/Radio-Canada ne sont pas insurmontables. Le radiodiffuseur doit appliquer une rigoureuse stratégie de revirement et de redressement, faire le point, examiner son propre comportement, adopter des réformes et se montrer souple face aux critiques valables.

Je suis fermement convaincu que la réduction du financement n’est pas la solution. Il y a de nombreuses questions externes et internes à évaluer. Le radiodiffuseur doit miser sur ses forces, cultiver ses avantages concurrentiels, réinvestir en lui-même et procéder à une transformation en profondeur.

Si les menaces économiques immédiates qui pèsent sur les médias canadiens ont été temporairement atténuées par l’adoption de la Loi sur la diffusion continue en ligne et de la Loi sur les nouvelles en ligne, des changements structurels subsistent. Les radiodiffuseurs continuent de subir des pertes financières et les producteurs voient leurs commissions sur le contenu canadien diminuer considérablement. Même si l’industrie se stabilise, l’économie du petit marché canadien donne souvent la priorité à des programmes culturellement génériques destinés à un public international, plutôt qu’à une programmation qui témoigne de la riche diversité du pays et relaie nos histoires canadiennes.

La plus grande menace qui pèse sur CBC/Radio-Canada n’est peut-être pas d’ordre politique ou économique, mais relève d’un manque de compréhension de son objectif général. La radiodiffusion publique devrait être reconnue comme un service d’intérêt public, et non comme un simple bouche-trou qui comble les lacunes des médias privés. Si nous ne parvenons pas à défendre une vision, la conversation sur l’avenir de CBC/Radio-Canada risque d’être dominée par des intérêts médiatiques privés qui ne donneront peut-être pas la priorité au bien public. Une réforme stratégique et une attention renouvelée sur les points forts de CBC/Radio-Canada et ses avantages sur le marché pourraient assurer sa pertinence et sa valeur pour tous les Canadiens.

Il faut que CBC/Radio-Canada s’adapte continuellement, qu’elle ait une affectation budgétaire plus transparente, des plateformes numériques améliorées et un mandat épuré qui maintient sa mission fondamentale de fournir un service public. Chaque dollar investi dans la CBC/Radio-Canada génère deux dollars dans l’économie, en particulier dans les régions qui ne seraient jamais servies par les médias commerciaux.

Le financement de la culture n’est pas un luxe. C’est indispensable pour édifier un pays et renforcer les liens qui nous unissent en tant que Canadiens.

Les grands pays investissent dans des institutions qui préservent leurs arts de la scène, leurs histoires, leurs langues et leurs valeurs; il suffit de regarder ce qui se passe en Europe. CBC/Radio-Canada est un investissement dans l’avenir du Canada et constitue une identité distincte et unique, même avec l’influence omniprésente de nos bons amis du Sud.

Aux personnes qui veulent mettre fin au financement de CBC, je dis ceci : vous démantèleriez un élément essentiel de notre infrastructure nationale et de notre identité. CBC/Radio-Canada est fondamentale pour notre fédération.

En fin de compte, l’avenir de notre radiodiffuseur public dépend des Canadiens. Toutefois, en tant que Canadiens patriotes au Sénat, faisons notre part pour lui assurer un avenir brillant et pour faire en sorte que notre fierté soit riche d’histoires et d’inspiration. Plutôt que de couper les vivres à CBC/Radio-Canada, choisissons de la défendre, de la réformer et de la renforcer afin qu’elle continue d’informer, d’éclairer et d’unir les Canadiens pour les générations à venir.

L’argent de nos impôts devrait être consacré à une solide stratégie de redressement, et non à la suppression du financement et à la vente de terrains, de bâtiments et d’équipements à des investisseurs privés pour qu’ils les réaffectent à des fins moins louables.

Merci et hiy kitatamîhin.

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