Duexième lecture du projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre)

Par: L'hon. Pierre Dalphond

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Could wearing a Canadian flag, Toronto

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole à titre de parrain au Sénat du projet de loi d’initiative parlementaire C-202, intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre). Ce projet de loi a été déposé par le leader du Bloc québécois le 29 mai 2025 et adopté à l’unanimité à l’autre endroit jeudi dernier, le 5 juin.

Ce projet de loi reprend intégralement le texte du projet de loi C-282, qui faisait l’objet d’un débat à l’étape de l’étude du rapport du comité en décembre dernier, avant l’ajournement, suivi de la prorogation, puis de la dissolution et enfin de l’élection générale du 28 avril dernier. L’objectif du projet de loi C-202 est donc lui aussi de protéger, lors de négociations commerciales internationales, une composante importante de la sécurité alimentaire au Canada, soit le système de gestion de l’offre, qui vise la production de produits laitiers, de poulet, de dinde et d’œufs.

Ma présentation, inspirée des enseignements de notre collègue récemment retraité, l’honorable Brent Cotter, sera divisée en trois parties. D’abord, elle portera sur les trois piliers ou éléments essentiels du système de gestion de l’offre. Ensuite, je parlerai des arguments en faveur du maintien de la gestion de l’offre dans les trois secteurs mentionnés. Enfin, j’aborderai les raisons pour lesquelles le Sénat est bien positionné pour adopter rapidement le projet de loi C-202.

D’abord, qu’est-ce que la gestion de l’offre? Honorables sénateurs, au Canada, le système de gestion de l’offre a été créé dans les années 1970 à la suite d’une période de volatilité des prix dans les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des œufs. La gestion de l’offre repose sur trois piliers.

Le premier pilier est le contrôle de la production, par l’attribution de quotas destinés à éviter les excédents ou les déficits de production, deux situations qui entraînent souvent des fluctuations de prix importantes pour les agriculteurs, les intermédiaires et les consommateurs.

Comme l’indique la publication de recherche de la Bibliothèque du Parlement sur le mécanisme de la gestion de l’offre au Canada :

Afin d’éviter les surplus et les pénuries susceptibles de causer d’importantes fluctuations de prix, l’office national représentant chacun des secteurs est responsable d’établir le niveau national de production en fonction des demandes provinciales. La Loi sur les offices de commercialisation des produits agricoles permet à chacun des offices nationaux…

 — pour le lait, les œufs et la volaille —

… de restreindre la production et de préciser les contingents de production pour chaque province. Chaque office national peut également imposer des pénalités en cas de surproduction ou sous-production.

Le deuxième pilier est la garantie de revenus pour les agriculteurs. Encore une fois, comme l’explique la Bibliothèque du Parlement :

[…] les agriculteurs participant à la gestion de l’offre sont assurés de bénéficier d’un prix minimum pour leurs produits. Par l’entremise de leurs offices provinciaux de commercialisation, les agriculteurs négocient collectivement avec les transformateurs le prix minimum à la production. Ce prix minimum est établi en fonction des coûts de production et de la situation du marché, par exemple la demande des consommateurs, la disponibilité des stocks sur le marché et le prix des produits concurrents.

La gestion de l’offre permet aux agriculteurs d’obtenir un prix juste par rapport à leurs coûts de production, tout en permettant d’éviter une fluctuation importante des prix aux consommateurs.

Enfin, le troisième pilier est le contrôle des importations, qui est crucial dans le système de gestion de l’offre. Sans limites strictes sur les importations de denrées alimentaires de base soumises à la gestion de l’offre au Canada, le système est compromis, car les agriculteurs se retrouvent exposés à des baisses significatives de la valeur de leurs quotas et à des fluctuations importantes du prix qu’ils reçoivent pour leur production agricole.

La Bibliothèque du Parlement l’explique en ces termes :

En plus de dépendre grandement du contrôle de la production et de l’établissement des prix, le bon fonctionnement du système de la gestion de l’offre dépend également du contrôle des importations.

Conformément à différents accords commerciaux, le Canada limite les importations en établissant un contingent tarifaire. Cela revient à dire qu’il accorde à ses partenaires commerciaux un « niveau d’accès minimum » aux importations et assujettit à un tarif douanier important les importations au-delà d’un certain volume afin d’empêcher les produits étrangers d’inonder le marché canadien. […]

Le projet de loi C-202 vise donc à protéger ce troisième pilier du système de gestion de l’offre en empêchant l’octroi de concessions supplémentaires sur l’importation de produits laitiers, d’œufs et de volaille.

À l’heure actuelle, selon un calcul effectué par les Producteurs laitiers du Canada, jusqu’à 18 % de certains produits laitiers sont ouverts aux marchés extérieurs. Nous savons également qu’il y a un énorme excédent de lait aux États-Unis. Des millions de litres de lait — des gallons, comme on dit — doivent être détruits. Le Wisconsin, en particulier, a une production laitière excédentaire et souhaite donc avoir accès au marché canadien pour expédier ce surplus.

À quel moment notre système de gestion de l’offre des produits laitiers sera-t-il affaibli au point de s’effondrer? Telle est la question.

Selon tous les producteurs laitiers et les représentants de toutes les organisations laitières que j’ai rencontrés, ces 18 % dont j’ai parlé précédemment les placent dans une situation critique. D’après eux, si nos frontières s’ouvrent encore davantage, le système est perdu.

Selon une lettre d’opinion publiée sur le site Web de l’Union nationale des fermiers, près de 11 % du poulet consommé au Canada est maintenant importé, principalement des États-Unis.

Si l’on considère les œufs, la capacité de production de quelques producteurs industriels américains dépasse la production totale du Canada. Selon Statistique Canada, les producteurs d’œufs canadiens ont fourni 915 millions de douzaines d’œufs en 2024. Ce chiffre semble impressionnant. C’est près de 1 milliard de douzaines. C’est le chiffre pour tout le pays. En revanche, aux États-Unis, Cal-Maine Foods, le premier producteur américain d’œufs en importance, indique sur son site Web qu’il possède près de 40 millions de poules pondeuses et qu’il vend plus de 1,1 milliard de douzaines d’œufs par année. C’est plus que la production totale du Canada, avec une seule entreprise.

En résumé, on ne peut d’une part affirmer que l’on soutient le système de gestion de l’offre et, d’autre part, accepter d’ouvrir nos frontières aux mêmes produits en provenance des États-Unis ou d’ailleurs. Les deux propositions sont tout simplement incompatibles.

Il faut aussi réaliser que chaque fois que nous avons choisi d’accepter les importations de ces produits, nous avons non seulement réduit notre souveraineté alimentaire, mais nous avons dû verser des compensations de plusieurs milliards de dollars à l’industrie laitière et à d’autres secteurs. Nos ressources financières sont limitées et nous pouvons les utiliser à bien meilleur escient.

Le temps est venu de mettre des limites. C’est ce que propose le projet de loi C-202, qui aurait pour effet de mettre fin aux concessions en ce qui concerne les importations qui risquent de détruire le troisième pilier du système de gestion de l’offre des produits laitiers, de la volaille et des œufs.

Deuxième partie : pourquoi devrait-on protéger la gestion de l’offre?

Chers collègues, je vais vous dire pourquoi je soutiens la gestion de l’offre. J’aborderai quatre points : premièrement, l’importance de la gestion de l’offre pour l’économie de la plupart des provinces et des régions de notre pays; deuxièmement, l’incidence de la gestion de l’offre sur les collectivités rurales partout au Canada; troisièmement, le rôle de la gestion de l’offre dans une économie plus verte; et quatrièmement, la gestion de l’offre en tant qu’élément essentiel de notre sécurité alimentaire.

En ce qui concerne mon premier point, je crois fermement que ce projet de loi sert les intérêts de tous les Canadiens dans toutes les régions et les provinces. Afin d’illustrer mon propos, je vais donner quelques chiffres. Ils sont à jour, car ils ont été publiés par Statistique Canada le mois dernier.

Selon Statistique Canada, d’après une analyse effectuée à ma demande par la Bibliothèque du Parlement, les recettes découlant de la gestion de l’offre, en pourcentage des recettes agricoles totales, sont de 22,4 % en Ontario. Ce chiffre représente près du quart du revenu monétaire des agriculteurs de l’Ontario.

Dans les provinces de l’Atlantique, le pourcentage correspondant aux recettes découlant de la gestion de l’offre est de 47,5 % pour Terre-Neuve-et-Labrador, de 33 % pour la Nouvelle-Écosse, de 16,7 % pour le Nouveau-Brunswick et de 15,3 % pour l’Île-du-Prince-Édouard. En Colombie-Britannique, c’est 34,9 %. Ainsi, dans toutes ces provinces, la gestion de l’offre fait en sorte qu’une portion substantielle des agriculteurs reçoivent une juste compensation pour leurs produits et sont en mesure de continuer à produire des produits laitiers, des œufs, du poulet et de la dinde, et à investir dans leur exploitation agricole en sachant qu’ils peuvent bénéficier d’un revenu stable, maintenant et dans l’avenir.

J’en viens à mon deuxième point, l’impact de la gestion de l’offre sur les villages et les petites villes du pays. La gestion de l’offre est considérée comme vitale pour le maintien des petites exploitations familiales dans les provinces atlantiques. Elle est aussi vitale pour les petits et moyens producteurs de lait, d’œufs et de volaille ailleurs au pays.

Ces exploitations n’occupent pas seulement une partie importante du territoire rural canadien : les entreprises familiales offrent aussi un mode de vie et permettent à nos villages de rester actifs et viables. Les systèmes de gestion de l’offre font donc partie intégrante des politiques visant à soutenir le Canada rural et à maintenir une forte présence sur le territoire.

L’ouverture de nos frontières aux importations d’œufs, de volaille et de lait — produits souvent fournis par une poignée de grandes entreprises capables de dominer le marché canadien — ne pourrait qu’entraîner la fermeture de nombreuses exploitations agricoles au Canada.

Prenons l’exemple du marché américain des œufs : de nombreuses exploitations américaines comptent plus de 1 million de poules pondeuses, alors qu’au Canada, l’exploitation typique en compte environ 25 000. En fait, Cal-Maine Foods — le producteur que j’ai mentionné plus tôt — est responsable à lui seul de 20 % de l’approvisionnement en œufs des États-Unis. Autrement dit, une seule entreprise contrôle, à elle seule, 20 % du marché. Par ailleurs, ceux qui suggèrent que la gestion de l’offre fait grimper les prix à la consommation trouveront peut-être intéressant de savoir que Cal-Maine Foods fait actuellement l’objet d’une enquête du ministère américain de la Justice pour fixation présumée des prix. Le système canadien d’établissement des prix est beaucoup plus transparent que celui des États-Unis, et il est fondé sur les coûts réels.

La situation de l’industrie laitière est similaire. Au Canada, en 2021, la taille moyenne d’un troupeau laitier était de 96 bovins. Aux États-Unis, en 2022, elle était de 337 bovins. C’est plus de trois fois la taille d’un troupeau canadien. Par ailleurs, aux États-Unis, où il n’y a pas de gestion de l’offre, le nombre d’exploitations laitières a diminué de 95 % depuis les années 1970.

En 2024, plus de 60 % de la production laitière américaine était réalisé par des fermes possédant au moins 2 500 bovins. C’est 25 fois la taille d’une ferme canadienne moyenne. Cela fait beaucoup de bovins. Je ne sais pas si leurs bovins sont beaucoup plus gros que les nôtres, mais ils produisent certainement beaucoup de lait.

Troisièmement, il faut souligner que la gestion de l’offre répond aux impératifs écologiques de notre époque en favorisant des chaînes d’approvisionnement plus petites. Le lait frais vendu en Nouvelle-Écosse n’est pas transporté depuis des endroits comme le Wisconsin.

En fait, selon les Producteurs laitiers du Canada, les producteurs laitiers d’ici comptent parmi ceux qui émettent le moins de carbone par litre de lait au monde : 0,94 kilogramme par litre, contre environ 2 kilogrammes par litre aux États-Unis, soit deux fois plus.

Mon quatrième point est ma conviction qu’il est légitime pour un pays — c’est même un devoir — d’adopter des mesures qui protègent le mieux possible sa capacité de produire à l’échelle locale des denrées alimentaires pour ses citoyens plutôt que, comme nous l’avons vu par le passé et plus récemment, de devenir de plus en plus dépendant d’un approvisionnement imprévisible auprès de fournisseurs à l’étranger.

Comme nous l’avons constaté pendant la pandémie, il n’est pas souhaitable de dépendre des importations pour nous procurer des produits essentiels. Il y a quelques semaines, l’Union nationale des fermiers a d’ailleurs insisté sur l’importance de renforcer la résilience et la souveraineté alimentaire, en soulignant que les droits de douane imposés par notre allié de l’autre côté de la frontière ont une incidence sur l’approvisionnement alimentaire et la production agricole.

Voici ce qu’elle a déclaré :

Les Canadiens doivent avoir accès à la nourriture dont ils ont besoin en développant nos capacités ici même. Les agriculteurs doivent avoir la certitude que leurs activités seront protégées contre l’incertitude économique.

Plutôt que de dépendre de l’approvisionnement extérieur pour nourrir les Canadiens, le Canada préfère protéger sa capacité à produire des sources de protéines de haute qualité sur son territoire en refusant d’élargir l’accès à son marché pour les produits laitiers, les œufs, le poulet et la dinde de l’étranger.

En effet, comme nous l’avons constaté récemment, la grippe aviaire a forcé un grand fournisseur hors de nos frontières à détruire des millions d’œufs, ce qui a fait grimper en flèche le coût d’un seul œuf jusqu’à atteindre un prix supérieur à celui d’une douzaine d’œufs au Canada.

En autorisant une hausse des importations, non seulement nous menacerions la gestion de l’offre, mais nous affaiblirions notre capacité à assurer notre souveraineté alimentaire.

Pour toutes ces raisons, il n’est pas surprenant que les Canadiens appuient fermement la gestion de l’offre pour les produits laitiers, les œufs et la volaille. Selon un sondage Abacus réalisé en novembre 2023, 94 % des Canadiens estiment que c’est une bonne chose que les produits laitiers, les œufs et la volaille soient produits par des agriculteurs assujettis au système canadien de gestion de l’offre, car ce système garantit un approvisionnement fiable en produits de qualité. Autrement dit, la gestion de l’offre est une approche canadienne jouissant d’un vaste appui qui vise à assurer la souveraineté alimentaire, à maintenir la qualité des aliments et à promouvoir une économie verte.

C’est pourquoi tous les autres partis représentés à la Chambre des communes se sont joint aux 22 députés du Bloc pour accélérer l’adoption du projet de loi C-202.

Je tiens également à préciser que les députés du Bloc québécois n’ont pas été les premiers à présenter un projet de loi visant à protéger la gestion de l’offre. En fait, la première tentative remonte au 4 novembre 2004, lors de la 38e législature, avec la présentation du projet de loi C-264, Loi sur la reconnaissance et la promotion de la gestion de l’offre de produits agricoles. Il avait été présenté par Lynn Myers, députée libérale de Kitchener—Conestoga.

Le même projet de loi a été présenté de nouveau en 2006, au cours de la 39e législature, par l’honorable Wayne Easter, député libéral de l’Île-du-Prince-Édouard, que ma collègue du Comité des finances nationales connaît bien, j’en suis sûr.

Bien entendu, la politique proposée par le projet de loi C-202 ne signifie pas qu’il ne faut pas améliorer le fonctionnement du système de gestion de l’offre à l’intérieur de nos frontières. Comme je l’ai dit en décembre, j’ai été stupéfait de voir les énormes quantités de lait qu’on jette chaque année. D’ailleurs, la même chose se passe aussi au Wisconsin, où il n’y a pas de gestion de l’offre pour les produits laitiers.

Je suis également préoccupé par les restrictions qui empêchent l’innovation. Cependant, ces questions — aussi importantes soient-elles — doivent être traitées dans le cadre que nous avons mis en place en améliorant le système de gestion de l’offre à l’intérieur de nos frontières, et non en détruisant ce système. Ce n’est pas en ouvrant davantage nos frontières aux produits étrangers qu’on résoudra ces problèmes. Par contre, nous pourrions ainsi mettre en péril notre souveraineté alimentaire.

J’arrive à mon dernier point de la partie 2. J’aimerais souligner le point de vue du Québec sur cette question parce qu’elle est très importante pour moi, en tant que sénateur de la Belle Province.

Comme je l’ai démontré dans mes commentaires précédents, le projet de loi C-202 ne traite pas uniquement d’une question d’intérêt au Québec. Cependant, il demeure que la gestion de l’offre est au Québec une politique importante que je ne peux pas passer sous silence.

Le projet de loi C-202, tout comme le projet de loi C-282 qui l’a précédé, a été déposé par le Bloc québécois, ce qui reflète bien l’importance de la gestion de l’offre pour l’économie rurale du Québec et pour notre mode de vie.

Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai grandi entouré de fermes laitières, j’ai fait les foins, j’ai transporté des milliers de poussins du couvoir au poulailler. J’ai même travaillé dans un abattoir de poulets. J’ai aussi livré pendant des années de la moulée pour les animaux à des centaines de fermes, sans même m’en rendre compte.

J’étais le premier garçon d’une fratrie de quatre enfants et à l’époque, mon père livrait de la moulée à toutes les fermes des environs de Joliette. Quand il nous emmenait dans le camion, ma mère et moi, je me retrouvais bien emmailloté entre mes deux parents pour faire les livraisons. Par conséquent, toutes les fermières et les fermiers de la région me connaissaient bien avant que j’aille à l’école. D’ailleurs, ma professeure de première année, qui connaissait bien mon père, m’a reconnu tout de suite et m’a accueilli en me disant que j’avais les yeux tellement noirs quand j’avais 1 an.

Au Québec, les recettes tirées de la gestion de l’offre représentent 36 % du total des recettes agricoles, selon les données les plus récentes de Statistique Canada que j’ai mentionnées plus tôt. C’est plus qu’en Ontario, à peu près la même chose qu’en Colombie-Britannique et beaucoup moins qu’à Terre-Neuve-et-Labrador.

La semaine dernière, Martin Caron, le président de l’Union des producteurs agricoles, ou UPA, le plus important regroupement agricole du Québec, a félicité les députés de l’autre endroit de leur appui unanime à la protection de la gestion de l’offre. Il a demandé au Sénat d’étudier rapidement le projet de loi C-202.

Les différents représentants des entreprises de transformation qui achètent des produits assujettis à la gestion de l’offre partagent cet avis. Ils m’ont dit qu’ils apprécient la fiabilité des produits de qualité et la prévisibilité des prix que procure la gestion de l’offre.

Par ailleurs, et comme je le disais en décembre dernier, l’Assemblée nationale du Québec a adopté six résolutions en faveur de la protection de la gestion de l’offre dans les négociations commerciales internationales. La dernière résolution a été adoptée le 10 mars 2021, après la signature de l’ACEUM. Elle se lit comme suit :

QUE l’Assemblée nationale rappelle que le secteur agricole joue un rôle clé dans l’économie et le développement régional du Québec;

QU’elle réaffirme son appui à la protection du système de gestion de l’offre pour les producteurs d’œufs, de lait et de volaille;

Qu’elle demande au gouvernement du Canada de protéger pleinement le modèle de gestion de l’offre dans le cadre de futurs accords internationaux.

Je note également que plusieurs gouvernements québécois successifs ont tous souligné la nécessité de protéger la gestion de l’offre des pressions extérieures, en particulier lors des négociations commerciales, afin de protéger l’économie agricole et la vitalité des régions rurales du Québec.

En février dernier, le premier ministre du Québec, l’honorable François Legault, a déclaré que le Québec était prêt à faire des compromis sur de nombreux sujets, mais pas sur la gestion de l’offre. Je le cite :

Nous, on est prêts à beaucoup de compromis […] Toutefois, la gestion de l’offre ainsi que la protection du français et de la culture dans les ententes internationales ne sont pas négociables.

Cette prise de position fait généralement consensus au Québec. Selon le sondage d’Abacus Data auquel j’ai fait allusion plus tôt, 92 % des Québécois et Québécoises estiment que la production locale par des agriculteurs assujettis à la gestion de l’offre est soit une très bonne chose, soit une bonne chose.

Cependant — et j’insiste sur ce point —, bien que mon rôle de représentant du Québec m’incite à appuyer le projet de loi C-202, ce n’est pas ce qui m’a motivé à parrainer ce projet de loi dans cette enceinte. Cette décision a été motivée par ma conviction profonde que le projet de loi C-202 est dans l’intérêt national, qu’il serait avantageux pour bon nombre d’exploitations agricoles familiales du pays et qu’il contribuerait considérablement à la sécurité alimentaire du pays.

Le troisième et dernier point, c’est qu’il est nécessaire que le Sénat agisse rapidement. Honorables collègues, jusqu’à présent, je me suis concentré sur les avantages stratégiques du projet de loi C-202, et j’espère avoir été convaincant à cet égard. Cependant, si vous n’êtes toujours pas convaincu des avantages de la gestion de l’offre et vous croyez qu’elle ne mérite pas la protection proposée dans ce projet de loi, je respecte votre avis et votre droit de l’exprimer, que ce soit dans cette enceinte ou ailleurs. Cependant, je crois que nous devons aller de l’avant rapidement avec le projet de loi dont nous sommes saisis. Je crois également que le Sénat a une rare occasion de faire adopter rapidement le projet de loi C-202.

Comme vous le savez, le projet de loi C-202 est exactement le même que le projet de loi C-282, qui avait été adopté à la Chambre des communes en juin 2023. Il avait reçu l’appui de tous les leaders et d’une forte majorité de députés de tous les partis.

Au Sénat, il avait été déposé et lu une première fois le 21 juin 2023. Il avait franchi l’étape de la deuxième lecture en avril 2024 et avait ensuite fait l’objet d’une étude attentive en comité. Lorsque le Sénat s’est ajourné pour les vacances de fin d’année, en décembre 2024, nous tenions des débats sur le rapport du comité. La dissolution du Parlement et la tenue d’une élection générale ont mis fin aux débats.

Pendant la campagne électorale, tous les leaders des partis se sont prononcés en faveur de la protection de la gestion de l’offre, notamment lors du débat diffusé en français.

Au cours de la récente campagne électorale, le premier ministre Carney — alors candidat — a clairement indiqué que la gestion de l’offre ne serait jamais soumise à la négociation. Il a dit : « La gestion de l’offre ne sera jamais sur la table […] »

En outre, à la page 17 de la plateforme électorale des libéraux, il est indiqué qu’un gouvernement dirigé par les libéraux s’engage à :

Exclur[e] la gestion de l’offre du Canada de toute négociation avec les États-Unis. Nous protégerons l’engagement du Canada envers la gestion de l’offre et les secteurs soumis à cette dernière, dont les produits laitiers, la volaille et les œufs. Cela protégera les emplois canadiens et ces segments de notre approvisionnement alimentaire contre les fluctuations des coûts de production tout en garantissant aux agriculteurs canadiens un prix minimum pour leurs produits.

En mars 2025, lors de son passage dans la belle région de Montmagny, sur la Rive-Sud de Québec, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, avait promis de défendre le système de gestion de l’offre. En avril 2025, Le Droit rapportait que l’équipe néo-démocrate entendait elle aussi se battre pour faire respecter la gestion de l’offre.

Dans le discours du Trône lu par le roi Charles III dans cette salle, le gouvernement a réitéré son engagement en ces termes :

Le Gouvernement est déterminé à protéger […] ceux qui nous donnent accès à des aliments frais, sains et de qualité : les producteurs agricoles. Et protéger la gestion de l’offre.

Le 29 mai, à la Chambre des communes, le premier ministre Carney a déclaré, et je cite :

La gestion de l’offre ne sera jamais sur la table dans le cadre des négociations avec les Américains. Nous allons protéger la gestion de l’offre. Il y aura une réponse directe. Nous allons protéger la langue française et la culture canadienne en entier dans toute discussion ou négociation commerciale partout au monde, y compris avec les Américains.

Nous allons étudier attentivement le projet de loi du Bloc québécois qui a été déposé ce matin.

Jeudi dernier, après avoir étudié le projet de loi, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-202 par la voie de la motion suivante :

Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, le projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), soit réputé lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier, réputé étudié en comité plénier, réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement, réputé adopté à l’étape du rapport et réputé lu une troisième fois et adopté.

Donc, le processus a pris moins de quatre minutes et on a fait les trois lectures et le rapport du comité.

L’adoption de cette motion est donc conforme à la position adoptée par tous les leaders et leur parti au cours de la campagne électorale, dans le discours du Trône et dans la réponse du premier ministre.

En adoptant la motion sur le projet de loi C-202 la semaine dernière, le premier ministre, le Cabinet et les chefs des partis de l’opposition ont voulu envoyer un message clair à nos voisins américains. Autrement dit, ils ont parlé d’une seule voix. Dans ce contexte, j’exhorte le Sénat à adopter le projet de loi C-202 sans tarder, car il s’agit d’une question plutôt urgente.

En décembre, le nouveau leader de l’opposition au Sénat, le sénateur Housakos, qui vient de partir, a dit :

À plusieurs reprises, les Américains ont essayé d’affaiblir la gestion de l’offre. Ils en ont fait un point de discorde dans un grand nombre de négociations.

La renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique approche à grands pas. […] si nous montrons aux Américains avant même de commencer les négociations que nous sommes disposés à plier l’échine, qu’ils peuvent exploiter cette faille parce que le Parlement n’appuie pas de façon homogène et à l’unanimité une défense solide du secteur agricole canadien dès le début des négociations, alors nos chances de réussite sont nulles avant même d’arriver à la table des négociations. Il faut toujours négocier à partir d’une position forte, et non d’une position faible.

Je ne suis pas un aussi bon orateur que lui, mais j’ai essayé de relayer ces propos avec mes propres mots, car je les partage pleinement et je souscris entièrement à son analyse.

Dans ce contexte, nous avons, en tant que sénateurs, la responsabilité d’appuyer l’unanimité de la Chambre des communes sur cette question et d’appuyer à notre tour le projet de loi C-202. Ce faisant, nous renforçons la position du gouvernement et, en fait, la position collective des représentants élus du Canada.

Retarder l’adoption du projet de loi C-202 enverrait le message opposé et affaiblirait notre position dans les négociations difficiles qui se déroulent actuellement avec nos voisins. Avec le projet de loi C-202, et indépendamment de nos opinions politiques individuelles, qui peuvent raisonnablement diverger, nous, sénateurs, avons l’occasion de réaffirmer notre relation de déférence démocratique à l’égard de l’autre endroit et notre soutien unanime aux Canadiens.

Agir autrement reviendrait à envoyer un message de division à l’administration américaine et à suggérer aux Canadiens que les opinions personnelles de sénateurs non élus devraient prévaloir en toutes circonstances, quoiqu’il en coûte au pays.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous demande d’appuyer le projet de loi C-202 et je demande que nous menions nos délibérations à un rythme qui reflète la priorité accordée à cette question par nos collègues élus de l’autre endroit, par le gouvernement et par la majorité des Canadiens.

Je vous remercie beaucoup de l’attention que vous m’avez accordée. Je suis prêt à répondre à vos questions, si vous en avez. Meegwetch.

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