Deuxième lecture du projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées)

Par: L'hon. Jane Cordy

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L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées). Ce projet de loi rendrait obligatoires les étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées vendues au Canada.

Je m’adresse à vous aujourd’hui sur les territoires non cédés des peuples algonquins anishnabeg.

Je tiens d’abord à remercier le sénateur Brazeau d’avoir présenté ce projet de loi très important au Sénat.

Honorables sénateurs, il a été scientifiquement prouvé qu’il existe un lien entre la consommation de boissons alcoolisées et certains types de cancers. Comme l’a indiqué le sénateur Brazeau dans son discours, il s’agit notamment des cancers de la bouche et de la gorge, des cordes vocales, de l’œsophage, du sein, du foie et du côlon.

Comme l’a également souligné le sénateur Brazeau, seulement un Canadien sur quatre est même conscient qu’il existe un lien entre la consommation de boissons alcoolisées et le risque de cancer. La majorité des Canadiens ne savent pas non plus que l’Organisation mondiale de la santé classe l’alcool dans le groupe 1 des cancérogènes.

Les lettres d’appui à ce projet de loi d’organisations telles que le Cobequid Community Health Board, le Yarmouth County Community Health Board, le Lunenburg County Community Health Board et le Digby and Area Community Health Board, tous des conseils communautaires de santé de ma province, la Nouvelle-Écosse, indiquent clairement que les mesures contenues dans ce projet de loi sont conformes aux recommandations actuelles en matière de santé fondées sur des résultats scientifiques et probants :

Le projet de loi S-254 est conforme à la récente demande concernant des étiquettes de mise en garde faisant partie des nouveaux Repères canadiens sur l’alcool et la santé proposés par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, qui recommande que Santé Canada « exige, au moyen d’un règlement, l’étiquetage obligatoire sur les contenants d’alcool du nombre de verres standards, des Repères canadiens sur l’alcool et la santé, de mises en garde sur la santé et des renseignements nutritionnels. » Cette recommandation provient d’experts scientifiques de premier plan dans le domaine et est appuyée par le document Evidence-based Recommendations for Labelling Alcohol Products in Canada, rédigé par les chercheurs du projet d’Évaluation des politiques canadiennes sur l’alcool, qui sont des chefs de file dans ce genre de politiques depuis plus de 10 ans.

En Nouvelle-Écosse, les membres du Conseil de santé communautaire de la côte Est ont les mêmes préoccupations. Ils appuient cette mesure législative car, à leur avis :

[…] il est essentiel que les gens connaissent et comprennent les risques qu’ils prennent en choisissant de consommer de l’alcool. Celui-ci représente un risque de cancer. De plus, on peut voir les résultats de l’alcoolisme dans nos collectivités : violence familiale, problèmes de santé mentale et autres maladies chroniques. Les étiquettes de mise en garde ne sont que le début d’une série de politiques publiques qui sont nécessaires afin de réduire les quantités d’alcool consommées dans nos collectivités et de créer des milieux familiaux plus sains.

Honorables sénateurs, le projet de loi à l’étude ne vise pas à priver les Canadiens du droit d’acheter ces produits ou à en y restreindre l’accès, contrairement à ce que pourraient prétendre ses opposants. Il vise plutôt à fournir aux consommateurs des renseignements clairs, exacts et, bien franchement, importants pour les aider à faire un choix éclairé quand ils décident de consommer ce type de produits.

Quand on apprend que seulement un Canadien sur quatre sait que la consommation prolongée d’alcool entraîne un risque de cancer, je pense que cela prouve que ces types d’étiquettes sont nécessaires et qu’elles auraient dû être imposées depuis longtemps.

Honorables sénateurs, certains se demanderont peut-être si des étiquettes de mise en garde seront efficaces : leurs effets seront-ils assez importants, ou ne feront-elles que perturber inutilement l’industrie canadienne des boissons alcoolisées?

Nous pouvons prendre l’exemple du tabac. Je vais citer une étude pertinente. En 2006, dans le cadre d’un sondage réalisé dans quatre pays, le Projet international d’évaluation de la lutte antitabac a évalué si les étiquettes de mise en garde apposées sur les paquets de cigarettes permettaient d’informer efficacement les fumeurs des risques du tabagisme.

Le but de la présente étude était d’utiliser des échantillons nationaux représentatifs de fumeurs adultes des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et de l’Australie […] pour examiner les écarts de connaissance des risques du tabagisme entre les fumeurs de ces pays et l’incidence des mises en garde sur les paquets.

À l’époque, on avait constaté que :

[…] le degré de connaissance des risques du tabagisme variait considérablement chez les fumeurs des quatre pays. Les fumeurs qui prenaient connaissance des mises en garde étaient bien plus susceptibles d’accepter que le tabagisme pose des risques pour la santé, notamment des risques de cancer du poumon et de maladies cardiaques. Dans tous les cas où les politiques d’étiquetage variaient entre les pays, les fumeurs vivant dans des pays où le gouvernement rendait obligatoires les mises en garde avaient de meilleures connaissances en matière de santé.

Par exemple, au Canada, où les emballages comprennent des mises en garde sur certains risques pour la santé, « les fumeurs étaient 2,68 fois plus susceptibles de convenir » que le tabagisme comporte des risques pour la santé comparativement aux fumeurs des trois autres pays.

Selon les résultats de l’étude, les mises en garde sur la santé « explicites, de grande taille et très détaillées communiquent plus efficacement les risques pour la santé qui sont associés au tabagisme ».

Nous constatons que les étiquettes de mise en garde sur les risques pour la santé sont efficaces lorsqu’il s’agit d’informer le consommateur des risques. Cependant, il faut maintenant se demander si cette information entraîne un changement de comportement, en l’occurrence une baisse de la consommation.

Au Canada, dans les années 2000, environ 28 % des Canadiens de plus de 15 ans fumaient régulièrement. Les plus récentes statistiques sur la prévalence du tabagisme au Canada indiquent que ce pourcentage est aujourd’hui inférieur à 12 %.

Bien sûr, la baisse du tabagisme au Canada ne peut être attribuée uniquement aux étiquettes de mise en garde explicites et obligatoires sur les paquets de tabac. Il y a eu, comme vous le savez, de nombreuses formes de publicité au sujet des méfaits du tabagisme. Les étiquettes de mise en garde contre les dangers pour la santé ne sont qu’un des nombreux outils permettant de freiner le comportement des consommateurs. Il a été démontré que, lorsqu’elles sont utilisées conjointement avec d’autres politiques et mesures, elles constituent une stratégie très efficace.

Dans le cas de la consommation d’alcool, les preuves montrent que plus la consommation d’alcool est importante, plus le risque de certains cancers est élevé. Les Canadiens doivent en être conscients; cependant, nous savons qu’il n’est pas dans l’intérêt financier des producteurs de boissons alcoolisées d’ajouter volontairement des étiquettes de mise en garde sur leurs produits.

Le but des étiquettes de mise en garde est de réduire la consommation, ce qui diminuerait la demande de leurs produits; c’est pourquoi, comme l’a dit le sénateur Brazeau dans son discours, « il incombe au Parlement d’intervenir ».

Honorables sénateurs, je tiens à remercier une fois de plus le sénateur Brazeau d’avoir présenté le projet de loi au Sénat. J’appuie entièrement l’esprit du projet de loi. Il a été démontré que les étiquettes de mise en garde sur les risques pour la santé apposées sur d’autres produits ont eu un effet positif sur le comportement des consommateurs. Pourquoi les boissons alcoolisées devraient-elles être exemptées de ce traitement? Il est temps qu’elles soient assujetties aux mêmes règles que les autres produits potentiellement dangereux.

Honorables sénateurs, j’espère que nous pourrons renvoyer rapidement le projet de loi S-254 au comité afin qu’il soit étudié. Merci.

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