L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole pour appuyer le projet de loi S-244 de la sénatrice Bellemare, qui prévoit la création du Conseil de l’assurance-emploi. Selon moi, les dispositions judicieuses que comprend le projet de loi permettront de réformer le régime d’assurance-emploi du Canada. Ce projet de loi permettra de rendre le filet social des travailleurs canadiens plus résilient, plus responsable, plus pratique et mieux adaptable.
Le régime d’assurance-emploi du Canada a été créé en 1940. Le gouvernement fédéral en était l’un des contributeurs, avec les employeurs et les syndicats. En 1990, toutefois, la contribution financière du gouvernement fédéral a été supprimée parce que le fonds est devenu financièrement autonome, c’est-à-dire que son financement pouvait être entièrement réparti entre les employeurs et les employés. Ce régime est encore administré par Emploi et Développement social Canada. Je le rappelle pour qu’on comprenne bien que les entreprises et les employés n’ont à peu près jamais eu leur mot à dire sur les modalités du régime d’assurance-emploi.
La pandémie de COVID-19 a braqué les projecteurs sur les points faibles du filet social et des mécanismes de prestation des services, même s’il faut admettre qu’il s’agissait de circonstances inédites. Le régime d’assurance-emploi du Canada figure parmi les éléments du filet social qui n’a pas su répondre aux attentes. Le système n’avait pas ce qu’il fallait pour réagir à la baisse soudaine de la participation au marché du travail causée par la pandémie. Tandis que le Canada tentait tant bien que mal de s’adapter, le régime d’assurance-emploi peinait à verser leurs prestations à ceux qui en avaient le plus besoin. Le gouvernement fédéral a dû intervenir et voir aux besoins financiers les plus pressants des Canadiens en créant la Prestation canadienne d’urgence, qui était de nature temporaire et qui offrait du soutien financier aux salariés et aux travailleurs autonomes directement touchés par la COVID-19. Les prestataires avaient droit à 2 000 $ étalés sur 4 semaines, soit 500 $ par semaine.
Cette prestation a aidé, mais elle n’a pas permis de régler les problèmes de l’assurance-emploi. La pandémie a peut-être été la plus récente preuve que le système est incapable de voir aux besoins de ceux qui en ont le plus besoin, mais en réalité, cela fait déjà des dizaines d’années qu’il est coupé de la réalité du marché du travail. Dans un billet publié dans l’édition du 25 mars du Toronto Star, la sénatrice Bellemare affirmait que la Prestation canadienne d’urgence était nécessaire, car elle permettait de réagir à une crise sans précédent, mais que le simple fait que le gouvernement ait dû se tourner vers ce genre de solution faisait ressortir on ne peut mieux les problèmes et les manquements qui minent depuis longtemps le régime d’assurance-emploi.
De nombreuses études et rapports ont été rédigés sur le sujet, notamment le rapport de la Chambre des communes intitulé Modernisation du régime d’assurance-emploi, publié en 2021. Voici certains problèmes dont il est fait état dans le rapport : critères d’admissibilité inadéquats excluant de nombreux travailleurs; longs délais d’attente pour recevoir des prestations; manque de soutien aux travailleurs ayant un régime de travail non traditionnel, notamment dans l’économie des petits boulots; programmes de formation inadéquats ne donnant peut-être pas aux travailleurs les compétences nécessaires pour évoluer dans les industries émergentes; manque de souplesse au chapitre des prestations de maternité ou des prestations parentales; insuffisance de soutien aux aidants naturels. Le rapport conclut que le programme :
[…] n’est plus adapté à la réalité du marché du travail actuel et n’a pas la souplesse nécessaire pour s’adapter aux perturbations soudaines qui touchent le marché du travail, comme celles découlant de la pandémie de COVID-19.
Pour assurer la résilience à long terme de l’économie, il faut un régime d’assurance-emploi plus souple et mieux adapté pour répondre aux besoins des travailleurs et des employeurs canadiens, où qu’ils soient au pays et quel que soit le secteur dans lequel ils évoluent. Le régime d’assurance-emploi doit s’adapter à l’évolution des besoins et à la demande grandissante en nouvelles compétences et formations. Un régime d’assurance-emploi souple et fonctionnel sera certainement un élément crucial de la préparation du Canada à de futures crises qui risquent de perturber l’activité économique. Un tel régime pourrait offrir une stabilité financière aux travailleurs qui perdent leur emploi à cause d’une crise ou à cause de l’automatisation et du remplacement des travailleurs par l’intelligence artificielle dans des emplois répétitifs. Un régime d’assurance-emploi renouvelé pourrait ou devrait également favoriser la relance fiscale en continuant de stimuler l’économie et de soutenir la cohésion sociale en réduisant les répercussions sociales et économiques d’une crise et en offrant du soutien aux groupes vulnérable comme les travailleurs à faible revenu, les femmes et les communautés marginalisées.
Le gouvernement fédéral, qui approuve apparemment cet argument, a récemment terminé de vastes consultations visant à moderniser l’assurance-emploi pour la période suivant la pandémie. Cependant, la sénatrice Bellemare est convaincue, comme moi et beaucoup d’autres, que la création d’un régime résilient et adaptable nécessite des réformes et de nouvelles solutions qui s’appuient sur un dialogue continu où il y a un échange d’idées et d’informations entre le gouvernement, les employeurs et les employés. La principale différence entre les consultations menées par le gouvernement et le dialogue social continu est que la consultation est généralement une activité temporaire qui vise à recueillir des renseignements dans un but particulier, contrairement au dialogue social continu, qui est un processus de consultation continu qui vise à établir des relations et à promouvoir la compréhension mutuelle, ce qui conduit à l’établissement de la confiance et à la promotion de la transparence.
Un dialogue social continu représente le meilleur moyen de favoriser une collaboration à long terme entre les parties prenantes et les décideurs politiques. Il comprend des réunions régulières, des consultations, des négociations et d’autres formes de participation afin de garantir que les politiques tiennent compte des besoins et des intérêts de toutes les parties prenantes dans des économies régionales dynamiques et diversifiées. Dans le cas de la réforme de l’assurance-emploi, un dialogue social continu est essentiel parce qu’il nous permet d’adopter une approche globale de la question. Nous pouvons faire participer toutes les parties prenantes à ces discussions, écouter leurs préoccupations et trouver des solutions pratiques, efficaces et durables. En intégrant les employeurs aux discussions et en trouvant des façons d’offrir davantage de formation et de mieux favoriser la diversité de la main-d’œuvre, nous pourrions par exemple faire en sorte que les travailleurs aient moins besoin de l’assurance-emploi.
Quant aux syndicats, leur présence permettrait de trouver des moyens de faciliter l’accès à la formation et aux études, ce qui aiderait les travailleurs à trouver plus rapidement un nouvel emploi, en plus de subvenir aux besoins financiers de leur famille et de contribuer à l’économie, à l’assiette fiscale et à la prospérité collective des Canadiens.
De plus, qui dit dialogue social soutenu dit politiques publiques justes, inclusives et efficaces. Quand toutes les parties intéressées estiment qu’elles ont été entendues et que leurs besoins ont été pris en compte, elles sont plus susceptibles d’appuyer les réformes et de contribuer à leur mise en œuvre.
Le projet de loi de la sénatrice Bellemare vise à corriger le déséquilibre qui existe entre les employeurs, les employés et le régime d’assurance-emploi. Le projet de loi considère le système de manière holistique et reconnaît que, pour que la réforme permette réellement de relever les défis auxquels le Canada est confronté, le gouvernement doit traiter les employeurs et les travailleurs comme de véritables partenaires pour la recherche et la mise en œuvre de solutions. Le projet de loi propose la création d’un conseil qui servirait d’organisme consultatif à la Commission de l’assurance-emploi du Canada, la CAEC, laquelle supervise le programme d’assurance-emploi et élabore ses politiques. Ce nouveau conseil serait formé d’un nombre égal de représentants des travailleurs et des employeurs. Il serait coprésidé par le Commissaire des travailleurs et travailleuses et par le Commissaire des employeurs, qui siègent tous deux à la CAEC. Il ne modifierait pas la composition ni la structure de la CAEC, mais, à titre de conseil consultatif, il pourrait formuler des avis et des recommandations.
La création du conseil vise à offrir aux organisations syndicales et aux employeurs une structure officielle pour fournir leur rétroaction à la CAEC sur des questions liées à l’assurance-emploi. À l’heure actuelle, beaucoup de groupes syndicaux et d’organisations représentant des employeurs ont l’impression d’avoir trop peu d’occasions de fournir à la CAEC une rétroaction essentielle, ce qui explique pourquoi le nouveau conseil proposé est nécessaire.
Ce projet de loi est appuyé par des groupes syndicaux, dont Unifor, le Congrès du travail du Canada et les Syndicats des métiers de la construction du Canada. Du côté des employeurs, il est appuyé notamment par la Chambre de commerce du Canada, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et les Manufacturiers et Exportateurs du Canada.
Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à résoudre l’un des principaux problèmes du régime d’assurance-emploi : il ne fonctionne pas aussi bien qu’il le devrait pour les employeurs et pour les travailleurs. La poursuite du dialogue social peut nous aider à élaborer un régime d’assurance-emploi plus souple, plus responsable et plus viable, qui serait capable de répondre aux besoins de tous les Canadiens aptes au travail. Il pourrait également contribuer à créer un consensus et un climat de confiance entre les divers intervenants, en plus de garantir que les réformes soient mises en œuvre et adoptées avec succès.
La création d’un conseil comme celui-ci est une mesure positive qui profitera à l’ensemble du régime. C’est pourquoi j’appuie le projet de loi S-244 et je demande respectueusement à tous mes collègues de soutenir cette initiative en vue de son renvoi rapide au comité. Merci. Hiy kitatamîhin.