Deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Par: L'hon. Pierre Dalphond

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L’honorable Pierre J. Dalphond : Je n’avais pas prévu de faire un long discours. Je m’attarderai sur trois points pour participer au débat et inscrire ma position.

Sénatrice McPhedran, je vous remercie d’avoir présenté ce projet de loi. Ce n’est pas la première fois : vous l’avez déjà fait à quelques reprises. Le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis est le projet de loi S-201, qui a été présenté le 24 novembre 2021.

Je suis d’accord pour dire que les projets de loi doivent, à un moment donné, faire l’objet d’un vote. Aujourd’hui, j’expliquerai pourquoi, quand ce moment viendra, nous devrions voter contre cette mesure législative.

Je suis aussi d’accord pour dire que les projets de loi émanant de la Chambre des communes devraient également être mis aux voix, surtout parce qu’ils ont fait l’objet de trois lectures à l’autre endroit et qu’ils méritent d’être examinés par nous, les parlementaires non élus, car ils proviennent des parlementaires élus. Maintenant, comme vous le savez peut-être, des projets de loi semblables ont été présentés à la Chambre des communes neuf fois jusqu’à présent. Aucun n’a abouti.

En fait, la dernière version était le projet de loi C-210. Cette mesure législative a été rejetée par la Chambre des communes le 28 septembre 2022. En tout, 77 députés ont voté en faveur du projet de loi, et 246 ont voté contre. Le résultat n’était pas très serré.

Dans un discours précédent, le sénateur Tannas a demandé si c’était une bonne utilisation du temps du Parlement de débattre de ce projet de loi, de le renvoyer au comité, puis d’en faire la troisième lecture et de le renvoyer à la Chambre des communes, alors qu’il propose quelque chose que cette dernière a déjà refusé de faire, une initiative qu’elle a rejetée clairement par 246 voix contre 77.

Le sénateur Tannas a posé une très bonne question, mais je veux aller plus loin, parce que je suis d’accord avec lui au sujet de la réponse qu’il a donnée à ce moment-là : non, ce ne serait pas une bonne utilisation du temps du Parlement.

Je vais passer aux questions les plus fondamentales qui se posent ici : quel est l’âge de la sagesse? Quel est l’âge approprié pour voter?

C’est une question importante. Quel est l’âge de la sagesse, de la raison, de la compréhension et du raisonnement? Si vous regardez les enseignements de la Bible, il y a beaucoup de variations.

Prenons l’exemple de nos systèmes de santé. Au Québec, une personne de 14 ans peut consulter un médecin et peut subir une intervention chirurgicale, parce que son consentement est considéré comme étant parfaitement valide par une personne qui comprend sa situation et qui est en mesure de décider des traitements, y compris ceux qui, s’ils sont refusés, pourraient conduire à la mort.

Je ne sais pas quel est l’âge de la raison, l’âge approprié, mais c’est un choix qu’une société doit faire. Nous avons fixé l’âge à 14 ans pour les soins de santé. On dit que c’est 18 ans pour le droit de vote. Aux États-Unis, pour prendre un verre d’alcool, il faut avoir 21 ans, mais on peut voter à 14 ans et porter une arme à feu à 16 ans.

L’âge de la raison est parfois fixé en fonction de l’activité que l’on entend poursuivre. Je ne suis pas certain qu’on laisserait une personne de 16 ans opérer de la machinerie lourde sur un chantier de construction. Finalement, beaucoup de questions peuvent se poser et beaucoup d’explications peuvent être données pour fixer une limite d’âge.

Cela dit, la question est à la fois philosophique, pratique et, surtout, politique, ce qui m’amène à mon troisième point. Une question aussi politique peut-elle relever du Sénat, une Chambre non élue? À mon avis, il s’agit d’une question fondamentale.

Au Canada, la participation au système électoral se fait par l’entremise de partis politiques. Ce sont les partis politiques qui sont élus avec quelques députés indépendants, mais essentiellement, notre système démocratique est axé sur la participation des électeurs qui votent pour des partis politiques, lesquels proposent des options politiques parmi lesquelles les électeurs peuvent choisir.

Il appartient aux électeurs de voter pour le parti qui, selon eux, a le programme électoral avec lequel ils sont le plus à l’aise. Tous les partis à l’autre endroit — en fait, au moins 240 députés, donc probablement trois partis — estiment qu’abaisser l’âge du vote à 16 ans n’est pas vraiment une bonne idée, et ils ne sont pas prêts à présenter cette mesure aux Canadiens. C’est une considération importante pour nous.

Il ne nous revient pas de décider ce que les partis politiques doivent faire. Il revient aux partis politiques de prendre leurs propres décisions. Étant donné qu’ils représentent les Canadiens, c’est à eux de sonder les Canadiens pour déterminer ce que veulent ces derniers. Nous sommes une Chambre non élue, et je pense qu’il serait très délicat que des personnes qui ne sont pas élues décident ce qui est bon pour les élus et décident qui devraient être les élus.

Dans une démocratie, ce devrait être le contraire. Il appartient aux élus de décider qui sont les non-élus et la façon de les choisir. Pour moi, cette question relève entièrement et uniquement de la Chambre des communes. C’est à l’autre endroit de lancer ce type de réforme importante. Je ne dis pas que c’est une mauvaise réforme. Je dis simplement que nous sommes la mauvaise entité pour nous prononcer sur cette question. Pour faire campagne sur cette question, il faut se faire élire et en faire la promotion, ou travailler dans un parti politique et essayer de convaincre le parti de mettre cette question de l’avant. Cependant, en ce qui nous concerne — les membres non élus, les sages, le conseil des aînés —, je préférerais laisser à ceux qui présentent leur candidature et se font élire le choix de décider ce qui est bon pour la démocratie.

C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter contre le projet de loi lorsqu’il sera mis aux voix. Nous ne devrions pas non plus hésiter — non pas parce que nous n’avons pas de respect pour la marraine du projet de loi — à dire : « renvoyons-le en comité; nous l’étudierons. » Ensuite, si nous laissons le comité l’étudier, il dira : « cela laisse à désirer, mais puisque c’est une bonne personne, nous allons produire un rapport et le faire passer à l’étape de la troisième lecture. » Nous ne devrions pas agir de la sorte. Nous venons ici pour remplir une fonction importante. Il s’agit d’examiner les projets de loi et d’adopter ceux qui valent la peine d’être adoptés. En ce qui concerne les autres projets de loi qui ne fonctionnent pas, nous ne devrions pas les adopter. Pour ma part, je m’opposerai au projet de loi quand aura lieu le vote. Ce n’est pas une mesure pour le Sénat. Nous devrions mettre un terme à cette histoire et passer à un autre projet de loi. Merci.

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