Deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription)

Par: L'hon. Michèle Audette

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https://youtu.be/EpWaciPSF7s

L’honorable Michèle Audette propose que le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), soit lu pour la deuxième fois.

[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu-aimun.]

— Honorables sénateurs, le peuple anishinabe m’accueille depuis 2021. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à ses membres la permission de caresser leur territoire en tant que sénatrice jusqu’à mes 75 ans, si la santé me le permet.

C’est aussi un territoire où se côtoient plusieurs cultures. Il est rempli d’histoires, de traditions et de récits, et il a été le témoin de nombreux efforts de mobilisation. Je remercie le peuple anishinabe.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous parler du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription).

C’est la première fois qu’un projet de loi vient corriger la Loi sur les Indiens. Il est marrainé par une ministre provenant de la Première Nation crie et par une sénatrice innue du Québec. Nous écrivons donc une page d’histoire, elle et moi, et j’espère que nous collaborerons pendant longtemps. J’espère que mes filles entendront parler de ce bon coup.

Je vais essayer de vous laisser du temps pour poser des questions; si je n’y arrive pas, je m’en excuse à l’avance. J’espère que vous comprendrez également que je n’aurai pas réponse à toutes vos questions. J’espère que les ministres, les ministères et le Cabinet écoutent attentivement nos échanges.

Bien entendu, je me présente devant vous avec beaucoup de détermination, parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un projet de loi ou d’un texte; c’est aussi le début d’une réponse — une réponse à des décennies d’injustices que des gens, des humains, des hommes et des femmes ont vécues et continuent de vivre.

D’ailleurs, Kathryn est parmi nous aujourd’hui. Je la remercie.

Ce projet de loi vise à accorder de nouveaux droits à l’inscription au registre des Indiens en réponse à la contestation de certaines dispositions d’une loi archaïque qui ont été jugées discriminatoires en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés dans le contexte de l’affaire Nicholas c. Canada.

Ces personnes touchées par l’émancipation ont intenté une poursuite contre le Canada devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La poursuite civile Nicholas c. Canada a été déposée en juin 2021. Les plaignants et les plaignantes, dont plusieurs sont des descendants de personnes qui ont été émancipées par la politique coloniale, attendent patiemment que justice soit rendue.

Je dis ceci à ces personnes : je vous entends.

Je dis à Kathryn et à toute sa famille que je les entends et que je comprends leur combat. Je le comprends.

Chers collègues, à vous qui siégez ici, dans cette Chambre que je trouve importante, je dois dire que, dans cette affaire, le procureur général du Canada a admis il y a quelques jours que la loi contestée enfreint de manière injustifiée le paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés.

C’est rare que l’on entend dire cela. Une telle concession est exceptionnelle, à mon avis.

Le juge examine actuellement la possibilité de suspendre la déclaration d’invalidité, ce qui donnerait au Parlement le temps d’adopter le projet de loi S-2. Cela signifie que le tribunal attend de voir si nous, en tant que législateurs, allons agir.

Vous comprendrez pourquoi l’adoption de ce projet de loi n’est pas seulement symbolique, mais nécessaire. C’est important d’agir maintenant, et il ne faudrait pas manquer cette chance ou cette occasion d’harmoniser les lois avec la justice, l’égalité et la Charte. Nous devons faire en sorte que la loi ne sépare plus les familles ni les prive de leur droit à leur identité légitime. Il faut leur montrer, à ces personnes qui ont attendu longtemps, que leur patience et leur persévérance ont valu la peine.

Le projet de loi S-2, c’est aussi l’occasion de corriger cette douloureuse injustice qui a été mise en lumière par la poursuite Nicholas.

À qui s’adresse ce projet de loi, et pourquoi est-il présenté maintenant?

Je vais vous expliquer pourquoi le projet de loi devrait être adopté. Il comporte une partie ayant trait à l’émancipation, qui est très importante pour les féministes. Pour ma mère innue, tout cela a fait très mal et nous en subissons encore les conséquences.

La partie traitant de l’émancipation garantirait que les personnes qui ont des antécédents familiaux en matière d’émancipation soient traitées de la même manière que ceux et celles qui n’en ont pas, en vertu de la Loi sur les Indiens.

Pour la partie ayant trait à la désinscription individuelle sur demande, les personnes qui souhaitent que leur nom soit retiré du registre des Indiens pourraient demander leur désinscription.

Qu’est-ce que cela veut dire? On se bat pour faire partie du registre ou y être inscrit de nouveau. Si je tombe amoureuse d’une personne qui est membre du peuple navajo, aux États-Unis, je ne peux pas être citoyenne dans son gouvernement, parce qu’on n’accepte pas le « double membership ». Je vais me servir du jargon de la Loi sur les Indiens.

Actuellement, je ne suis pas en mesure de me désinscrire de la Loi sur les Indiens et de faire ma demande en vue de vivre là-bas avec ma famille. Ce projet de loi pourrait assurer cette désinscription et permettrait d’être reconnu dans une autre nation. Si l’on se sépare, à la suite d’un décès ou pour une autre raison, et si je reviens sur mon territoire, je serai automatiquement réinscrite.

Pour la partie qui concerne la perte de l’appartenance à la bande natale, il s’agit d’une loi très paternaliste. J’utiliserai encore une fois le jargon de la Loi sur les Indiens. Une femme qui épousait un Indien d’une autre bande, d’une autre réserve ou d’une autre communauté changeait automatiquement de statut sans son consentement. Elle était inscrite dans la bande du mari. Aujourd’hui, cela veut dire que c’est aussi le cas pour tous les enfants et les descendants. Malgré un décès, un divorce ou une séparation, la femme devait tout de même rester dans cette bande.

Enfin, cette partie pourrait permettre aux femmes, aux enfants et aux descendants, s’ils le souhaitent, bien sûr, de retourner à leur bande natale.

Bien sûr, il y a une autre partie qui a trait à la suppression de termes obsolètes et offensants et qui supprimerait des références comme celle des « Indiens mentalement incapables ».

Bien évidemment, je ne peux pas rester silencieuse.

Je ne peux pas dire que le projet de loi est parfait. C’est ce que j’aimerais dire, d’abord à moi-même, mais aussi à ma mère et à beaucoup de personnes qui m’entourent.

Les femmes autochtones, les femmes des Premières Nations, se battent depuis trop longtemps. Elles s’adressent aux tribunaux et contestent les décisions judiciaires, mais sans argent ni soutien. Elles doivent même se battre contre leurs frères, leur père ou des membres de leur propre nation. Le plus triste, c’est que la situation est devenue très difficile quand le Programme de contestation judiciaire a pris fin. Je vis avec cette frustration en permanence.

Il faut toujours attendre une décision judiciaire pour que des changements soient apportés à la Loi sur les Indiens. Pourquoi?

J’aimerais vous parler d’une section que la juge Masse a incluse dans sa conclusion dans la décision Descheneaux c. Canada. Il s’agit du paragraphe 235 :

Il n’exempte pas pour autant le législateur de prendre les mesures appropriées afin d’identifier ou de régler toutes les autres situations discriminatoires pouvant découler de la problématique identifiée, fondées sur le sexe ou sur d’autres motifs prohibés, et ce, en conformité avec son obligation constitutionnelle de s’assurer que les lois respectent les droits consacrés à la Charte canadienne.

Cette décision date de 2015, pas de 1860.

Je viens d’un peuple nomade et millénaire innu. Dans nos protocoles, nos lois, nos règles, nos codes et nos façons d’être, il y a eu une époque où, pour les hommes et les femmes, les rôles étaient clairs. Nos relations avec le territoire, les protocoles ou les lois étaient sacrées. Toutefois, du jour au lendemain, une loi s’est imposée sans consentement éclairé — on ne m’a pas demandé mon avis ni celui de mon arrière-grand-mère —, soit l’Acte pour encourager la civilisation graduelle des tribus sauvages de 1857. On croit beaucoup aux traditions ici. Cette loi a fait mal par rapport à une tradition coloniale. Rien n’était caché, comme on peut le constater en voyant le nom de la loi.

Plus tard, il y a eu aussi un objectif très ouvert d’assimilation. Je vais citer un ancien haut fonctionnaire. En 1920, Duncan Campbell Scott, qui travaillait pour les Affaires indiennes, affirmait clairement ce qui suit :

Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Autochtone au Canada qui n’ait pas été assimilé dans le corps politique, qu’il n’y ait plus de question autochtone ni de ministère des Affaires indiennes. Voilà l’objectif du projet de loi.

Vous comprendrez que nous faisons face à des racines coloniales qui sont encore présentes dans les politiques et dans les lois.

Le projet de loi S-2 poursuit sur la lancée du travail amorcé par beaucoup de personnes au moyen des projets de loi C-31, C-3 et S-2.

Pour celles et ceux d’entre nous qui se souviennent du rapatriement de la Constitution, pour les femmes, que l’on appelait à l’époque des « femmes indiennes », c’était devenu un outil important, parce qu’on parlait du droit à l’égalité dans la Charte. C’est ce qui a poussé le gouvernement fédéral à présenter le projet de loi C-31, qui a permis à ma mère et à des milliers de femmes de retrouver leur statut de femmes indiennes, qu’elles avaient perdu parce qu’elles avaient épousé un Québécois, un natif de Thunder Bay ou encore un « non-Indien ».

Jusqu’en 1985, on a également accueilli des Canadiennes et des Québécoises, on leur a donné un statut de femme indienne et, une fois cette loi adoptée, on ne leur a pas dit : « Désolé, mais vous devez partir »; on a plutôt considéré cela comme des droits acquis. Cela se passe encore en 2025. Cela résulte en une manière complexe de voir les choses, mais on peut le comprendre, car on le vit, puisqu’il existe toujours un « statut à deux niveaux » en raison des paragraphes 6(1) et 6(2) du projet de loi C-31 de 1985.

Cela n’existait pas avant 1985. De plus, avant 1985, si j’accouchais d’un enfant, on ne me demandait pas qui était le père. Toutefois, depuis 1985, on me demande d’identifier le père. Que se passe-t-il s’il s’agit d’un cas de viol ou d’inceste, si le père est décédé, si je suis victime de violence ou si je ne veux tout simplement pas donner son nom? Ottawa présumera que le père est un Indien non inscrit. Encore là, si je suis visée par l’article 6(2) — la deuxième génération —, mon bébé ne sera pas reconnu.

Comme vous le savez, je viens de Schefferville, dans le Nord, où il faut se rendre en train ou en avion. La collectivité aura le droit de refuser des services à mes enfants. Cependant, que se passerait-il ici si une femme se rendait à l’hôpital et que la personne qui l’accueille lui disait : « En passant, avant de vous fournir des services, je dois savoir qui est le père de vos enfants. »

Je ne pense pas que cela passerait, alors que pour nous, c’est encore le cas.

Des histoires, des blessures et des cicatrices comme celles-là, on doit les porter tous les jours. On les porte aussi parce qu’à cette époque, le gouvernement fédéral a négocié derrière les murs avec les chefs, qui étaient majoritairement des hommes, pour dire : « Nous n’avons pas le choix, nous devons réinscrire ces femmes et leurs enfants, mais nous allons vous donner la possibilité de créer votre propre code d’appartenance », et ce, dans l’espoir qu’il soit restrictif, entendons-nous. « C’est quand même le ministère qui va approuver tout cela. » On vient alors de créer une autre forme de discrimination : « Qui est Indien et qui ne l’est pas? On donne un certain pouvoir, mais on le restreint à une bande, sinon on les inscrit dans le registre à Ottawa. »

C’est ce qui a mené Sharon McIvor, une femme des Premières Nations de la Colombie-Britannique, à se mobiliser. Ella a contesté certaines dispositions de la Loi sur les Indiens en les comparant à celles qui avaient trait aux hommes autochtones. En 2007, la Cour suprême de la Colombie-Britannique lui a donné raison en confirmant qu’il s’agissait d’une discrimination basée sur le sexe.

Pourtant, en 1985, on nous disait que la question avait été réglée. Dans cette même affaire, une autre partie a décidé de contester la décision. Elle s’est alors retrouvée devant la Cour d’appel en 2009. Je fais une petite parenthèse : à cette époque, j’avais déjà cinq enfants. Pour en revenir à cette affaire devant les tribunaux, la Cour d’appel a rendu une décision plus restreinte, comme si la discrimination avait commencé en 1951, alors que ce n’était pas du tout le cas. Plus tard, en 2011, on a présenté le projet de loi C-3, au moyen duquel le Canada devait répondre à cette décision. À partir de là, les débats sur le projet de loi C-3 ont commencé et, par chance, cette loi a fini par être adoptée.

Certaines et certains d’entre vous connaissent un peu mon style et savent que lorsque j’étais de nature plus militante, quand j’étais plus jeune, j’ai appelé à Ottawa après avoir lu le communiqué de presse et j’ai posé une question.

« Puis-je parler au père en fiducie de tous les Indiens? »

Par la suite, j’ai téléphoné au ministère des Affaires autochtones et du Nord du Canada, qui s’appelait autrefois le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. La personne a demandé : « Qui? »

J’ai dit : « Je suis une Indienne inscrite. Puis-je parler au père en fiducie de tous les Indiens? »

Je voulais leur faire comprendre qu’il y avait une décision de la cour qui était importante pour des centaines de femmes, de filles et d’enfants comme moi, et je voulais savoir ce que tout cela allait changer dans nos vies. Ma liste de questions était longue, parce que beaucoup de femmes participaient au débat. Malgré cela, le retour d’appel était trop simple : « Non, non, cela ne va pas régler la question. Non, pas le paragraphe 6(2). » La plupart du temps, on m’a dit « non ». J’ai répondu : « Parfait, j’arrive. Je vais mettre mes chaussures et me rendre à Ottawa en marchant pour dénoncer la Loi sur les Indiens. »

Ainsi, le 4 mai 2010, je suis partie de Wendake en compagnie d’autres femmes; nous avons marché pour aller écouter les débats sur ce projet de loi à l’autre endroit au mois de juin. Les pressions étaient fortes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parlement. Je veux d’ailleurs remercier l’honorable Chuck Strahl, ministre à l’époque, qui est assurément bien entouré aujourd’hui de ses ancêtres et des gens qu’il aime. Cela n’a pas été facile. Il a répondu tous les jours à nos appels et à nos demandes pendant cette grande marche de mobilisation. Heureusement, le projet de loi a été adopté, mais encore une fois, il l’a été de façon trop restreinte, même si l’on avait la possibilité de faire de grands changements.

Le projet de loi S-3 a été présenté en 2019. On se souviendra du travail de notre collègue l’honorable Lillian Eva Dyck, qui a travaillé très fort pour défendre ce projet de loi et le pousser le plus loin possible. Encore une fois, cela s’est fait de manière restreinte. En même temps, en 2025, la juge dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur Général) a elle-même conclu que les articles de la Loi sur les Indiens étaient inconstitutionnels. Ils violaient l’article 15 de la Charte canadienne, ils perpétuaient des distinctions sexistes entre les descendants d’hommes et de femmes ayant perdu leur statut et ils alimentaient une discrimination fondée sur la lignée familiale. Merci, monsieur Descheneaux, monsieur Dubé et madame Yantha, d’avoir amené le dossier devant les tribunaux. On ne devrait pourtant pas devoir se rendre jusque-là.

Puis, en 2020, le rapport final au Parlement sur l’examen du projet de loi S-3 a reconnu que des iniquités résiduelles subsistaient dans la Loi sur les Indiens. Je remercie mes collègues du Comité des peuples autochtones, qui ont également présenté dans ce rapport des conclusions selon lesquelles des injustices relatives à l’inscription persistaient et continuaient de porter préjudice aux femmes des Premières Nations et à leurs descendants.

En juin 2025, 160 ans plus tard, je suis ici devant vous dans l’espoir que cette longue discrimination qui nous a été imposée soit enfin réglée. On nous dit souvent que nous sommes égaux, mais dans les faits, nos mères, nos sœurs et leurs enfants continuent d’être traités différemment. Cela, pour moi, n’est pas la définition de l’égalité; c’est plutôt la définition d’une discrimination fondée sur le sexe. Seulement parce que je suis une femme innue, en vertu de la loi, on dira, conformément au paragraphe 6(1), que je suis une Indienne, mais je continue d’être discriminée. Nous le sommes toutes.

Les conséquences sur les statuts sont donc directes, mais cela a été le premier choc que nous avons vécu, celui de nous couper de notre culture, de notre identité culturelle et de notre relation avec le territoire, de pouvoir entendre notre langue ou de la parler, comme l’innu-aimun, mais aussi de participer à la vie démocratique de notre nation, de notre communauté. Je n’ai pourtant pas ce droit, nous n’avons pas ce droit. Chaque fois que le gouvernement prend connaissance d’une décision, il fait tout au cas par cas. J’entends dire cela depuis 30 ans.

Comme vous le savez, il y a beaucoup de cas, alors nous allons attendre. Nous verrons bien.

Par conséquent, tous les outils juridiques en place pourraient faire en sorte de vraiment changer les choses. Je suis d’une culture où la parole est une vérité et où les récits ont force de loi. Pour moi, ici aussi, les récits sont importants.

Le récit de Kathryn Fournier, qui est parmi nous aujourd’hui, est aussi influencé par ce projet de loi. Son grand-père Maurice Sanderson a fréquenté lui aussi un pensionnat pour Autochtones. En raison des dispositions de la Loi sur les Indiens, il ne pouvait pas acheter de terrain ou de maison et il n’avait pas le droit de vote. Il fallait qu’il soit émancipé. En 1922, après avoir subi des sévices et des agressions dans les pensionnats autochtones, son grand-père a fait un choix étrange et difficile. Il a décidé d’émanciper sa femme et ses enfants. J’ignore si cela s’est fait avec ou sans leur consentement. C’est le genre d’histoire que l’on entend.

Après la présentation du projet de loi C-85, Kathryn et sa mère ont tenté de se réinscrire. Elles ont constaté qu’il y avait encore des injustices. Sa mère, Edith, qui est dans le monde des esprits aujourd’hui, s’était jointe à la contestation fondée sur la Charte avec l’arrêt Nicholas en tant que demanderesse. Aujourd’hui, sa fille poursuit ses efforts. Cela explique sa motivation de continuer et de nourrir son espoir, non seulement pour elle, mais aussi pour ses enfants et ses petits-enfants. Je le ferais aussi pour ma mère. Pouvoir dire qui je suis, afin que mes enfants puissent dire qu’ils en sont fiers, c’est important pour mon identité. Ce n’est pas une simple modification qui me permettra de m’inscrire au sein de ma bande ou de me réapproprier le droit à l’inscription, mais cela me permettra de renouer avec mon patrimoine, mon histoire, ma langue, ma culture et mon identité.

C’est la même histoire que celle d’une autre demanderesse, Nadia S’Ahn N’Ahn Guu’as, de la Colombie-Britannique, et de son jeune frère, qui se sont vu refuser l’inscription à plusieurs reprises, sans trop comprendre pourquoi. Pourtant, tout récemment, la nation haïda a adopté une loi afin de reconnaître Nadia et sa fille. Même le village d’Old Massett, qui est assujetti à la Loi sur les Indiens, reconnaît Nadia. Pourquoi ne peut-on pas faire cela avec la Loi sur les Indiens? Le projet de loi S-2 pourrait permettre à Nadia et ses enfants d’être reconnus, plutôt que de recevoir une lettre du gouvernement lui disant que l’on refuse sa demande, qu’elle ne peut pas être reconnue, qu’elle n’est pas Autochtone, et cetera. Imaginez les conséquences que cette situation a eues sur elle et sur d’autres personnes dans les communautés qui nous disent qu’elles ont encore essuyé un refus. C’est difficile, mais c’est réel.

J’espère que ce projet de loi sera étudié, puis débattu en comité, pour être enfin adopté, afin que l’on puisse redonner leur dignité à toutes ces personnes. Je ne peux rester les bras croisés. La situation est urgente. Une affaire est actuellement en suspens en Colombie-Britannique. Ils attendent de connaître notre position.

Je m’engage à ce qui suit, comme je le fais toujours et comme je vais continuer de le faire : bien qu’il s’agisse d’un projet de loi en soi, ma promesse vis-à-vis de mes enfants, et comme ancienne commissaire, est de poursuivre les démarches vers l’autodétermination, pour que nos nations puissent décider qui est membre citoyen, avec des droits et responsabilités. J’ai marché pour mon fils en 2010 afin qu’il ait le choix de s’inscrire. Je lui disais : « Amun, si jamais on signe une entente d’autonomie gouvernementale, tu seras hors d’ici. Tu ne seras pas considéré. » Vous comprenez maintenant pourquoi il est important pour plusieurs familles de se retrouver inscrites dans ces registres. Elles y ont droit. Il s’agit d’un pas de plus sur ce chemin que des femmes, des hommes et des personnes aux deux esprits ont ouvert bien avant moi. Je dois continuer d’honorer cela. J’espère que vous marcherez avec nous.

Le chemin a été douloureux et il l’est encore. Il s’est fait dans la résistance, mais aussi dans la bienveillance et avec beaucoup d’amour de la part de nos familles. Nous désirons uniquement l’égalité, ni plus ni moins. Nous y avons droit. Ce que l’on corrigera avec ce projet de loi, ce sont des injustices qui n’auraient jamais dû exister. Ce projet de loi est une réparation.

À l’âge de 27 ans, je suis venue ici. Je m’étais dit qu’un jour, lorsque je serais vieille, je viendrais ici. Je voulais être sénatrice pour modifier cette loi.

C’est la première fois qu’un projet de loi est marrainé par une ministre autochtone, en l’occurrence Mandy Gull-Masty, qui est crie, avec l’aide d’une sénatrice innue. Oui, je pense que nous savons de quoi nous parlons. Nous savons aussi que ce projet de loi ne va pas assez loin, mais qu’il est urgent d’agir. Nous savons tout cela.

Nous sommes deux femmes avec des histoires différentes, mais nous sommes animées par la même soif d’équité, d’égalité et, bien sûr, la volonté de rendre à nos peuples ce qu’on leur a pris.

Il faut du courage pour se tenir debout. J’ai ce courage. Parfois, je ne me sens pas courageuse, mais je suis humaine. J’espère toutefois que nous réussirons à changer les choses ensemble. Le débat est important et nous devons entendre les préoccupations de chacun, mais je soutiens le projet de loi dans sa version actuelle. Si nous pouvons l’améliorer, j’en serai bien sûr ravie, mais il faudra en discuter.

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