L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.
L’assurance-médicaments est l’élément manquant des soins de santé dans notre pays. Lorsque l’assurance-maladie financée par l’État a été mise en place entre 1957 et 1966, elle était considérée comme la première étape. Près de 70 ans plus tard, nous attendons toujours la prochaine étape.
Ce que j’espère ajouter au débat d’aujourd’hui, c’est une perspective d’équité raciale. J’aimerais donner un aperçu de l’importance de voter en faveur de ce projet de loi comme un moyen d’apporter plus d’équité à notre système de santé.
Dans le domaine du travail social, quand je travaillais de près avec des familles de toute la Nouvelle-Écosse, j’ai toujours eu beaucoup de peine à voir des gens obligés de choisir entre payer leurs médicaments et payer les premières nécessités, comme la nourriture et le logement. Les situations les plus difficiles sont celles des familles dont les enfants, par exemple, souffrent de maladies chroniques, et qui ont du mal à gérer la situation. Avec l’augmentation rapide du coût de la vie, ces décisions difficiles sont encore plus difficiles à prendre aujourd’hui.
Notre collègue la sénatrice Simons a parlé de l’importance d’offrir des contraceptifs aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre afin d’assurer l’équité entre les genres, alors je ne répéterai pas cette information. Une autre perspective sexospécifique à prendre en considération et dont j’ai été témoin dans ma pratique du travail social est l’expérience des femmes qui quittent des situations de violence familiale. Souvent, ces femmes sortaient de ces situations et trouvaient un emploi qui leur permettait d’être indépendantes et, parfois, de joindre les deux bouts. Cependant, dès qu’elles ou leurs enfants faisaient face à une urgence médicale, elles étaient obligées de choisir entre conserver leur emploi sans avantages sociaux ou demander l’aide au revenu, qui leur offrait une couverture pour les médicaments sur ordonnance dont elles avaient besoin.
Dans ma famille, alors que nous naviguons dans le système de santé de la Nouvelle-Écosse pour nous occuper des problèmes de santé de mon mari, j’ai remarqué qu’à chaque fois qu’on lui suggère un nouveau médicament, la première question qu’on lui pose est toujours : « Avez-vous un régime d’assurance-médicaments? » J’ai vite compris qu’il s’agissait d’un code pour lui demander : « Quel médicament pouvez-vous vous permettre? » Je pense aux gens qui ne reçoivent peut-être pas le médicament le plus adapté à leur maladie, mais des traitements de qualité inférieure, ce qui a peut‑être d’autres conséquences sur leur santé et leur bien-être en général.
Pour la plupart d’entre nous, dans cette enceinte, recevoir un diagnostic n’entraînera pas de choix très difficiles, car nous ne nous interrogerons pas sur notre capacité à payer le coût associé au plan de traitement qui nous permettra de retrouver ou de gérer notre santé. Honorables collègues, je suis sûr que vous conviendrez que tous les Canadiens méritent ce privilège.
En me préparant à parler de ce projet de loi, j’ai décidé de consulter la Health Association of African Canadians, une association en Nouvelle-Écosse, au sujet de ce projet de loi afin qu’elle puisse donner son avis sur la nature essentielle de cette mesure législative pour de nombreux membres de la communauté noire. La réponse souligne qu’une approche équitable des soins de santé pour les Canadiens noirs est essentielle :
Le mandat de la Health Association of African Canadians est de favoriser une meilleure santé au sein de toute la communauté afro-canadienne. Cela inclut l’accès à des médicaments sur ordonnance et à des produits connexes abordables. Nous espérons qu’un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique permettra aux Afro‑Canadiens, qui sont touchés de façon disproportionnée par les maladies chroniques comme le diabète, d’avoir accès aux médicaments et aux produits connexes dont ils ont besoin, quel que soit leur revenu. La Health Association of African Canadians espère que l’élimination des obstacles financiers pour obtenir des médicaments sur ordonnance et des produits connexes, comme le décrit le projet de loi, nous fera progresser vers les soins de santé équitables que nous souhaitons.
Commencer par l’élargissement de la couverture pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète est très intéressant pour ceux d’entre nous qui militent pour l’accès équitable aux soins de santé pour les groupes marginalisés, y compris les femmes, les Canadiens noirs, les Autochtones et les personnes handicapées. En fait, dire que c’est intéressant est un euphémisme, car cette mesure changera la vie de nombreux Canadiens marginalisés. J’ai déjà parlé de la nécessité de mettre en place un régime national d’assurance-médicaments au Canada il y a environ 10 ans, lors d’une conférence de l’Association canadienne des centres de santé communautaire intitulée « La deuxième étape du régime d’assurance-maladie ». De nombreux Canadiens réclament une telle mesure depuis des décennies. N’est-il pas temps, honorables collègues, de donner suite à cet engagement?
Il peut être difficile de trouver des chiffres sur l’équité raciale en matière de santé parce qu’on n’a pas recueilli ce genre de données par le passé au Canada. Cependant, selon l’Agence de la santé publique du Canada, la prévalence du diabète chez les adultes de race noire est 2,1 fois plus élevée que chez les adultes de race blanche au Canada. C’est pourquoi je recommande vivement que l’étude de ce projet de loi en comité tienne compte de l’équité raciale et que l’on consulte des témoins comme la Health Association of African Canadians. Nous devons déterminer qui sont les laissés-pour-compte en matière d’assurance-médicaments et si ce projet de loi peut combler ces lacunes.
Honorables collègues, j’espère que cette perspective ancrée dans la théorie critique de la race vous incitera à réfléchir à ce qui suit : les soins de santé que nous tenons pour acquis au Canada — ces soins accessibles et universels dont nous sommes tous censés bénéficier — ne sont pas vraiment universels si certaines personnes sont encore confrontées à des choix impossibles qui touchent leur famille. Comme l’a déclaré la sénatrice Moodie pendant son discours au sujet de ce projet de loi, l’accès aux médicaments devrait être considéré comme un droit fondamental. Je voterai en faveur du projet de loi C-64, dans le but de rendre le système de santé plus équitable. Je vous encourage à en faire autant.
Merci. Asante.