Deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion)

Par: L'hon. Jane Cordy

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Maman statue, Ottawa

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par dire que je me joins à vous depuis Mi’kma’ki, la terre ancestrale du peuple mi’kmaq.

Je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui dans le cadre du débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion). Je tiens à remercier le parrain du projet de loi, le sénateur Cormier, qui nous a fait part de son expérience et a parlé avec tant d’éloquence du projet de loi C-6 la semaine dernière. Par ailleurs, quand je lui ai demandé des renseignements sur la thérapie de conversion, il m’a envoyé avec beaucoup de gentillesse un énorme paquet. Sénateur Cormier, j’ai vraiment lu tous les documents. Merci beaucoup de les avoir mis à ma disposition.

Je voudrais aussi remercier notre ancien collègue le sénateur Serge Joyal, qui a présenté le projet de loi S-260, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion), au Sénat, en avril 2019.

Je remercie également les personnes qui ont pris la parole avant moi au sujet du projet de loi C-6. Vous nous avez raconté des histoires personnelles, vous vous êtes montrés passionnés et vous nous avez appris beaucoup, et j’en remercie chacun d’entre vous. C’est quelque chose dont il peut être difficile de parler publiquement. Trop de Canadiens, victimes de la thérapie de conversion et stigmatisés par la société à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, souffrent souvent en silence. Vous leur avez donné une voix au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, j’appuie entièrement le projet de loi qui interdit aux gens de pratiquer et de promouvoir les prétendues thérapies de conversion et d’en tirer profit. Le projet de loi rendra également illégales la pratique et la promotion du tourisme axé sur les thérapies de conversion et les profits qui en découlent. Autrement dit, il deviendra illégal d’emmener une personne dans un pays qui autorise cette pratique cruelle.

La prétendue science qui sous-tend les thérapies de conversion a été démentie il y a longtemps et est considérée comme une science de pacotille. Malheureusement, elle est souvent exploitée au sein d’institutions religieuses et confessionnelles. L’Association mondiale de psychiatrie a constaté qu’il n’existe aucune preuve scientifique concrète que l’orientation sexuelle innée peut être modifiée. En 2020, l’Independent Forensic Expert Group on Conversion Therapy a déclaré que le fait de proposer une thérapie de conversion est une forme de tromperie, de publicité mensongère et de fraude.

Honorables sénateurs, j’ai lu que nous n’avons pas à nous inquiéter parce que les gens ne s’adonnent plus à ces pratiques cruelles. Si seulement c’était vrai. Selon des données recueillies par un groupe de recherche de la Colombie-Britannique, les thérapies de conversion sont encore couramment utilisées dans l’ensemble du Canada. Les données ont été tirées du sondage Sexe au présent de 2019 qui a été mené par le Centre de recherche communautaire auprès de plus de 9 000 répondants. Près d’un dixième des personnes gaies, bisexuelles, trans, queers, bispirituelles et non binaires ont déclaré avoir subi des thérapies de conversion.

Des milliers de Canadiens ont été irrémédiablement traumatisés par leur expérience personnelle des thérapies de conversion, tandis que des milliers d’autres se sont sentis dévalorisés et avaient honte de leur identité. Ils ont fini par avoir l’impression que quelque chose « clochait » chez eux.

Ces déchirements émotionnels et psychologiques ne se sont pas simplement nés dans le for intérieur de ces personnes : ils ont plutôt été forgés froidement par des forces externes, que ce soit dans les cours d’école, pendant les repas en famille ou dans les lieux de culte. Ils ont eu un effet dévastateur sur des générations entières d’hommes gais, bisexuels, trans et queers et sur des Canadiens bispirituels et non binaires. Si vous n’étiez pas un homme hétérosexuel ou une femme hétérosexuelle, il fallait vous « traiter » pour que vous guérissiez.

Il est tout simplement cruel de penser que certaines orientations sexuelles et identités de genre sont des maladies qu’on peut et doit traiter. Comme je l’ai dit plus tôt, ces croyances ne sont malheureusement pas chose du passé. Beaucoup trop de Canadiens voient encore les choses de cette manière, et ils devraient avoir honte de continuer à promouvoir de telles croyances dans notre société en 2021.

Des Canadiens ont eu le malheur d’être forcés à subir des thérapies de conversion, et celles-ci ont eu des conséquences à long terme qui sont bien documentées. Nous savons qu’il s’agit d’une pratique discriminatoire. Elle part de la prémisse qu’il y a quelque chose qui cloche chez les membres de la communauté LGBTQ2+ et qu’ils ont besoin d’être convertis. Honorables sénateurs, les thérapies de conversion dévalorisent certaines vies. Comme l’a souligné le sénateur Cormier pendant son discours, elles « perpétuent des stéréotypes et des mythes qui n’ont pas leur place dans la société canadienne ».

Honorables sénateurs, j’ai entendu les préoccupations de certaines personnes qui craignent que le projet de loi ne protège pas les conversations volontaires entre une personne et un ami, un parent, un médecin ou un membre du clergé. Malheureusement, j’ai aussi entendu certains députés propager ces inquiétudes. Toutefois, un amendement émanant de l’autre endroit à l’article 320.101 précise ce qu’est une thérapie de conversion et, par souci de clarté, ce qu’elle n’est pas. Le projet de loi C-6 indique clairement que :

[…] la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent à l’exploration et au développement d’une identité personnelle intégrée sans privilégier une quelconque orientation sexuelle, identité de genre ou expression de genre.

Honorables collègues, en 2018, les habitants de ma province ont massivement appuyé la criminalisation des thérapies de conversion, faisant de la Nouvelle-Écosse la troisième province canadienne à interdire une telle pratique pour toute personne de moins de 19 ans. De plus, les thérapies de conversion ne sont plus assurables pour les adultes.

Comme d’autres l’ont souligné, l’Ontario, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec et le Yukon ont également interdit les thérapies de conversion. Il est plus que temps d’interdire cette pratique néfaste partout au pays.

Honorables sénateurs, en refusant de criminaliser d’emblée les thérapies de conversion, nous risquons de les légitimer. Comme d’autres l’ont dit, nous sommes en plein Mois de la fierté. Faisons ce qui doit être fait pour que tous les Canadiens soient encouragés à être eux-mêmes.

Je suis fière d’appuyer ce projet de loi. Merci.

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