Deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada

Par: L'hon. Clément Gignac

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L’honorable Clément Gignac : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je me présente devant vous aujourd’hui pour parler du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.

La Loi sur Investissement Canada (LIC) est un atout important pour l’économie, car elle permet, grâce à un régime réglementaire prévisible et clair, de faire du Canada une importante destination pour l’investissement étranger.

Cette loi vise à encourager la croissance économique et l’emploi et ne prévoit une intervention que si un investissement nuit à la sécurité nationale du pays.

Par contre, elle donne aussi au gouvernement les pouvoirs nécessaires pour agir rapidement et de façon décisive au besoin.

Au fil des années, le gouvernement a noté trois grandes thématiques quant au besoin de renouvellement de la loi : répondre aux préoccupations stratégiques et géopolitiques; améliorer la certitude et la transparence pour les investisseurs; protéger les innovations au Canada.

Le contexte géopolitique dans lequel le Canada évolue continue de changer rapidement. Des acteurs étatiques et non étatiques hostiles emploient des stratagèmes pour obtenir des biens, des technologies et de la propriété intellectuelle, des stratagèmes qui sont incompatibles avec les intérêts et les principes du Canada. Nous savons aussi que l’investissement étranger peut servir à canaliser les activités d’ingérence étrangère qui visent à affaiblir nos normes et nos institutions.

Le point de jonction entre la technologie et la sécurité nationale est évident et ne disparaîtra pas de sitôt. Les innovations technologiques rapides ont offert au Canada de nouvelles possibilités de croissance économique, mais elles ont aussi entraîné leur lot de grands défis stratégiques inédits.

En même temps, nous devons soutenir un climat d’investissement accueillant pour les investissements bénéfiques. Cela signifie que les activités de la Loi sur Investissement Canada doivent être claires, transparentes et efficaces. Nous savons que la certitude réglementaire et la rapidité des examens sont des facteurs importants pour attirer les investissements au Canada.

Le régime canadien des investissements étrangers doit également s’adapter à la vitesse de l’innovation. Les actifs incorporels, comme la propriété intellectuelle et les données, ont pris de l’importance dans la définition de la force économique du Canada, et posent en même temps de nouveaux défis quant à la manière de les gérer.

Le Canada est une économie ouverte et fortement dotée de ressources naturelles, une économie qui fait l’envie du monde et est aussi une source de création de richesse. Toutefois, le Canada est aussi, de plus en plus, la cible d’acteurs hostiles. Ceci représente une menace à la fois pour notre sécurité nationale et notre prospérité. C’est pourquoi le gouvernement prend aujourd’hui des mesures nécessaires pour protéger le marché canadien, en faisant évoluer nos outils pour mieux nous défendre contre les menaces actuelles.

Nous vivons à une époque sans précédent où les investissements étrangers font l’objet d’examens plus approfondis sur le plan de la sécurité nationale dans le monde entier.

On peut penser notamment à la pandémie de COVID-19, aux répercussions des changements climatiques sur la sécurité, aux perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et à l’évolution des considérations géopolitiques. Ce n’est qu’en s’outillant aujourd’hui contre les menaces de demain que le Canada restera une destination importante pour les investissements étrangers.

Le moment est venu de moderniser la Loi sur Investissement Canada. Plus que jamais, le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour favoriser une économie novatrice et saine. Le contexte mondial a considérablement changé au cours des dernières années, notamment dans les domaines de la concurrence mondiale, de l’investissement, de la technologie et de l’accès aux minéraux critiques.

Ce dernier domaine, c’est-à-dire l’accessibilité aux minéraux critiques, est particulièrement important. Selon BloombergNEF, le Canada se classe au deuxième rang des 10 plus grands producteurs de minéraux critiques, et ce classement tient compte des exigences relatives à la durabilité.

Au début de l’année, Jakob Stausholm, le PDG de Rio Tinto, a parlé de projets miniers et métallurgiques dans le monde entier et a dit ceci : « Je ne pense pas qu’il y ait d’endroit au monde qui me rende plus optimiste que le Canada. » Ce sont là des signes encourageants que nous devons protéger.

L’excellence reconnue du Canada en matière de technologies émergentes et sensibles et en matière de minéraux critiques constitue une cible attrayante pour les États hostiles. Grâce aux amendements proposés au moyen du projet de loi C-34, le gouvernement s’assurera qu’il dispose des bons outils pour protéger ces secteurs ainsi que la propriété intellectuelle canadienne, les données personnelles et l’infrastructure.

Chers collègues, honorables sénateurs et sénatrices, le volume et la complexité des examens des investissements étrangers augmentent, et ce changement important justifie amplement le soutien à la modernisation de la Loi sur Investissement Canada.

Fondamentalement, le gouvernement a établi qu’un régime d’examen efficace doit être solide, transparent et flexible pour s’adapter à un monde en mutation, et le moment est venu de procéder à ces changements.

Ce projet de loi représente la plus importante mise à jour de la Loi sur Investissement Canada depuis 2009. Le gouvernement prend maintenant des mesures importantes pour examiner et moderniser des aspects clés de la loi, tout en veillant à ce que le cadre général destiné à soutenir l’investissement étranger nécessaire à la croissance de notre économie reste solide et ouvert.

Honorables sénateurs et sénatrices, nous devons tous reconnaître l’importance du projet de loi C-34, même si les projets de loi se terminant par le nombre 34 ne sont pas très populaires ces jours-ci dans cette Chambre. L’autre endroit a voté à l’unanimité pour appuyer le projet de loi après l’avoir étudié en comité, sans présumer de ce qui va se passer ici.

Au cours de son étude, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes s’est efforcé de peaufiner le projet de loi. Il était déterminé à faire en sorte que les amendements soient équilibrés afin de protéger la sécurité nationale du Canada sans nuire aux investissements étrangers avantageux.

Les membres du comité se sont réunis 12 fois et ont entendu de nombreux experts en la matière qui leur ont fourni des points de vue utiles et précieux sur le régime canadien d’examen des investissements, les questions de sécurité nationale, le traitement des actifs incorporels et la nécessité de veiller à ce que l’économie du Canada reste saine.

Permettez-moi maintenant de passer en revue les sept modifications principales à la Loi sur Investissement Canada proposées dans le projet de loi C-34.

Premièrement, une nouvelle exigence de dépôt préalable sera instaurée pour certains investissements. Ceci permettra au Canada de disposer d’une meilleure vue sur les investissements dans certains secteurs d’activité désignés, surtout dans les cas où l’investisseur aurait accès à des actifs et à des renseignements techniques importants qui ne sont pas accessibles au public, comme de la propriété intellectuelle de fine pointe ou des secrets commerciaux, à la clôture de l’investissement.

Le gouvernement peut donc veiller à prévenir de tels dommages irréparables. Les investisseurs devront déposer un avis d’investissement dans les délais prescrits dans la réglementation.

Une exigence générale de dépôt préalable à la mise en œuvre, sans tenir compte des nuances du secteur d’activité, du type de transaction ou d’autres faits pertinents, aurait un impact inutilement lourd sur les investissements nécessaires et bénéfiques au Canada, sans pour autant améliorer l’analyse de la sécurité nationale. Une approche ciblée favorisera la transparence et la certitude pour les investisseurs.

Deuxièmement, le projet de loi rend le processus d’examen de la sécurité nationale plus efficace en donnant au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique, le pouvoir de prolonger l’examen de la sécurité nationale des investissements, alors qu’auparavant, un décret était nécessaire à ce stade, avec toute la lourdeur que peut entraîner un décret — j’ai connu cela dans une vie antérieure.

La suppression de l’étape supplémentaire de l’obtention d’un décret donnera plus de temps à nos experts interministériels en matière de sécurité et de renseignement pour achever leur travail essentiel, y compris l’analyse de renseignements évaluant les risques d’une transaction pour la sécurité nationale.

Troisièmement, les modifications touchent aux pénalités pour les cas de non-conformité aux dispositions de la Loi sur Investissement Canada. Celles-ci ont été fixées il y a déjà plusieurs décennies et ne correspondent plus aux évaluations courantes des transactions ni à l’inflation.

Par exemple, pour les dispositions actuelles de la Loi sur Investissement Canada, la pénalité maximale de 10 000 $ par jour, qui a été établie en 1985, sera augmentée à 25 000 $ par jour par infraction, et ce, sans limite. De plus, on a établi une nouvelle pénalité pour les investisseurs qui omettent d’effectuer le dépôt d’avis préalable; ces investisseurs écoperont d’une amende de 500 000 $ ou d’un montant prévu par règlement, selon le montant le plus élevé.

Cette mise à jour assurera que les pénalités auront un plus grand effet de dissuasion.

Quatrièmement, le projet de loi autorise le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, après consultation auprès du ministre de la Sécurité publique, à imposer des conditions provisoires à un investissement étranger.

Ceci permettra de réduire le risque d’atteinte à la sécurité nationale au cours de l’examen lui-même, par exemple au moyen d’un transfert éventuel d’actifs, de propriété intellectuelle ou de secrets commerciaux avant la fin de l’examen.

Cinquièmement, la loi offre plus de souplesse dans l’atténuation des risques à la sécurité nationale en permettant, grâce à la collaboration entre le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et le ministre de la Sécurité publique, d’accepter des engagements contraignants de la part des investisseurs. Ces engagements devront démontrer qu’ils réduisent adéquatement les risques à la sécurité nationale qui découleraient de l’investissement en question.

Auparavant, l’imposition des engagements visant à atténuer les risques en matière de sécurité nationale d’une transaction ne pouvait être imposée que par le biais d’un décret du gouverneur en conseil. Avec des engagements contraignants qui peuvent être discutés et acceptés à l’échelon ministériel, ceux-ci peuvent aussi être éventuellement modifiés ou même résiliés au besoin.

Sixièmement, le projet de loi permet au Canada de partager des informations spécifiques avec ses homologues internationaux, afin de contribuer à la protection des intérêts communs en matière de sécurité.

Ce type de coopération est important dans le cas d’un investisseur qui peut être actif dans plusieurs juridictions et qui recherche la même technologie, par exemple. Le gouvernement disposerait d’une plus grande marge de manœuvre pour partager ces informations, même si, bien entendu, ce partage se ferait sur la base d’une évaluation des dispositions en matière de confidentialité et d’autres préoccupations.

Le régime canadien d’examen des investissements vise l’excellence et, pour atteindre cette excellence, il faut collaborer étroitement avec nos alliés, dont plusieurs, y compris le Groupe des cinq — on parle de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis —, ont mis à jour ou adopté de nouveaux mécanismes d’examen pour répondre à l’évolution des menaces géopolitiques. Ce projet de loi permet au gouvernement d’adopter une approche cohérente face à ses alliés et à nos préoccupations communes en matière de sécurité nationale, notamment en ce qui concerne les questions liées au transfert de technologies.

Finalement, la loi instaure de nouvelles dispositions pour la protection des renseignements dans le cadre du contrôle judiciaire des décisions. Cette modification permettra au gouvernement de s’appuyer sur des renseignements sensibles pour défendre ses décisions relatives à la sécurité nationale, tout en protégeant ces renseignements contre la divulgation. Ces nouvelles dispositions permettent aussi aux demandeurs de participer plus pleinement à la procédure.

Chers collègues, je tiens maintenant à prendre un moment pour discuter de certains amendements adoptés par l’autre endroit lors de l’étude du projet de loi par le Comité permanent de l’industrie et de la technologie.

Tout d’abord, tous les partis à l’autre endroit se sont mis d’accord sur la présentation d’amendements visant à renforcer l’importance de la transparence.

Il s’agit notamment d’autoriser la divulgation par le ministre de l’identité des parties soumises à des ordonnances définitives en vertu de la Loi sur Investissement Canada lorsque l’examen de la sécurité nationale est terminé et d’introduire l’obligation de faire rapport aux organismes de surveillance lorsque certains pouvoirs sont utilisés conformément à la Loi sur Investissement Canada.

Deuxièmement, à la suite d’amendements proposés par un député conservateur de la Nouvelle-Écosse, le comité a proposé que le ministre dispose d’un nouveau pouvoir : il peut dorénavant demander un décret pour examiner l’avantage net de tout investissement d’une entreprise d’État provenant d’un investisseur n’ayant pas conclu d’accord commercial, quel que soit le seuil. Actuellement, ce n’est pas le cas. Toutefois, s’il n’y a pas d’accord commercial avec un autre pays, les seuils ne s’appliquent pas, et c’est le premier dollar qui se trouve à être analysé. Cette disposition ne s’applique qu’aux investisseurs qui n’ont pas conclu d’accord commercial. Par exemple, nous n’avons pas d’accord commercial avec la Chine.

Troisièmement, les amendements préciseront que les ventes d’actifs relèvent de la compétence générale des pouvoirs d’examen de la sécurité nationale prévus par la loi. Cela clarifie la compétence de la Loi sur Investissement Canada pour les parties prenantes, à la fois les entreprises canadiennes et les investisseurs étrangers.

Quatrièmement, au moyen d’une série d’amendements proposés par le député néo-démocrate de Windsor-Ouest et le député libéral de Mississauga—Malton, le projet de loi modifié clarifie la prise en compte du traitement de la propriété intellectuelle et des données personnelles des Canadiens lors de l’examen de l’avantage net.

Cinquièmement, grâce à un amendement proposé par un député conservateur de la Nouvelle-Écosse, le projet de loi modifié fera progresser le processus d’examen de la sécurité nationale lorsque l’investisseur a été reconnu coupable de corruption dans une juridiction quelconque.

Tous ces amendements, qui ont été acceptés par le gouvernement, montrent bien que les projets de loi originaux sont perfectibles. Je salue cette ouverture d’esprit du gouvernement, et je rappelle l’importance des travaux du comité. Ce sont les travaux du comité de l’autre endroit qui ont permis de bonifier ce projet de loi.

Le projet de loi C-34 est un outil important pour suivre l’évolution de la situation économique et géopolitique. Bien que la Loi sur Investissement Canada accorde de vastes pouvoirs d’intervention dont nous avons besoin afin de prévenir les risques pour la sécurité nationale que peuvent présenter des investissements étrangers, les modifications proposées dans le projet de loi s’appuient sur cette base solide pour améliorer les mécanismes entourant le processus d’examen relatif à la sécurité nationale qui vise les investissements.

Ensemble, ces modifications législatives permettraient au Canada de continuer à profiter des avantages économiques liés aux investissements étrangers tout en renforçant notre capacité d’intervenir rapidement et efficacement pour lutter contre les menaces visant notre sécurité nationale et économique.

Chers collègues, il convient de noter que, pour les six premiers mois de 2023, le Canada s’est classé au troisième rang des pays de l’OCDE, derrière les États-Unis et le Brésil, en ce qui concerne les investissements étrangers directs. Ce n’est qu’une raison supplémentaire pour laquelle il nous faut une loi modernisée qui apporte clarté et prévisibilité aux investisseurs étrangers.

La loi encourage la croissance économique et elle donne au gouvernement la possibilité d’agir rapidement si les circonstances l’exigent. Il ne fait aucun doute que le moment est venu de moderniser la Loi sur Investissement Canada et de l’adapter au monde d’aujourd’hui.

Honorables sénateurs, comme l’indique le vote unanime à l’autre endroit, s’il y a une chose sur laquelle nous pouvons tous être d’accord, c’est sur la protection de nos atouts et la sauvegarde de notre prospérité.

Je me réjouis à l’idée de travailler avec le porte-parole désigné par l’opposition, le sénateur Carignan, ainsi qu’avec vous tous, pour faire progresser ce projet de loi.

Merci.

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