L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ce sera ma dernière déclaration sur le massacre de la place Tiananmen survenu il y a 32 ans.
Il y a de ces dates au calendrier qu’on n’oublie jamais. Je vis toujours un tourbillon d’émotions à cette période de l’année. Ce tourbillon revient depuis 32 ans. Parfois je pleure, parfois je rage. Cependant, quand je pense au jeune homme écrasé par un char d’assaut, près de la place Tiananmen, je ne peux m’empêcher de penser à sa famille aujourd’hui. Avait-il un frère ou une sœur? Ses parents sont-ils toujours en vie? Est-ce que quelqu’un s’en soucie?
Eh bien, moi, j’y pense et je pense aux milliers de familles qui n’ont jamais eu la possibilité de vivre le deuil de leurs êtres chers. Je me souviens des visages souriants des étudiants dans ce lieu public, sous le chaud soleil d’un matin de printemps de mai 1989. Je me souviens des citoyens de Pékin qui appuyaient le mouvement prodémocratique de ces étudiants. Je me souviens d’une ville qui se sentait libérée après que des dizaines de milliers de personnes eurent envahie la place Tiananmen : les 100 000 courageux. Les manifestants étaient officiellement venus pour souligner le décès d’un ancien dirigeant du parti communiste et ils ignoraient qu’une lutte pour le pouvoir se livrait derrière les murs du palais de l’Assemblée du peuple. Le secrétaire du parti communiste du moment, Zhao Ziyang, qui appuyait la cause des étudiants, a perdu cette bataille politique à l’avantage du premier ministre Li Peng, un radical pur et dur. On connaît la suite. Il s’agit d’une page d’histoire honteuse au cours de laquelle les militaires ont tué des milliers de leurs concitoyens — des jeunes dans la fleur de l’âge.
Je n’oublierai jamais les dates des 3 et 4 juin. Comment peut-on oublier ce dont on a été témoin? Il y eut un véritable massacre sur la place Tiananmen et dans le périmètre immédiat. Je suis hanté par les images de gens qui agonisent de douleur et meurent. Et je ne songe pas uniquement aux milliers de personnes tuées ce jour-là, mais aussi à toutes celles qui ont dû faire le deuil du rêve d’une meilleure forme de gouvernance.
À l’heure actuelle en Chine, tout semblant de droits est carrément réprimé. Désormais, le gouvernement ne recourt plus aux chars d’assaut pour imposer sa loi. Il va droit au but. À titre d’exemple, mentionnons que, dans le prétendu territoire autonome du Xinjiang, le gouvernement se livre à un génocide contre la minorité ouïghoure; qu’au Tibet, il réduit au silence la moindre voix dissidente; et qu’à Hong Kong, il est en train d’étouffer la démocratie. Maintenant, ce gouvernement totalitaire se fait menaçant et élève de plus en plus le ton dans ses rapports avec Taïwan.
Nous vivons une époque dangereuse, mais en pareille conjoncture, il incombe à tous de défendre les droits de la personne.
Selon mon interprétation, les droits de la personne s’appliquent à tout le monde, de la naissance à la mort, et nous devons défendre ceux qui n’ont pas voix au chapitre. Ce sont des droits fondamentaux et des valeurs communes comme la dignité, la justice, l’égalité, le respect et l’indépendance, qui sont définis et protégés par la loi.
Je reconnais que le Canada doit avoir une relation et des échanges économiques avec la Chine. Cela dit, le Canada a le droit de défendre les droits de la personne.
Honorables sénateurs, il y a 32 ans, sur une avenue poussiéreuse de Pékin, une voix s’éleva dans la noirceur et dit : « Racontez au monde ce qui se passe ici. » J’ai tenu promesse. J’ai pris la parole à maintes reprises, mais je ne suis qu’une seule voix. Merci.