L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je suis heureux d’appuyer le projet de loi C-12, Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité.
Nous savons tous pourquoi nous devons nous attaquer au problème des changements climatiques. Nous connaissons le « pourquoi »; il est maintenant temps de nous pencher sur le « comment ». Le projet de loi C-12 obligera le pays à trouver le « comment » en élaborant et en suivant un plan de réduction des émissions qui visera les dates clés de 2030 et 2050; un plan pour la responsabilité des dirigeants nationaux.
En ce qui concerne le principe du projet de loi, voici trois pistes de réflexion sur la façon dont le pays doit faire face aux changements climatiques : premièrement, le leadership et les connaissances traditionnelles des Autochtones en matière de protection de l’environnement; deuxièmement, la nécessité de tenir compte des différences régionales et communautaires et des options disponibles concernant la planification gouvernementale; et troisièmement, la nécessité d’investir massivement dans les emplois verts dans l’Ouest canadien.
En ce qui concerne le premier point, le projet de loi C-15 a reçu la sanction royale la semaine dernière, ce qui signifie que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones deviendra une loi nationale au moyen de modifications apportées aux lois fédérales. Ce tournant nécessitera une plus grande reconnaissance juridique des compétences autochtones et de l’autonomie des Autochtones au Canada, en donnant vie aux droits accordés aux Autochtones en vertu de l’article 35 de la Constitution, notamment ceux issus de traités. Ce tournant encouragera des mesures similaires dans d’autres pays.
Les droits inhérents des peuples autochtones étant désormais reconnus au Canada, le pays offre aux dirigeants autochtones d’immenses possibilités de contribuer à la fois à la protection de l’environnement, au développement durable et à la résilience. Les nations et les idées autochtones peuvent influencer de manière positive les lois d’application générale du Canada, ainsi qu’apporter une prise de décision responsable dans la gestion des eaux et des terres ancestrales.
Le préambule du projet de loi C-15 dit ceci :
[…] la Déclaration peut contribuer à soutenir le développement durable et à répondre aux préoccupations grandissantes concernant les changements climatiques et leurs répercussions sur les peuples autochtones […]
Honorables sénateurs, les peuples autochtones du monde entier possèdent des générations de valeurs et de connaissances traditionnelles qui sont fondées sur le respect et la gérance de l’environnement et dont toutes les sociétés peuvent profiter sur le plan pratique et spirituel. Des aspects importants de la réconciliation nécessiteront le partage et l’apprentissage des connaissances et des lois autochtones, ainsi que l’interprétation de la sagesse ancienne dans des politiques et des pratiques modernes.
Il s’agit d’un exemple concret de réconciliation où tous les Canadiens peuvent bénéficier de la combinaison des connaissances traditionnelles autochtones et des connaissances scientifiques occidentales pour contribuer à l’élaboration du plan canadien de lutte contre les changements climatiques.
Des collègues ont parlé au Sénat de valeurs autochtones touchant à la nature. Par exemple, les sénateurs Francis et Christmas ont discuté du principe mi’kmaq de Netukulimk dans le cadre de la gestion des pêches, et les sénatrices McCallum et Boyer ont parlé du concept de « toutes mes relations » au cours des débats sur la cruauté envers les animaux. D’ailleurs, le préambule du projet de loi S-218, Loi de Jane Goodall, reconnaîtrait le concept de « toutes mes relations » dans la loi fédérale.
En tant que parrain actuel de cet important projet de loi sur la protection des animaux qui est fondé sur des valeurs autochtones, j’ai hâte de participer à nos délibérations et à nos débats productifs à l’automne et de communiquer les mises à jour des travaux en cours.
En tant que législateur, je considère que la réconciliation et la gérance de l’environnement sont inextricablement liées. De ce point de vue, le projet de loi C-12 constitue un progrès important en matière de réconciliation, ou il a le potentiel de l’être.
Comme le mentionne le rapport de la Commission de vérité et réconciliation :
La réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones, du point de vue des Autochtones, exige aussi une réconciliation avec le monde naturel. […]
[…] les autres lois autochtones insistent sur le fait que les humains doivent parcourir les étapes de la vie en conversant et en négociant avec toutes les créatures. La réciprocité et le respect mutuel aident à assurer notre survie. […]
En 2020, Mongabay, une publication scientifique axée sur l’environnement, rapportait qu’à l’heure actuelle, les Autochtones gèrent ou occupent 40 % des aires protégées et des derniers écosystèmes encore relativement intacts sur la planète. Avec une compétence suffisante, on peut s’imaginer à quel point les dirigeants autochtones arriveraient à changer le monde en préservant la biodiversité et les écosystèmes essentiels, en plus de limiter les effets des changements climatiques.
Au Canada, beaucoup d’Autochtones vivent dans des communautés éloignées. Grâce à des générations de connaissances traditionnelles sur les cycles naturels et la géographie, ces communautés se trouvent en excellente position pour surveiller et pour protéger les ressources avec le concours de la science moderne.
De tels systèmes d’intendance s’officialisent de plus en plus, notamment avec les programmes de gestion des terres et des eaux des gardiens autochtones. Ces programmes ont procuré d’excellents rendements sur investissements du point de vue des avantages sociaux, comme le démontrent des études réalisées dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le Nord de la Colombie-Britannique. Ces programmes peuvent contribuer à protéger les puits de carbone naturels du Canada, à restaurer des zones endommagées par l’exploitation forestière et les activités extractives, et à renforcer la résilience de la faune face aux changements climatiques.
Voici quelques exemples d’efforts de conservation menés par des Autochtones, qui ont contribué à l’atteinte des objectifs de protection environnementale du Canada. En 2019, le parc national Thaidene Nëné a été créé. Il s’agit d’une réserve de 14 000 kilomètres carrés située dans les Territoires du Nord-Ouest, qui est cogérée par la Première Nation des Dénés Lutsel K’e et le gouvernement canadien. Je mentionne également la forêt pluviale de Great Bear, en Colombie–Britannique, qui couvre une superficie de 64 000 kilomètres carrés; Pimachiowin Aki, qui couvre 29 000 kilomètres carrés de terres boréales à cheval sur la frontière entre le Manitoba et l’Ontario, et qui constitue l’aire protégée la plus vaste du plateau boréal nord-américain; et l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga, qui s’étend sur 108 000 kilomètres carrés au Nunavut.
Comme autre innovation environnementale digne de mention du côté des Autochtones, je souligne les efforts de collaboration entre le Conseil des Innus d’Ekuanitshit et la municipalité régionale de Minganie au Québec. Cette année, ces administrations ont collaboré pour accorder à la rivière Magpie le statut de personne morale ayant neuf droits légaux, notamment ceux de couler, de conserver sa biodiversité et d’intenter des poursuites judiciaires.
Des droits légaux ont également été accordés à certains cours d’eau en Nouvelle-Zélande, en Inde, au Bangladesh et en Ohio. Pour leur part, la Bolivie et l’Équateur ont inscrit dans la loi la protection des droits de la nature.
Lors de l’examen du projet de loi C-12, du plan environnemental et des objectifs que le Canada a établis pour l’avenir, j’exhorte mes collègues à reconnaître que la participation des dirigeants et des gouvernements autochtones contribuerait grandement à la réussite dans l’intérêt de toutes les parties.
Deuxièmement, je souligne que le gouvernement doit tenir compte des différences régionales et locales et des options disponibles pour élaborer un plan climatique. À cet égard, je trouve très encourageant de voir que le paragraphe 10(3) du projet de loi C-12 prévoit que le plan peut inclure:
[…] des renseignements sur des initiatives ou autres mesures prises par les gouvernements des provinces, les peuples autochtones du Canada, les gouvernements municipaux ou le secteur privé qui pourraient contribuer à l’atteinte de la cible.
Autrement dit, nous devons mettre tout en œuvre, prendre en considération toutes les mesures à notre disposition et redoubler d’efforts pour atteindre nos objectifs climatiques.
À Regina, en Saskatchewan, dans le cadre d’un rapport d’enquête de 2018, des dirigeants locaux ont imaginé une vision audacieuse pour 2050. Les répondants croient que l’économie future de notre ville reposera sur des entrepreneurs et de petites entreprises, ainsi que sur la croissance du secteur de la transformation agroalimentaire à valeur ajoutée et du secteur manufacturier. Les protéines végétales durables offrent d’immenses possibilités. Un autre secteur économique prioritaire sera celui des technologies de l’information.
En gardant à l’esprit les objectifs climatiques, la Regina de 2050 doit être durable et résiliente. Durant leur réflexion sur la transition vers des énergies vertes, les dirigeants locaux croyaient que les entrepreneurs auraient le rôle le plus crucial à jouer. Ils estimaient que les éléments essentiels d’une transition vers des énergies propres étaient la viabilité financière de l’énergie verte, la capacité d’une ville de profiter de l’abondance de l’énergie éolienne et solaire, le leadership des municipalités en matière de planification et de construction vertes, une sensibilisation accrue à l’importance des énergies renouvelables et une utilisation optimale des énergies non renouvelables.
Lorsqu’il présentera ce volet de sa solution climatique à d’autres ordres de gouvernement et au secteur privé, le gouvernement fédéral devra s’efforcer d’obtenir l’adhésion du public dans toutes les régions du pays. Il doit rester conscient des différences indéniables entre les régions et les collectivités dans notre vaste pays et il doit accepter qu’il n’existe probablement pas de solution unique. Par exemple, certaines agglomérations pourraient choisir de passer au tout électrique, alors que d’autres progresseront vers des énergies propres comme l’hydrogène, le biogaz, ou le stockage et l’utilisation de la chaleur résiduaire.
Le fait est que le gouvernement devra comprendre l’importance d’inclure et de respecter les Canadiens de toutes les régions. Il est possible d’y parvenir par la coopération, et non par des décrets qui viennent du haut. Parallèlement, tous les Canadiens doivent reconnaître que le changement climatique est une urgence collective, et que tous les ordres de gouvernement, ainsi que le secteur privé, doivent contribuer à l’atteinte des objectifs.
Pour terminer, le troisième argument que je voudrais vous présenter est que le gouvernement devra investir considérablement pour créer des emplois verts dans l’Ouest canadien. Le 27 mai, au Comité des finances nationales, j’ai eu l’occasion d’aborder ce sujet avec la vice-première ministre et ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland.
J’ai posé une question à la ministre Freeland à propos des passages dans le budget qui portent sur la possibilité à court terme de faire progresser les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone en Alberta et en Saskatchewan. J’ai aussi souligné le fait que l’Énoncé économique de l’automne 2020 mentionnait notamment des projets d’infrastructures pour les véhicules sans émissions, la restauration des puits naturels de carbone — les terres humides, par exemple —, des investissements pour l’agriculture verte et les petits réacteurs modulaires, et l’intérêt de la Saskatchewan.
J’étais particulièrement curieux de savoir ce que la ministre Freeland avait à dire sur l’appui de la population de l’Ouest à l’égard du plan de lutte contre les changements climatiques. Je lui ai demandé si le gouvernement devra démontrer qu’un plan climatique pourra créer de nombreux emplois verts dans l’Ouest et si elle estime que c’est important pour l’unité nationale.
J’ai été ravi d’entendre la ministre Freeland répondre ce qui suit par rapport à cette priorité :
Le Canada ne pourra réussir dans sa lutte contre les changements climatiques que si nous avons un plan qui mobilise le pays en entier et qui crée de bons emplois verts d’un océan à l’autre, un plan qui tient aussi compte […] de la diversité de notre pays.
C’est pourquoi — je mets mon chapeau d’homme d’affaires — toutes les régions du Canada doivent comprendre les possibilités économiques qui découlent des mesures entreprises pour lutter contre les changements climatiques. Le secteur public doit faire des investissements majeurs dans les emplois verts dans l’Ouest. Je suis convaincu que les secteurs énergétiques feront preuve de souplesse et qu’ils sauront s’adapter en vue de jouer un rôle de chef de file pour mettre en œuvre des options écologiques, ainsi que des technologies visant à réduire les émissions produites par l’exploitation pétrolière et gazière.
Les changements climatiques constituent un problème qu’il faut régler. Les innovations dans le domaine des technologies et des pratiques vertes seront source de richesses considérables, et j’aimerais que la Saskatchewan et toutes les régions du pays puissent profiter de cette prospérité. Je suis persuadé que les entreprises canadiennes sauront être concurrentielles et être à la fine pointe des innovations sur la scène internationale.
Comme on a pu le lire dans le Financial Post la semaine dernière, le nombre d’emplois dans le secteur canadien de l’énergie propre devrait augmenter de 50 % et atteindre 640 000 d’ici 2030, selon un rapport de Clean Energy Canada, un programme de l’Université Simon Fraser. Ce secteur emploie déjà plus de 430 000 personnes, et on prévoit qu’il connaîtra une croissance d’environ 4 % par année au cours de la prochaine décennie.
On prévoit aussi que le produit intérieur brut associé au secteur de l’énergie propre augmentera de 58 % entre 2020 et 2030 pour atteindre une valeur approximative de 100 milliards de dollars, soit 29 % du PIB du Canada.
Pendant les années cruciales qui s’en viennent, nous pouvons, en tant que sénateurs, être la voix de nos régions respectives quand il s’agit de promouvoir la croissance de l’économie verte. Si les Canadiens peuvent prospérer tout en contribuant à sauver la planète, un geste important, tout le monde y gagnera.
Le projet de loi C-12 fournira non seulement au gouvernement fédéral actuel mais à tous les futurs gouvernements le cadre d’un plan national bien organisé pour la lutte aux changements climatiques. Pour que ce plan soit une réussite, nous aurons besoin de l’engagement et de la détermination de tous les secteurs de la société.
En tant que parlementaires, nous pouvons jouer notre rôle en examinant les mesures prises par le gouvernement, en proposant des idées de lois et de politiques et en faisant la promotion de mesures plus ambitieuses de lutte contre les changements climatiques, lorsque c’est nécessaire. Nous faisons tous partie du problème des changements climatiques et nous devons tous faire partie de la solution.
Merci. Hiy kitatamîhin.