L’honorable Pierre J. Dalphond : Je n’ai pas de texte et je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais, à la suite du discours du sénateur Wells, je sens le besoin de faire certains commentaires.
La question de l’âge nécessaire pour voter à une élection est une question fondamentale, mais je crois qu’il faut évaluer l’âge dans une dynamique plus vaste. Par exemple, au Québec, un jeune peut recevoir des traitements médicaux sans le consentement de ses parents dès l’âge de 14 ans. Il peut également, à cet âge, choisir de refuser de subir un traitement médical même si ses parents ont consenti à ce traitement, ce qui pourrait entraîner son décès. Dans beaucoup de provinces, y compris le Québec, un jeune de 16 ans peut obtenir un permis de conduire, conduire une voiture et mettre en péril la sécurité d’autres personnes.
Dans plusieurs États américains, il est interdit de boire de l’alcool avant l’âge de 21 ans, mais il est permis, à 16 ans ou à 18 ans, d’obtenir une arme à feu et de la transporter sur soi.
Honorables sénateurs, l’âge n’est pas une question magique; il fait plutôt référence à un degré de maturité et à un ensemble de connaissances et d’occasions d’apprentissage. Je ne sais pas quel devrait être l’âge exact pour voter; je ne sais pas si l’âge de 18 ans est trop bas ou trop élevé, mais je crois que cette question mérite d’être étudiée et qu’il faut entendre des témoins à ce sujet.
Des spécialistes en psychiatrie vous diront que le cerveau n’est pas formé avant l’âge de 21 ans. Faudrait-il pour autant interdire de voter avant 21 ans? Ce projet de loi soulève bien des questions. Je pense qu’une réflexion approfondie serait préférable au rejet du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Un comité pourrait entendre des témoins, poser des questions et produire un rapport constructif, tout en participant aux débats sur une question fort importante : quelle place réservons-nous aux jeunes dans notre société?
Par exemple, le sénateur Wells parlait de jeunes qui deviennent membres de partis politiques dès l’âge de 14 ans et qui votent pour élire le chef de leur parti. Cependant, comme ils n’ont pas le droit de voter à l’élection suivante pour le chef qu’ils ont choisi et qui dirige le parti au sein duquel ils militent, cela fait en sorte qu’ils ne peuvent pas participer au processus ni voir le chef qu’ils ont choisi devenir chef du gouvernement.
Il est quand même étonnant de constater que, lors des conventions, jusqu’à 33 % des places de membres au sein de certains partis politiques sont réservées à des jeunes qui peuvent voter sur des questions de politiques qui deviendront, par la suite, des politiques officielles du parti.
Je pense qu’il serait quelque peu prématuré de rejeter le projet de loi à cette étape-ci. J’invite donc mes collègues à rejeter cet amendement. Cependant, je suis très sensible à l’argument du sénateur Wells qui veut que le fait de savoir qui peut voter à une élection puisse être une question qui, légitimement, appartient aux élus et aux partis politiques. Toutefois, cela n’empêche pas le Sénat de mener une étude sur la question, et c’est ce que ce projet de loi permet de faire. Ainsi, le rapport qui suivrait la conclusion de cette étude nous permettrait de contribuer à la réflexion, y compris celle des députés.
J’invite donc mes collègues à rejeter cet amendement.