La présidente : La sénatrice Bovey et le sénateur Munson se partageront le temps de parole.
La sénatrice Bovey : Mesdames les ministres, bienvenue. Il est merveilleux de vous voir ici et d’être ici avec vous. Comme vous le savez, malgré les effets dévastateurs de la COVID-19 sur les arts, les artistes au pays nous ont tous aidés à supporter ces temps difficiles. Ils sont très reconnaissants de l’aide que leur procurent la subvention salariale et la Prestation canadienne d’urgence, mais savent, comme nous, qu’il faudra du temps, des années peut-être, avant de s’en remettre. Dans certaines disciplines, compte tenu des départs et des difficultés au chapitre de la formation, c’est une génération entière d’artistes qui sera perdue.
Le maintien de la subvention salariale et la création des prestations de relance économique constituent une bouée de sauvetage dont ont grandement besoin les artistes, les travailleurs du milieu artistique, les détenteurs de petits boulots, les artistes indépendants et les organismes artistiques. Cependant, comme me disait un administrateur d’activités artistiques hier, les arts sont au bord du gouffre. Le problème, c’est l’admissibilité. Le calcul des pertes de revenu par rapport à l’an dernier était clair. Toutefois, maintenant, les gens doivent faire un autre calcul de leurs pertes de revenu. C’est impossible. Ils ont atteint le fond du baril. Ils ne vendent pas de billets. Ils ont perdu l’aide aux entreprises. Les dons dont ils dépendaient ont diminué. Les activités de financement sont toutes annulées. Pendant ce temps, leurs frais généraux augmentent.
Les gens du secteur m’ont bien fait comprendre qu’il est essentiel que la subvention salariale demeure à 75 %. Ma question est la suivante : est-ce que ce sera le cas? Pouvez-vous confirmer que le secteur sera consulté concernant l’établissement des critères d’admissibilité et que ces critères refléteront la réalité de leur situation?
Mme Freeland : Merci beaucoup sénatrice de votre question. Je suis entièrement d’accord avec vous quant au cœur de votre argument. La crise a touché différents secteurs de façon inégale. Mon père est producteur de canola et le coronavirus n’a pas tellement touché les producteurs de canola, du moins, pas dans la région de la rivière de Paix. C’est la même chose du côté de la foresterie. Le secteur manufacturier a connu une relance rapide et j’en félicite les fabricants du pays. Par contre, d’autres secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie et le secteur culturel ont été touchés plus durement. Je crois qu’il est maintenant temps de trouver des façons plus ciblées d’intervenir auprès des secteurs les plus durement touchés.
En ce qui concerne la subvention salariale dans le secteur culturel, nous avons annoncé dans le discours du Trône, comme vous le savez sans doute, que la subvention salariale sera prolongée jusqu’à l’été prochain. C’est donc dire que le retrait qui était prévu doit être revu. Il faut trouver une façon de calibrer ce programme, puisqu’il restera en place plus longtemps que prévu. Nous y travaillons fort. Il s’agit d’un programme vaste et compliqué et nous voulons trouver des façons de cibler les mesures de soutien plus efficacement. Je ne peux donc pas vous donner de détails sur la façon dont nous nous y prendrons, mais vous avez très clairement présenter votre point et nous en prenons bonne note.
Je peux vous promettre que nous consulterons évidemment le secteur culturel et d’autres secteurs dans l’accomplissement de cette tâche. Je vous invite à vous référer à l’annexe que vous avez devant vous, pour laquelle nous demandons votre appui. Deux des éléments de cette annexe concernent spécifiquement le secteur culturel : 17 millions de dollars pour soutenir les organismes patrimoniaux culturels et les organisations sportives, et 50 millions de dollars pour l’industrie audiovisuelle, qui a notamment de la difficulté à obtenir les polices d’assurance dont elle a besoin pour fonctionner.
La sénatrice Bovey : Je vais laisser le reste de mon temps de parole à mon collègue, mais je tiens à vous rappeler que certains de nos grands artistes ont perdu des occasions d’avancement professionnel et que le Canada a perdu une importante présence sur la scène internationale à cause de l’intransigeance de certains de nos organismes.
Le sénateur Munson : Madame la ministre des Finances, sur le plan de la collégialité, le Parlement a plutôt bien fonctionné de 1972 à 1974. J’en ai déjà parlé, il y a bien longtemps. De bonnes prestations sociales ont été instaurées à cette époque grâce au bon sens.
Le projet de loi C-4 me plaît et l’idée des prestations pour les travailleurs sans emploi ou sous-employés me plaît. Je l’appuie pleinement. J’aime le ton du discours du Trône.
Ma question s’adresse à la ministre Qualtrough. La situation des personnes qui ne pourront jamais avoir un emploi ou ont de la difficulté à en trouver un continue de m’inquiéter. Je parle des personnes autistes ou ayant une déficience intellectuelle. Il y aurait de 70 à 80 % d’entre elles qui ne pourraient trouver du travail.
Madame la ministre Qualtrough, vous savez que le sommet de l’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique aura lieu la semaine prochaine. Dans le discours du Trône, il est question d’une prestation pour les personnes en situation de handicap et d’un plan pour l’inclusion des personnes handicapées — tout y est. À mes yeux, cela comprend une stratégie nationale pour l’autisme.
Il ne me reste plus que 10 mois environ ici, si je compte chaque jour. Je ne veux pas partir, car j’aime cet endroit. J’aimerais savoir, madame la ministre, si vous et la ministre de la Santé, la ministre Hajdu, envisagez toujours l’adoption d’une stratégie nationale sur l’autisme.
Mme Qualtrough : Tout à fait, honorable sénateur. Absolument. J’ignore dans quelle mesure vous voulez que j’entre dans les détails, mais je serais heureuse de prendre un café avec vous et de vous expliquer la façon dont nous voyons la stratégie. Je puis assurer à tous les sénateurs que la stratégie sur l’autisme est un dossier que la ministre de la Santé et moi-même mettrons au premier plan. C’est un élément de nos lettres de mandat respectives. Si la COVID ne nous avait pas accaparées à ce point, l’élaboration de la stratégie serait plus avancée, car celle-ci est d’une importance capitale.
Le sénateur Munson : C’est la meilleure nouvelle de la journée. Entendre de bonnes nouvelles et constater une détermination à aller de l’avant a de quoi nous mettre le sourire aux lèvres.
Un autre sénateur a déjà abordé la question, mais j’ai vraiment besoin de précisions au sujet d’un volet du plan pour l’inclusion des personnes handicapées. Il me semble qu’hier à peine, nous reconnaissions au moyen du projet de loi C-20 les lacunes dans l’administration par l’Agence du revenu du Canada du crédit d’impôt pour personnes handicapées. Le Sénat a mené des études, sous la direction de la sénatrice Chantal Petitclerc, relativement à ces lacunes, à l’admissibilité au crédit d’impôt et à un mode de versement de ce montant de 600 $ qui, selon vos dires, sera distribué ce mois-ci.
Dans quelle mesure le plan pour l’inclusion des personnes handicapées viendra-t-il réformer le crédit d’impôt pour personnes handicapées?
Mme Qualtrough : Merci de la question, sénateur. Là encore, je ne veux pas trop m’éterniser sur le sujet, mais Dieu sait que je pourrais.
Le sénateur Munson : Vous le pouvez.
Mme Qualtrough : Dans le discours du Trône, nous avons annoncé trois éléments prévus du plan pour l’inclusion des personnes handicapées. À mon avis, c’était une journée historique pour le mouvement des personnes handicapées au Canada. Le premier élément est une prestation pour les personnes en situation de handicap, qui, à l’instar du Supplément de revenu garanti, sera un supplément de revenu mensuel pour les Canadiens handicapés en âge de travailler.
Le deuxième élément est une stratégie nationale d’emploi qui ciblera les Canadiens en situation de handicap, car nous reconnaissons qu’il s’agit du principal obstacle à l’inclusion que ces gens doivent surmonter ainsi que le premier motif de plainte pour discrimination devant la Commission canadienne des droits de la personne.
Le troisième élément, même s’il est plutôt ennuyeux et technique, est une refonte complète de la façon dont le gouvernement du Canada détermine l’admissibilité aux programmes et aux services qui visent les personnes en situation de handicap. Je parle de retirer les critères d’admissibilité du régime fiscal. Je parle aussi d’une compréhension moderne et fonctionnelle du handicap. Cette refonte s’imposait depuis longtemps et elle nécessitera beaucoup de travail, mais elle changera totalement la façon dont le gouvernement voit les personnes handicapées.
Le sénateur Munson : Je vous remercie beaucoup de votre réponse. Je cède la parole à la sénatrice Bovey pour les deux minutes qui restent.
La sénatrice Bovey : Madame la ministre, je vais revenir aux arts, ce qui n’est pas surprenant. Nous savons qu’il y a eu des mises à pied massives dans le secteur des arts et de la culture, et ce, malgré les mesures vraiment formidables prises par le gouvernement, le Conseil des arts du Canada et Patrimoine Canada, dont je salue la souplesse.
Toutefois, beaucoup de ces mises à pied ne sont plus temporaires. Je suis bouleversée par le nombre de jeunes personnes — plus jeunes que moi — qui ont travaillé dans un domaine pendant 15, 20 ou 25 ans et qui sont maintenant au chômage indéfiniment. Étant donné la prolongation de la subvention salariale, je me demande si ces personnes peuvent être réembauchées par les organismes qui ont dû les mettre à pied, parce qu’ils craignaient de ne plus recevoir la subvention. Seraient-elles alors admissibles à la subvention salariale si l’organisme les réembauchait?
Mme Freeland : Oui, absolument. La subvention salariale a été prolongée cet été en partie pour rassurer les organismes et les entreprises.
J’espère, sénatrice, que ces organismes feront exactement ce que vous proposez, en embauchant de nouveau ces personnes, sachant que nous allons vaincre le virus et qu’ils recevront le soutien nécessaire pour garder ces employés durant la période de transition.
La sénatrice Bovey : Ils disent qu’ils craignent de le faire.
Mme Freeland : Dites-leur qu’il n’y a pas de danger, puisque la subvention salariale sera en place jusqu’à l’été.
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