Troisième lecture du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Par: L'hon. Wanda Thomas Bernard

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L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je suis reconnaissante d’être ici sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabeg. Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Je remercie la sénatrice Pate d’avoir consacré sa carrière à défendre le traitement sans cruauté des gens dans les prisons canadiennes et à faire comprendre qu’il s’agit d’une des plus graves violations des droits de la personne au Canada. Je vous remercie de votre discours d’aujourd’hui.

Cette peine cruelle est imposée en ce moment même dans des établissements partout au pays. Qu’on parle d’« isolement », d’« unités d’intervention structurée », de « cellules nues » ou d’« unité de garde en milieu fermé », l’impact est le même : un préjudice indéniable au bien-être mental, physique et spirituel.

J’ai eu le privilège de rencontrer des centaines de détenus et de discuter avec eux lors des missions du Comité des droits de la personne dans le cadre de l’Étude concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel fédéral. Nous avons entendu des histoires semblables dans tous les établissements, des histoires portant sur l’expérience déplorable d’être placé en isolement. Il s’agit d’une expérience inimaginable que personne — je dis bien personne — ne devrait avoir à subir. Chers collègues, j’insiste vraiment sur le fait que la punition pour un crime est la peine elle-même, et non un traitement inhumain illégal et répété pendant qu’une personne purge sa peine.

Certaines des histoires les plus troublantes que nous avons entendues provenaient de femmes autochtones et noires et de leurs défenseurs.

La sénatrice Pate vient de nous parler de Tona, une des personnes que les membres du comité ont rencontrées. Son histoire nous a marqués. Tona est une survivante de la rafle des années 1960, et nous avons été troublés de l’écouter nous parler de ces dommages irréparables pour sa santé et son bien-être. Nous avons entendu beaucoup d’autres histoires de femmes qui ont suivi un parcours semblable au sien.

Les enfants autochtones et noirs sont surreprésentés dans le système d’aide à l’enfance, ce qui alimente directement la représentation disproportionnée des adultes autochtones et noirs dans les prisons canadiennes.

C’est ce qu’on appelle parfois le pipeline de l’aide à l’enfance à la prison. Cette image n’est pas sans importance lorsque les législateurs que nous sommes doivent imaginer les types de traitement qu’ils jugent acceptables. L’étude du Comité des droits de la personne a constaté que les détenus autochtones et noirs sont aussi surreprésentés en isolement.

Honorables sénateurs, nous avons affaire à un véritable pipeline de l’aide à l’enfance à la prison et de la prison à l’isolement. Ces systèmes ont trop souvent fait défaut à ce groupe de personnes vulnérables. Les conséquences de l’isolement, notamment sur la santé psychologique, commencent à se faire sentir après seulement 48 heures. Le comité a aussi abordé la question des effets à long terme, comme la sénatrice Pate vient de le dire, dont les dommages psychologiques irréversibles qui peuvent se produire après seulement 15 jours en isolement cellulaire.

Chers collègues, je vous répète ce que la sénatrice Pate nous a dit tout à l’heure : Tona a passé 10 ans en isolement. Imaginez.

J’aimerais souligner deux des recommandations du rapport Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral  :

Recommandation 33

Que le Service correctionnel du Canada s’assure que les unités d’intervention structurée respectent les plus récentes décisions judiciaires ainsi que les obligations et engagements du Canada en matière de droits de la personne, notamment :

en éliminant le recours à l’isolement cellulaire;

en tenant compte des besoins et des expériences différentes de groupes particuliers, y compris les personnes LGBTQI2 et les femmes;

en éliminant l’isolement cellulaire se prolongeant sur plus de 15 jours;

en offrant des occasions de contact humain réel et un accès sans interruption aux programmes ainsi qu’un accès 24 h sur 24 aux services de santé et de santé mentale;

en établissant un mécanisme judiciaire de surveillance indépendant pour examiner tous les cas de placement dans une unité d’intervention structurée et des décisions connexes.

Recommandation 34

Que le Service correctionnel du Canada cesse immédiatement le recours à l’isolement, quelle que soit la désignation employée, des jeunes, des femmes et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale invalidants, et qu’il effectue des évaluations de la santé mentale et mette en place une surveillance judiciaire pour éliminer la surreprésentation dans les unités d’intervention structurées des personnes autochtones, noires ou d’autres origines raciales et de celles ayant des problèmes de santé mentale.

Chers collègues, je tenais à vous rappeler ces recommandations de notre comité, qui ont été déposées en 2021. Je vous encourage à relire les conclusions et les recommandations de l’étude pour saisir la nature cruciale du projet de loi S-230.

J’appuie pleinement ce projet de loi, car j’estime que personne ne mérite de subir ce traitement inhumain qu’est le temps passé en isolement. Je pense que nous pouvons et devons inscrire de véritables solutions de rechange dans la loi. Je vous remercie. Asante.

 

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