Le Canada est aux prises avec une « crise du logement » sans précédent. Selon la plus récente évaluation de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) « le Canada aura besoin de 3,5 millions de logements en plus de ceux déjà en construction, pour rétablir l’abordabilité » de sorte que le taux de construction de logements devra plus que tripler pour atteindre son objectif d’accessibilité d’ici à 2030. Et au rythme où vont les choses, cette crise n’est pas prête à se résorber.
Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans cette crise ? Y répondre en mettant seulement plus d’argent dans les mains des contribuables, ne résoudra pas le problème. Cela risque au contraire d’alimenter l’inflation dans ce secteur. Des programmes de subventions, des incitatifs fiscaux, des micromesures et raviver des projets datant de l’après-guerre ne suffiront pas. Nous devons stimuler l’innovation dans le secteur du logement et faire face à l’important défi de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction. Et cette innovation ne sera pas qu’économique, technologique et administrative. Elle sera aussi sociale, car il s’agit de mobiliser de nombreux acteurs.
Pour répondre à la crise du logement, le Canada a besoin de la contribution de plusieurs acteurs relevant de plusieurs juridictions et d’une stratégie qui comporte de nombreux éléments. La feuille de route ne peut pas être élaborée en vase clos, dans des officines ministérielles. Seule une table ronde permanente de groupes d’intervenants incluant des représentants provinciaux pourrait y arriver. Et il revient au gouvernement fédéral d’exercer le leadership en instituant un tel lieu de concertation. À ce jour, aucun ministre ni aucune agence ne semble avoir ce mandat.
En outre, la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction est un problème incontournable. Et c’est probablement par là qu’il faut commencer car il qu’une main-d’œuvre soit disponible pour les logements. Et ce n’est pas seulement une question d’argent. Recruter de la main-d’œuvre et développer des compétences prend du temps. Attirer et retenir une nouvelle main-d’œuvre dans les métiers en pénurie est devenue un défi colossal car ils ne sont pas les seuls à faire face au défi. Les centres de formation peinent également à recruter des professeurs. Il est aussi devenu de plus en plus difficile de trouver et libérer du temps de compagnons pour soutenir les apprentis.
Comment le gouvernement du Canada peut-il agir ? D’abord, il n’y a pas d’institution de concertation permanente entre les provinces et entre les acteurs économiques du secteur. Pourtant de telles institutions existent dans plusieurs autres pays et pas au Canada?
Le programme de l’assurance-emploi auquel les travailleurs et les entreprises contribuent plus de 27G constitue demeure un pivot dans la gestion des ressources humaines au Canada, en particulier dans les secteurs saisonniers comme la construction. L’assurance-emploi joue aussi un rôle central dans le financement de la formation de la main-d’œuvre et le soutien du revenu des apprentis. Comment se fait-il, dès lors, qu’au Canada, l’assurance-emploi soit entièrement sous le contrôle politique du gouvernement ? Pourtant, lors de son adoption grâce à une modification constitutionnelle en 1940, il était clair que l’efficacité du programme reposait sur la participation des acteurs que sont les représentants des employés et des entreprises.
Les grandes associations d’entreprises et de travailleurs parlent d’une voix et souhaitent la création d’un conseil aviseur à la commission de l’AE afin justement que le programme puisse mieux répondre aux besoins de la main-d’œuvre d’aujourd’hui pour s’adapter aux nécessités actuelles et futures.
La concertation entre les gouvernements et les acteurs est un outil de choix collectif que le gouvernement fédéral doit initier et soutenir, car elle permet d’identifier les meilleures façons de faire et de les implanter. C’est un outil efficace pour assurer une croissance économique non inflationniste. Si le gouvernement fédéral intervient seulement en finançant le coût des besoins essentiels comme le logement cette politique risque d’être un coup d’épée dans l’eau.