L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je me joins à la discussion sur les droits des personnes 2ELGBTQI+ tels qu’ils ont été soulevés dans le dernier budget fédéral.
Je profite de l’occasion pour parler, dans cette enceinte, d’une politique bien précise, soit la récente décision du groupe de travail sur la Vision et le Plan à long terme d’aménager des toilettes neutres dans les nouveaux bâtiments du Sénat et dans ceux qui ont été rénovés. Bien qu’il y ait eu étonnamment une certaine résistance, je suis heureux de constater que les arguments dominants appartenaient à l’année 2023, et non à l’année 1923.
Je veux être le plus clair possible dans cette Chambre en tant que sénateur : je suis en faveur de toilettes neutres.
Ces toilettes répondront aux besoins des Canadiens transgenres et des Canadiens de genre non binaires, le mot commun étant « Canadiens ».
En outre, comme c’est le cas pour la plupart des formes d’adaptation, de nombreux autres Canadiens se réjouiront de cette mesure qui sera avantageuse pour eux. J’en parle comme si les toilettes privées étaient une toute nouvelle invention. Il faut bien comprendre une chose. Il est toujours souhaitable de prendre des mesures d’adaptation par respect des droits de la personne, cela dit, les personnes qui ont le plus besoin de ces mesures sont rarement les seules à en tirer profit.
Permettez-moi de vous donner deux exemples. Il y a 30 ou 40 ans, alors que l’on construisait des bâtiments et des trottoirs accessibles aux personnes en fauteuil roulant et aux personnes à mobilité réduite, je me suis rendu compte que ces mesures étaient très utiles pour les parents de jeunes enfants. Quand je suis resté à la maison pour élever mes enfants pendant quelques années lorsqu’ils étaient petits, ces installations m’ont facilité la vie à maintes reprises lorsque je trimballais deux petits enfants dans une poussette.
Les installations destinées aux personnes handicapées ont grandement aidé tous les parents et toutes les personnes qui s’occupent de jeunes enfants, dont le nombre est bien plus élevé que celui des personnes en fauteuil roulant. D’ailleurs, l’accessibilité n’est pas encore complète.
À titre de deuxième exemple, lorsque j’étais au CRTC, l’une des initiatives sur lesquelles nous avons travaillé était le sous-titrage à la télévision pour les personnes sourdes et malentendantes.
Encore aujourd’hui, le sous-titrage à la télévision demeure un grand succès, d’autant qu’il s’autofinance grâce aux publicités et aux commandites, et il rend aussi un fier service aux clients des bars, des pubs, des restaurants, des salles de conditionnement physique et des centres de santé. Alors, chers collègues, la prochaine fois que vous lirez des sous-titres sur un écran de télévision à l’aéroport, pensez à remercier les pionniers derrière ce service, c’est-à-dire les personnes sourdes et malentendantes du Canada.
Vous savez, les toilettes destinées aux « autres » faisaient probablement déjà l’objet d’un vif débat au Parlement il y a 100 ans, car deux ans plus tôt, une première femme avait été élue à la Chambre des communes et sept ans plus tard, le Sénat accueillait sa première sénatrice. Le débat sur le nombre approprié de toilettes pour femmes a perduré pendant des dizaines d’années, mais je peux aisément imaginer à quel point, dans leur fragile masculinité, les hommes ont dû s’indigner et protester parce qu’ils devaient céder certaines de leurs toilettes à leurs collègues féminines, alors qu’elles n’avaient même pas d’affaire au Parlement, point. Pourtant nous voici, 100 ans plus tard, avec enfin une solution. Il nous en a fallu du temps, mais nous avons réussi.
Je tiens à féliciter le sénateur Tannas et le Sous-comité sur le Plan et la Vision à long terme, la sénatrice Moncion et le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration de même que tous les sénateurs qui ont su aborder cette question avec ouverture et respect.
J’aimerais dire une dernière chose au sujet des droits des minorités, et c’est le message que j’aimerais transmettre à tous les parlementaires. Permettez-moi de paraphraser le président Biden, qui s’exprimait sur la haine il y a quelques jours : dans la société, il y a toujours une haine profonde qui dort juste sous la surface, et il lui suffit d’un peu d’oxygène pour se réveiller. Dans le cadre de nos débats parlementaires, veillons à ne pas donner de l’oxygène aux forces obscures de notre société.
Je comprends que nous sommes souvent saisis de questions qui sont nouvelles pour certains, de questions compliquées ou menaçantes. En tant que parlementaires, nous pouvons peut-être faire de notre mieux, lorsque nous discutons de questions complexes et émotives, pour ne pas alimenter les forces obscures de notre société, même si cela pourrait procurer à certains d’entre nous un avantage politique à court terme.
À ceux qui n’aiment pas l’idée de toilettes neutres, je dis : « Allons, ralliez-vous. Accueillons et respectons chacun, qu’il s’agisse de parlementaires, de membres du personnel ou de visiteurs. Le Parlement est la maison de tous les Canadiens, pas seulement de certains d’entre eux. Croyez-moi, vous allez aimer les toilettes privées. » Merci.