La combinaison pandémie et dérèglement climatique nous oblige à revoir urgemment des pans entiers de nos législations, notamment en matière d’énergie, d’environnement et d’approvisionnement divers. Par ailleurs, certaines de nos politiques qui répondent aux exigences du temps doivent être préservées et consolidées. La gestion de l’offre appartient à cette catégorie. Elle constitue un capital canadien non négociable.
Bien avant la pandémie, cette politique, qui profite à toutes les régions du pays, devait être défendue. Mais la COVID-19 nous a appris que les chaînes d’approvisionnement étaient fragiles. Et récemment, elles le furent en effet. L’Inde a mis fin à ses exportations de riz et la Russie a bouleversé la livraison mondiale des céréales.
Il nous faut nous protéger face à ces perturbations imprévisibles. Il faut nous protéger aussi de la compétition américaine et européenne dans le domaine agricole, concurrence rendue impossible par les généreuses politiques de subventions qui les placent dans une catégorie à part. À moins d’entrer dans ce jeu et de subventionner à haut niveau nos productions — ce qui n’est pas une option envisagée —, il vaut mieux protéger la politique de gestion de l’offre, politique juste et efficace.
Cette politique de gestion de l’offre nous donne une avance certaine et des garanties majeures. En effet, depuis plus d’un demi-siècle, la production de lait, d’oeuf et de volaille et les marchés du domaine sont protégés dans notre pays selon un système qui implique le gouvernement fédéral et ceux des provinces, un système efficace qui a fait ses preuves.
Le projet de loi C-282 que je marraine au Sénat vise à pérenniser cette politique. Pour l’essentiel, il interdit de toucher à cette politique dans d’éventuelles négociations commerciales internationales. En clair, le projet de loi garantit que la gestion de l’offre est exclue de toute négociation à venir. Il est exigé expressément de la ministre du Commerce international qu’elle applique strictement cette politique. En conséquence, après l’adoption de la loi, cette politique sera protégée intégralement et durablement ; un approvisionnement de qualité sera garanti aux consommateurs canadiens et un juste prix assuré aux producteurs agricoles du pays pour leur travail et leurs produits.
Outre ces assurances pour un approvisionnement de qualité et une juste rémunération pour les producteurs agricoles, d’autres motifs m’ont amenée à défendre le projet de loi C-282 au Sénat.
Pas moins de 350 000 emplois au pays, dont 115 000 au Québec, dépendent de cette politique de gestion de l’offre qui, par ailleurs, ajoute 30 milliards de dollars au PIB national et génère 7 milliards de dollars de recettes fiscales. À elle seule, cette dimension économique justifierait le maintien d’une politique aussi féconde pour les travailleurs et les agriculteurs canadiens.
Mais les bénéfices qui en découlent sont aussi sociaux et territoriaux. En effet, cette politique enrichit nos régions rurales d’un volume d’activités qui contribue à leur maintien non seulement comme espaces commerciaux, sociaux et culturels viables, mais aussi comme espaces humains attrayants et vivants. De plus, elle dote les producteurs agricoles d’un revenu stable. Elle leur garantit par ailleurs une capacité de prévision et un bon niveau d’investissement au moment où le numérique et l’intelligence artificielle envahissent leurs champs d’activité. Enfin, effets majeurs, elle raccourcit les circuits commerciaux des produits alimentaires et, en conséquence, réduit considérablement les émissions de CO2 qui engendrent le réchauffement climatique.
Voilà bien des motifs de protéger notre politique de gestion de l’offre. Quatre-vingts pour cent des députés à la Chambre des communes ont appuyé le projet de loi, dont les quatre chefs des formations politiques. J’ai bon espoir de voir le Sénat conforter ce choix et mettre notre politique de gestion de l’offre à l’abri des gouvernements étrangers et des multinationales. Alors, ce capital canadien sera vraiment non négociable.