Le sénateur Cardozo : Merci, messieurs les ministres Lametti et Duclos, d’être parmi nous pour cet important débat. J’ai deux questions à vous poser.
Ma première question est la suivante : lorsque le gouvernement a décidé de demander un délai, avez-vous envisagé un délai plus court, de six mois par exemple?
M. Lametti : Merci de la question, monsieur le sénateur. La réponse est simple, c’est oui. Comme le ministre Duclos l’a mentionné, le groupe d’experts dirigé par la Dre Gupta a estimé que nous serions prêts à aller de l’avant plus tard ce mois-ci. Cependant, certaines facultés de médecine partout au Canada ainsi que des groupes, provinces et territoires ont soulevé des questions et ont affirmé ne pas être prêts. Le ministre Duclos et moi avons eu diverses discussions, notamment avec des sénateurs qui siègent dans cette vénérable enceinte, de même qu’avec d’autres parlementaires et experts de partout au Canada, concernant un délai de six mois ou de neuf mois. En fin de compte, pour être parfaitement honnête, on a estimé qu’un délai sûr serait de six à neuf mois. Par mesure de sécurité, le gouvernement a opté pour un délai d’un an, pour être certain que tous les intervenants du Canada, c’est-à-dire le corps médical, les provinces et les territoires, soient sur la même longueur d’onde et prêts à passer à la prochaine étape en même temps. Ce délai nous donnera suffisamment de temps pour que tous soient prêts au même moment.
Le sénateur Cardozo : Ma deuxième question est peut-être un peu plus philosophique. Je la pose en sachant que lorsqu’il est question de l’aide médicale à mourir, il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Nous devons respecter le point de vue de tous. En qualité de parlementaires, nous recevons tous des lettres de Canadiens qui demandent désespérément qu’il n’y ait pas de délai. D’autres soutiennent qu’il faudrait carrément interdire l’aide médicale à mourir. J’aimerais que vous nous aidiez à aborder la question. C’est un véritable défi pour nous, en qualité de législateurs. Qu’avez-vous à dire aux parlementaires que nous sommes et aux gens qui ne veulent pas de ce délai?
M. Duclos : Vous avez raison; c’est une question très intime, très difficile et très complexe qui va nous chercher très loin.
Évidemment, par définition, toutes les questions liées à la vie et à la mort sont centrales à la vie humaine. Il est normal que nous soyons partagés, du moins au départ, lorsque nous réfléchissons à ces questions, surtout dans une société qui continue d’évoluer. De plus en plus, les gens veulent à la fois profiter d’une qualité de vie, mais aussi maintenir une certaine autonomie. Ils veulent aussi qu’on respecte leurs choix, peu importe les choix qu’ils veulent faire dans leur vie. Ce sont parfois des choix qu’ils font sur le plan de l’identité personnelle, des choix liés à des convictions religieuses et autres, des choix liés au mode de vie et des choix sur la façon de terminer leur vie; on sait tous que la vie va se terminer un jour, d’une manière ou d’une autre.
Ce sont des questions très personnelles et très difficiles dont vous traitez avec beaucoup de soin dans cette Chambre. Le travail que vous faites n’est pas facile. Vous faites un travail semblable à celui de l’autre endroit, soit celui d’essayer de rassembler des gens et des points de vue qui, au départ — presque par définition —, sont éloignés les uns des autres.
Par conséquent, j’aimerais vous encourager à continuer. Je pense à tous les députés et aux sénateurs en particulier qui ont siégé au sein du comité. Je pense à Marc Garneau, le président du comité, qui a annoncé son départ aujourd’hui. Marc a retardé jusqu’à aujourd’hui son départ de la vie politique. Il aurait pu partir plus tôt. À son âge et après avoir tant donné au Canada, il aurait pu nous quitter plus rapidement, mais ce qu’il m’a dit au caucus du Québec ce matin — et David était présent lui aussi —, c’est qu’il tenait à être là jusqu’à la fin. Il trouvait que c’était un travail important qu’il avait fait avec quelques-uns d’entre vous ici au Sénat, et il souhaitait le faire jusqu’à la fin.