L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, j’aimerais formuler quelques commentaires.
Tout d’abord, je tiens à préciser que je crois qu’il s’agit d’un projet de loi important. Je pense que le moment choisi est vraiment important parce que le Canada et de nombreux pays dans le monde font face à une menace réelle et croissante d’ingérence, qui est plus grave et plus dangereuse qu’elle ne l’a jamais été — en partie parce que nous vivons dans un monde plus dangereux et en partie à cause de tout ce qui peut être fait par l’intermédiaire de l’Internet.
Je veux parler de la loyauté et de la mère patrie, des questions qui ont été soulevées il y a quelques minutes. Il ne faut pas seulement s’attarder à la façon dont nous en avons discuté ici, mais aussi à la façon dont nous pensons à ces termes dans la société.
Nous vivons dans un pays qui compte environ 95 % d’immigrants et de descendants d’immigrants. À l’heure actuelle, la population est composée d’environ 30 % d’immigrants. J’en suis. Les critères de loyauté ne sont pas faciles à définir et ne devraient pas être appliqués de façon draconienne pour déterminer qui est loyal et qui ne l’est pas.
Je tiens à faire une distinction entre les enjeux sur lesquels portent mes commentaires et les questions de sabotage ou d’actes contre l’État. Il ne fait aucun doute que nous ne devrions pas tolérer les actes de sabotage contre l’État canadien ou la population canadienne. Je parle de la façon dont nous conversons entre nous et dont nous nous considérons les uns les autres.
Comme immigrants, les gens développent un sentiment de loyauté au fil du temps. Ce sentiment est déterminé par un ensemble complexe de questions, en commençant par le moment de leur arrivée, les raisons de leur venue, les raisons pour lesquelles ils ont quitté leur pays d’origine, s’ils y ont encore de la famille, s’ils faisaient partie de la majorité, s’ils ont été chassés de leur pays et s’ils sont des réfugiés. Toutes ces questions détermineront tout ce qu’ils éprouvent à l’égard de leur pays d’origine. Ils pourraient venir d’un autre pays, mais n’avoir jamais été considérés comme en faisant partie, alors ils pourraient ne pas considérer ce pays comme leur mère patrie. Ils pourraient considérer le Canada comme la mère patrie qu’ils ont cherchée toute leur vie.
Par contre, ces choses changent avec le temps et avec l’âge. À un certain âge, une personne peut être plus intéressée par l’école, les filles, les garçons et toutes sortes de choses. À une autre époque, elle porte davantage attention à la politique et à la nature du pays d’où elle vient.
Aussi, cela dépend de ce qui se passe dans leur pays d’origine. Peut-être qu’une personne d’origine ukrainienne se sentait déjà fière de son pays d’origine il y a cinq ans, mais qu’elle ressent encore plus fortement son attachement à l’Ukraine maintenant que sa terre natale, sa mère patrie, est menacée. Elle se sent maintenant plus ukrainienne que jamais. Est-ce à dire qu’elle manque soudain de loyauté envers le Canada? Non. Nous vivons dans un pays diversifié, et nous pouvons être loyaux envers plus d’un pays.
On parle souvent des gens originaires de Chine ou de Russie, mais prenons un instant pour penser à une personne d’origine française, par exemple un homme qui a déjà été chef du Parti libéral et qui avait la double nationalité canadienne et française. Était-il déloyal? Certains le pensaient, mais je ne suis pas de cet avis. C’est la nature de la double citoyenneté.
Andrew Scheer a aussi la double citoyenneté. Je ne pense pas qu’il soit moins loyal pour autant.
Dans notre société libre et démocratique, nous avons ces différents concepts où nous essayons de nous assurer de la loyauté des gens — et, encore une fois, je ne veux pointer personne du doigt et il ne s’agit pas simplement du débat de ce soir —, mais alors que nous allons de l’avant avec cette mesure législative et qu’il est question d’ingérence étrangère, il faut comprendre qu’il y a parmi nous des gens qui ressentent divers degrés de loyauté envers le Canada. C’est un peu comme l’amour. Il grandit, et parfois on est plus amoureux, parfois on l’est moins, et l’amour change avec le temps, en fonction d’un grand nombre de facteurs. Je ne m’aventurerai pas plus loin dans cette voie.
Je vais conclure en disant ceci : nous vivons dans une société complexe. Nous vivons dans un monde qui devient de plus en plus complexe et nous avons un projet de loi complexe, qui traite d’un grand nombre d’éléments différents, comme les mesures législatives de ce genre doivent le faire.
Dans l’ensemble, le projet de loi établit un juste équilibre, et c’est pourquoi je l’appuie fièrement. Merci.