Motion exhortant le gouvernement à étudier la création d’un programme souverain et national de Voyageurs vérifiés

Par: L'hon. Kristopher Wells

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L’honorable Kristopher Wells : Honorables sénateurs, c’est un plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour parler de la question importante soulevée par mon honorable collègue et compatriote albertaine, la sénatrice Simons.

Cette motion arrive à point nommé. Elle illustre une fois de plus les bouleversements et l’incertitude que vivent de nombreux Canadiens de partout au pays devant la transformation fondamentale que connaît notre relation avec les États-Unis. Les Canadiens ont cru, pendant des décennies, que leur prospérité, leur sécurité et même leurs moyens de subsistance seraient toujours étroitement associés aux liens profonds que nous partagions avec nos voisins du Sud. C’était tout simplement ainsi. C’était une base sur laquelle nous pouvions compter, nous servir comme fondement et nous appuyer pour l’avenir.

Le programme NEXUS, conçu pour rendre les voyages transfrontaliers et nationaux plus efficaces et plus rapides pour les gens qui répondaient aux conditions requises, n’était qu’une expression de cette proximité. Certaines personnes ont exprimé des inquiétudes au sujet du programme, bien sûr, mais beaucoup de gens trouvaient parfaitement logique qu’on coopère de près avec les États-Unis pour tout programme de voyageurs dignes de confiance qui aiderait des Canadiens à franchir plus facilement les contrôles de sécurité à l’aéroport et aux frontières.

Pour de nombreux détenteurs canadiens de la carte NEXUS, dont je fais partie, un voyage à Vancouver ou à Seattle se résume souvent à choisir la compagnie aérienne la moins chère ou la plus pratique. Aller à un concert à Toronto ou à Detroit peut simplement être une question de choisir la soirée qui convient le mieux à votre emploi du temps. Si vous deviez déjà vous rendre à un festival à Montréal, pourquoi ne pas louer une voiture pour faire un petit détour par la Nouvelle-Angleterre afin de revoir de vieux amis?

Beaucoup d’entre nous ont accepté de bonne grâce la synergie avec les États-Unis dans le cadre d’un programme qui aiderait également les Canadiens à voyager plus facilement à l’intérieur du pays. Beaucoup d’entre nous ont conclu qu’il était inutile d’avoir deux programmes différents. Après tout, nous pouvions toujours compter sur nos amis américains, n’est-ce pas?

Quelle différence peut faire une élection présidentielle! La réalité d’aujourd’hui est radicalement différente. Comme le premier ministre Mark Carney nous l’a récemment rappelé, l’ancienne relation du Canada avec les États-Unis « […] est révolue ». Ce sont des mots durs, mais ils représentent la nouvelle réalité du Canada, voire du monde entier. Les États-Unis ne sont plus le partenaire fiable qu’ils étaient autrefois, et la nostalgie ne peut servir de base à une politique saine.

En réponse à l’attitude de plus en plus agressive des États-Unis envers le Canada, les Canadiens eux-mêmes résistent. Nous avons assisté à la reprise de différends commerciaux, avec l’imposition de droits de douane dissuasifs sur l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre résineux canadiens. Nous avons vu des accords qui inspiraient confiance et qui étaient autrefois célébrés comme des symboles de respect mutuel être remis en cause ou sapés unilatéralement. Tout récemment, nous avons entendu l’ambassadeur des États-Unis au Canada remettre en question des arrangements comme le précontrôle dans les aéroports canadiens.

Les Canadiens en prennent conscience. De plus en plus, ils choisissent de voter avec leur porte-monnaie, de soutenir les produits et les industries du Canada dans un élan de résilience, de solidarité et de souci de l’intérêt national. Nous assistons à un changement culturel marqué. Alors qu’autrefois, un week-end de l’autre côté de la frontière était presque un automatisme, de nombreux Canadiens choisissent désormais d’éviter complètement de se rendre aux États-Unis.

Au lieu de cela, ils redécouvrent ce que notre propre pays a à offrir : nos festivals, nos paysages naturels, nos artistes et nos communautés diversifiées. Face à l’hostilité, les Canadiens ne se replient pas sur eux-mêmes dans la peur ou l’amertume. Au contraire, nous nous tournons vers l’intérieur avec fierté, nous célébrons notre culture, notre identité et nos lieux emblématiques ici, chez nous.

Chers collègues, les fondements sur lesquels reposaient des programmes comme NEXUS ont changé, et il est temps d’avoir une discussion difficile, mais honnête. Elle intervient au milieu d’un débat plus large sur la manière dont nous pouvons soutenir nos systèmes de transport des marchandises et des personnes. Les aéroports font toutes sortes de demandes, de l’adoption de nouvelles technologies à l’adaptation de nos structures tarifaires. Il est clair qu’il reste beaucoup à faire.

Chers collègues, soyons clairs : il ne s’agit pas simplement d’un manque de confiance envers l’administration Trump ou d’un geste de protestation contre elle. Si je réclame ce changement de politique, ce n’est pas pour faire une déclaration politique. Ce sont les mesures prises par le gouvernement américain dans le domaine des libertés et droits fondamentaux qui ont rendu ce changement nécessaire.

Les Canadiens voient les protections durement acquises pour les femmes, les personnes racisées et surtout les communautés 2ELGBTQI+ être démantelées dans les assemblées législatives des États et même dans les illustres couloirs du Congrès américain. Nous voyons la liberté d’expression interdite, les soins médicaux refusés et des familles contraintes de vivre dans la peur dans les rues de leurs propres collectivités.

Il ne s’agit pas de débats abstraits. Ce sont des gestes concrets qui nous amènent légitimement à nous interroger sur le type de société que devient notre plus proche voisin. Ces mesures s’écartent nettement des engagements que nous avons pris dans le cadre de notre propre Charte des droits et libertés.

La Constitution du Canada affirme l’égalité et la dignité de chaque personne. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que nos programmes nationaux reflètent ces valeurs essentielles. D’ailleurs, les tribunaux canadiens sont déjà aux prises avec les conséquences de ces divergences. Il y a des personnes qui cherchent refuge au Canada pour échapper à la discrimination et à la violence croissantes à l’égard des personnes 2ELGBTQI+ aux États-Unis. En effet, notre système de détermination du statut de réfugié reconnaît de plus en plus la vigueur de ces demandes. Il devient impossible d’ignorer l’hostilité bien réelle de l’administration Trump envers les personnes trans, altersexuelles et de diverses identités de genre.

Cela m’amène à l’un des aspects les plus préoccupants du programme NEXUS lui-même : son refus de reconnaître les Canadiens trans et non binaires.

Comme il a été annoncé récemment, le programme NEXUS ne permettra plus aux personnes de diverses identités de genre d’utiliser le marqueur « X » pour indiquer leur genre. Les renouvellements et les nouvelles demandes doivent, selon un décret de l’administration Trump, refléter le sexe attribué à la naissance. Ainsi, les Canadiens qui ne correspondent pas parfaitement à une binarité de genre doivent désormais choisir entre leur identité de genre et l’accès à un programme gouvernemental important.

C’est la définition même de la discrimination.

Imaginez que votre gouvernement vous dise que la personne que vous êtes vous empêche de bénéficier d’un accès égal et de chances égales. Imaginez que votre voisin, votre collègue, votre frère ou votre enfant se voit refuser l’accès à un programme financé par le gouvernement en raison de la manière dont un gouvernement étranger a choisi de le catégoriser.

Il ne s’agit pas d’une simple négligence administrative. Il s’agit d’une exclusion systématique. Ces changements vont directement à l’encontre de la législation canadienne et des valeurs canadiennes.

Il ne s’agit pas simplement d’une préoccupation théorique. Cette semaine encore, le gouvernement canadien a mis à jour son avis aux voyageurs pour les États-Unis, qui comprend un avertissement inquiétant pour les personnes 2ELGBTQI+. On nous informe que notre communauté risque d’être soumise à une surveillance accrue en raison de l’identité de genre de chacun. Si nous en sommes arrivés au point où nous devons avertir les Canadiens 2ELGBTQI+ qu’ils risquent d’être victimes de discrimination dans les aéroports états-uniens, alors il est évident qu’il nous faut un nouveau programme dans les aéroports canadiens.

C’est pourquoi la motion de la sénatrice Simons est si importante. Un programme canadien de voyageurs dignes de confiance qui respecte les valeurs canadiennes et qui permet de maintenir des mesures de sécurité et d’efficacité essentielles dans nos aéroports permettrait essentiellement de garantir à chaque Canadien qu’il sera traité avec dignité et équité, quelle que soit son identité.

Nous ne devons pas accepter que le respect des droits de nos concitoyens soit tributaire des politiques ou des préjugés d’un autre pays. Un programme conçu ici, par et pour les Canadiens, peut et doit refléter toute la diversité de notre pays. Il est temps d’entamer cette importante discussion.

En préparant mes observations, j’ai discuté avec Marni Panas, une leader courageuse de la communauté trans du Canada qui a déclaré ceci :

Le fait que le Canada compte sur le département de la Sécurité intérieure pour déterminer si je peux voyager en toute sécurité dans mon propre pays est pour le moins dégoûtant. La seule raison pour laquelle j’ai obtenu une carte NEXUS, c’est pour réduire au minimum les interactions avec l’Agence des services frontaliers du Canada ou avec l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Pour une personne trans, voyager est déjà assez angoissant, surtout quand elle est choisie lors des fouilles au hasard […] Ma carte NEXUS est essentielle pour me permettre de voyager partout au Canada et de revenir au Canada. Ces changements me terrifient.

En 2025, au Canada, nos concitoyens ne devraient pas être terrifiés à l’idée d’aller à l’aéroport.

Si nous voulons que notre Charte ait un sens et que notre engagement envers l’égalité soit plus que de simples mots, nous devons veiller à ce que tous les Canadiens aient accès aux mêmes possibilités et protections en matière de citoyenneté, sans discrimination. C’est ce que permettrait d’accomplir un programme spécialement conçu au Canada pour les voyageurs dignes de confiance.

Il est temps d’ouvrir le débat. Il est temps de travailler d’arrache-pied pour élaborer des politiques et des programmes qui tiennent véritablement compte de notre vraie nature et ce à quoi nous aspirons en tant que nation.

Je suis honoré d’appuyer la motion de la sénatrice Simons, et j’exhorte mes honorables collègues à faire de même.

Merci. Meegwetch.

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