Le sénateur Gignac à la troisième lecture du projet de loi C-69, Loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Par: L'hon. Clément Gignac

Partager cette publication:

Colourful homes, St Johns, Newfoundland

L’honorable Clément Gignac : Chers collègues, je souhaite intervenir également sur le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril dernier.

Évidemment, nul besoin pour moi de parler de chacune des mesures contenues dans le projet de loi, puisque le parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda, l’a fait avec éloquence — et enthousiasme, j’ajouterais — hier soir. Puisque vous êtes maintenant tous bien au fait du contenu du projet de loi C-69, mon intervention sera brève et ne devrait pas dépasser cinq minutes.

En tant que membre du Comité des finances nationales, je voudrais simplement revenir sur l’une des nombreuses observations contenues dans le rapport du comité déposé hier soir dans cette Chambre.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de notre greffière et le leadership du nouveau président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a passé le test de deux projets de loi d’exécution du budget dans la même semaine. On va lui souhaiter de la longévité au poste de président du comité.

D’ailleurs, je tiens à remercier mes collègues d’avoir accepté d’inclure mon observation, dont je vais vous parler maintenant.

Même s’il contient plus de 600 pages et inclut de nombreuses mesures qui n’ont aucun lien avec les questions financières, une mesure importante du budget de 2024 ne figure nulle part dans le projet de loi C-69, soit les changements proposés au régime d’impôt sur les gains en capital.

En dépit de son absence, nous avons entendu de graves préoccupations de la part des Canadiens de divers horizons à propos des incertitudes créées par les changements proposés. En effet, le gouvernement a proposé le 25 juin prochain — la semaine prochaine — comme date d’entrée en vigueur de l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, même si le projet de loi connexe n’a pas encore été déposé. Le comité s’interroge sur cette façon de faire, notamment dans le cas d’une mesure qui a de grandes incidences sur les finances des Canadiens en cette période d’incertitude économique.

Honorables sénatrices et sénateurs, on ne parle pas ici d’une simple hausse de la taxe sur l’essence ou sur les produits du tabac. Il s’agit d’un changement majeur aux règles fiscales en place qui existent depuis près de 25 ans, soit depuis l’an 2000, quand le ministre libéral des Finances de l’époque, le très honorable Paul Martin, avait décidé d’abaisser le taux d’inclusion de 75 % à 66 % en février 2000 et à 50 % en septembre de la même année.

Chers collègues, j’ai hâte de pouvoir partager avec vous, à notre retour au Sénat en septembre, les motifs économiques évoqués par l’ex-ministre des Finances Paul Martin pour justifier la réduction du taux d’inclusion des gains en capital.

Il faut souligner qu’à l’époque, ce grand argentier libéral, qui avait un style de gestion très conservateur, avait assaini les finances publiques et ramené l’équilibre budgétaire au pays.

Chers collègues, je déplore que le Comité sénatorial permanent des finances nationales n’ait pas pu exercer cette fois-ci son rôle de second examen avant l’entrée en vigueur de cette mesure mardi prochain. On n’a pas pu convoquer de témoins experts, proposer des amendements ou simplement valider les affirmations de la ministre des Finances, selon laquelle cette mesure ne touche qu’une infime partie de la société, soit les mieux nantis, et n’aura pas d’impact économique ni sur les décisions d’investissement ni sur la croissance économique.

Techniquement, il est vrai que la ministre des Finances n’avait aucune obligation légale d’inclure cette mesure fiscale dans le projet de loi d’exécution du budget du projet de loi C-69. Le gouvernement a plutôt choisi de déposer le 10 juin dernier un avis de motion de voies et moyens visant à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu avant l’entrée en vigueur de cette mesure. C’était son choix.

Soulignons qu’aucune date limite n’est prévue pour le dépôt d’un projet de loi portant sur l’exécution d’une mesure fiscale contenue dans un budget devant le Parlement pour une mesure fiscale qui entre en vigueur à la suite du dépôt d’un avis de motion de voies et moyens. Il n’y a pas de limite. La seule contrainte, c’est qu’il faut le déposer avant une abrogation de la session.

Honorables sénateurs et sénatrices, si la raison invoquée pour avoir choisi de ne pas inclure cette mesure fiscale dans le projet de loi était le délai requis par les fonctionnaires pour bien préparer la documentation sur le futur projet de loi sur les gains en capital, le gouvernement aurait pu choisir une date ultérieure, comme le 1er octobre ou le 1er janvier prochain, comme l’ont suggéré plusieurs experts.

Rappelons que la dernière fois qu’un ministre des Finances a choisi de relever le taux d’inclusion des gains en capital au pays, c’était il y a 45 ans, quand le ministre des Finances de l’époque, l’honorable Michael Wilson, avait annoncé six mois à l’avance, en juin 1987, avec le dépôt d’un livre blanc, le relèvement du taux d’inclusion sur les gains en capital de 50 % à 66 % pour le 1er janvier suivant. Il y avait eu un préavis de six mois. Quand il avait décidé de le hausser à 75 %, il l’avait annoncé deux ans et demi auparavant.

Chers collègues, puisqu’il n’est pas d’usage dans cette Chambre de commenter une mesure fiscale qui ne figure pas dans le projet de loi, je vais conclure en affirmant que cette façon de procéder pour cette réforme de la taxation des gains en capital n’est pas une pratique souhaitable au plan législatif. J’ajouterais même que ce n’est pas à la hauteur des attentes des investisseurs et des Canadiens de ce grand pays membre du G7 et doté d’une cote de crédit AAA. On devrait viser plus haut en matière de pratiques, de saine gouvernance et de prévisibilité de notre régime fiscal. On devrait aussi donner la chance à cette Chambre de jouer son rôle de second examen attentif si l’on croit vraiment dans l’indépendance du Sénat.

Merci.

Partager cette publication: