L’honorable Peter Harder propose que le projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada, soit lu pour la deuxième fois.
— Je tiens à souligner que je prends la parole à partir du territoire traditionnel non restitué de la nation algonquine anishinaabe.
Honorables sénateurs, je suis heureux de vous faire part de mon appui au projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne. Avant d’aborder plus en détail le projet de loi, j’espère que nous nous entendons tous sur le fait que notre secteur de l’information doit relever des défis considérables et que nous devons mettre les mesures en place pour qu’il y arrive.
Pour qu’une démocratie soit saine, ses citoyens doivent être bien informés, et pour être bien informés, les citoyens ont besoin d’une presse libre et indépendante. Pourtant, il ne se passe pas une année sans que nous apprenions qu’un organe de presse peine à joindre les deux bouts pour remplir son mandat d’offrir aux Canadiens de l’information juste et impartiale. Comme nous le savons tous très bien, chers collègues, une presse libre et indépendante est l’une des assises nécessaires pour soutenir une société sûre, prospère et démocratique. Nous devons veiller à la viabilité des médias d’information.
En outre, nous sommes tous d’accord pour dire que nos habitudes de consommation de nouvelles ne seront plus jamais comme avant. Il est bien révolu le temps des grands journaux sérieux qui menaient les débats sur les enjeux de société. De nos jours, que ce soit par nos recherches sur Internet ou dans les médias sociaux, les nouvelles arrivent à nous par diverses plateformes numériques. En gros, le modèle d’affaire de ces plateformes numériques consiste à recueillir des milliards de dollars en revenus publicitaires en échange de nos yeux rivés sur l’écran.
Mais même si c’est le secteur de l’information qui fait le gros du travail en couvrant les nouvelles et les événements du jour et en faisant des reportages sur ce qui compte pour nos collectivités, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale, ce secteur ne récupère qu’une mince partie de la valeur de son travail.
Si nous convenons que les nouvelles sont essentielles pour que l’électorat soit informé, il faut alors rectifier le déséquilibre actuel qui menace notre démocratie. Cette mesure législative fait écho à une mesure semblable présentée en Australie, mais d’autres pays mettent en œuvre ou planifient des lois semblables.
La Nouvelle-Zélande, par exemple, a annoncé en décembre 2022 que sa propre mesure législative s’inspirerait grandement de ce qu’on qualifiait d’approche objective, à l’épreuve du temps et transparente.
Le projet de loi C-18 vise à créer un écosystème de nouvelles qui favorise la création de contenu de nouvelles de grande qualité et reflète la variété des voix et des histoires du Canada. Nous savons que ce type de contenu est au cœur de notre discours social et civique, et qu’il est essentiel à la santé des collectivités qui composent notre pays. Sans des médias en santé — pas seulement ici, à Ottawa, mais aussi dans toutes les collectivités, petites et grandes —, la capacité de la population à exiger des comptes de ses dirigeants va s’atrophier. Les électeurs vont devenir moins — ou mal — informés au sujet des enjeux électoraux, et les politiques visant à créer une meilleure société seront à peine effleurées, voire totalement occultées.
Nous avons vu comment la diffusion de mésinformation et de désinformation dans le monde peut nuire aux sociétés. Des médias rigoureux qui posent des questions constituent l’un des antidotes les plus efficaces à ces problèmes.
Nous comprenons tous que la liberté d’expression et la liberté de presse exigent que les reportages soient réalisés en toute indépendance éditoriale, sans ingérence gouvernementale indue. Cette idée exige que les Canadiens puissent continuer à s’exprimer en ligne, notamment en partageant des contenus de nouvelles.
En outre, nous devons également reconnaître qu’en fin de compte, notre liberté d’expression en tant que Canadiens dépend essentiellement de la qualité du contenu de nouvelles et de l’information que nous créons et consommons.
Le projet de loi C-18 concentre son appui sur les entités qui créent du contenu de nouvelles de qualité, les entreprises de nouvelles admissibles, les médias qu’elles exploitent et les journalistes qu’elles engagent.
Certes, les services qui regroupent les reportages d’autres entreprises pour leurs utilisateurs ont un rôle à jouer dans l’écosystème canadien de l’information. Ces services en ligne ont réalisé des progrès remarquables dans la façon dont nous accédons aux nouvelles et, en général, dans la façon dont nous échangeons de l’information.
Au bout du compte, la valeur de ces services, qui agissent comme des gardiens de l’information en ligne, dépend de celle de l’information qu’ils organisent. Le succès de certaines plateformes en tant que gardiennes de l’information leur a permis de prédominer dans le domaine de la publicité en ligne. Cette prédominance crée un déséquilibre qui compromet les sources de revenus des entreprises de nouvelles et la poursuite de la création de nouvelles de qualité.
C’est pourquoi le projet de loi C-18 vise à uniformiser les règles du jeu entre les plateformes en ligne dominantes et les entreprises de nouvelles. Le projet de loi C-18 appuiera les entreprises de nouvelles et leurs médias lorsqu’ils produisent principalement le type de journalisme et de reportage rigoureux que les Canadiens attendent des nouvelles produites par des professionnels.
Le gouvernement estime qu’environ 215 millions de dollars canadiens en compensation seront versés chaque année par les plateformes numériques aux entreprises de nouvelles admissibles au Canada.
Le projet de loi sur les nouvelles en ligne propose un cadre législatif et réglementaire souple et moderne qui favorise l’équité sur le marché. Il permettra aux plateformes et aux médias de toutes tailles de négocier des conventions collectives dans des conditions plus équitables pour tous les joueurs. C’est la voie à suivre pour établir un meilleur équilibre du pouvoir de négociation dans l’écosystème canadien des nouvelles numériques.
Toutes les estimations financières prévoient que le projet de loi C-18 aura des répercussions substantielles. À titre d’exemple, le directeur parlementaire du budget a estimé que le projet de loi pourrait entraîner des indemnisations totalisant 329 millions de dollars pour les diffuseurs de nouvelles. Lorsqu’on compare la définition utilisée par les radiodiffuseurs à celle du reste de l’industrie de l’information, on constate qu’elle est nettement plus large et que, de ce fait, la répartition du côté des radiodiffuseurs est probablement plus élevée. Il vaut la peine que le comité se penche sur ces éventuelles divergences. Néanmoins, force est de reconnaître que ces paiements fourniront une planche de salut aux diffuseurs d’information canadiens en difficulté.
Des amendements clés apportés à l’autre endroit améliorent le projet de loi à plusieurs égards. Mentionnons entre autres la modification des critères d’admissibilité des nouvelles entreprises, les règles exemptant les plateformes de l’application du régime et d’autres changements qui font suite aux demandes des intervenants pour améliorer la capacité du projet de loi C-18 de soutenir un plus vaste éventail d’entreprises de presse, notamment les petits médias et des points de vue divers.
Qui bénéficiera de ce projet de loi? Tout d’abord, les entreprises de nouvelles doivent faire une demande pour être admissibles à participer aux négociations. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, désignera les entreprises de nouvelles comme admissibles si elles répondent à un ensemble de critères destinés à favoriser un journalisme rigoureux et de qualité visant à informer les Canadiens sur des sujets importants. Pour être admissibles, les entreprises de nouvelles peuvent être désignées de quatre façons : à titre d’organisation journalistique canadienne qualifiée au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu; à titre de radiodiffuseur universitaire, communautaire ou autochtone autorisé; à titre d’organisation canadienne diffusant des nouvelles d’intérêt général; ou à titre d’organe de presse autochtone. Ces critères soigneusement étudiés sont conçus pour que ce nouveau régime bénéficie uniquement à un journalisme de qualité.
En ce qui concerne la première voie d’admissibilité, la désignation à titre d’organisation journalistique canadienne qualifiée, vous vous souviendrez que celle-ci a été instaurée dans le cadre du crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne présenté dans l’Énoncé économique de l’automne 2018. Il est précisé que, pour y être admissibles, les entreprises de nouvelles doivent produire des reportages originaux sur des sujets et des événements qui importent aux lecteurs canadiens, notamment des nouvelles, des reportages, des enquêtes, des portraits, des interviews, des analyses ou des commentaires.
Ces organisations journalistiques admissibles sont examinées par un comité consultatif indépendant composé de divers professeurs en activité ou retraités d’écoles de journalisme postsecondaires de tout le pays. En nous appuyant sur les critères employés pour désigner les organisations journalistiques canadiennes qualifiées, nous pouvons faire en sorte que les critères d’admissibilité des nouvelles entreprises correspondent aux mesures législatives en vigueur, des mesures qui ont fait leurs preuves et qui permettent de réduire au minimum la paperasserie, l’intervention du gouvernement et les dédoublements.
Les organisations journalistiques canadiennes qualifiées doivent également respecter les principes de base du journalisme, notamment en ce qui concerne l’engagement à mener des recherches et à vérifier l’information avant de la publier et à présenter des points de vue et des analyses diversifiés. Un organe de presse admissible devra également avoir une politique concernant la correction des erreurs et la représentation honnête des sources.
L’autre endroit a ajouté une voie permettant d’être reconnu comme organe de presse ou entreprise admissible. Les partis ont convenu que les diffuseurs de campus, les diffuseurs communautaires et les diffuseurs autochtones détenteurs d’une licence obtenue aux termes de la Loi sur la radiodiffusion communiquent une quantité importante de nouvelles et d’informations locales partout au pays, même s’ils ne répondent peut-être pas à la définition d’organisaton journalistique canadienne qualifiée. Ces diffuseurs ont été ajoutés en reconnaissance de leur rôle et de la contribution unique qu’ils apportent dans le paysage journalistique canadien.
Les entreprises de presse qui ne sont pas désignées comme des organisations journalistiques canadiennes qualifiées peuvent également faire une demande pour devenir admissibles si elles font des reportages sur les actualités d’intérêt général, notamment sur les institutions et les processus démocratiques, et qu’elles font la démonstration de leur rigueur au moyen d’une supervision éditoriale et du respect des normes reconnues du journalisme professionnel.
Pour pouvoir utiliser cette voie, une entreprise doit employer régulièrement deux journalistes ou plus. Cette exigence favorise l’uniformité parce qu’elle reflète les règles d’admissibilité existante à la reconnaissance en tant qu’organisation journalistique canadienne qualifiée. Elle favorise également un plus haut standard en matière de reportage parce qu’elle fait en sorte que le contenu journalistique peut être analysé du point de vue éditorial et indépendant d’un autre journaliste professionnel. Cette exigence relative à la présence de deux journalistes est cruciale pour garantir que les Canadiens ont accès à un journalisme indépendant et rigoureux.
Un autre amendement important qui a été apporté à l’autre endroit précise maintenant que cette règle n’exige pas que les journalistes soient indépendants de l’entreprise. Autrement dit, cela rend le cadre plus inclusif à l’égard des entreprises en démarrage et des petits médias d’information, y compris ceux qui servent un lectorat diversifié et des collectivités plutôt rurales, dont les propriétaires ou les exploitants exercent parfois également la profession de journaliste. Ce projet de loi sera avantageux pour les médias dans les petites collectivités des Prairies, du Nord du Canada et d’autres villages isolés ainsi que les médias ethniques. Dans bien des cas, ces collectivités n’ont qu’un seul média local sur lequel elles peuvent compter.
L’autre endroit a ajouté une quatrième et dernière voie d’admissibilité. La dernière catégorie d’entreprise de nouvelles pouvant être considérée comme étant admissible est celle des médias autochtones. Une entreprise est admissible si elle exploite un média d’information autochtone au Canada et produit du contenu de nouvelles portant notamment sur des questions d’intérêt général, y compris la couverture de questions liées aux droits des peuples autochtones, dont le droit à l’autonomie gouvernementale et les droits issus de traités. Le projet de loi C-18 s’applique à toutes les plateformes et offrira un soutien à tous les types de médias d’information. La presse écrite, les médias numériques et les radiodiffuseurs qui répondent aux critères sont tous admissibles en vertu du projet de loi C-18.
Promouvoir la viabilité des médias autochtones au pays favorise la diversité au sein de notre paysage médiatique en soutenant du contenu d’actualité qui reflète adéquatement la diversité culturelle autochtone de notre pays. De plus, cet aspect du projet de loi C-18 reflète notre engagement et l’engagement du gouvernement à faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones.
On a posé la question à savoir pourquoi notre radiodiffuseur national devrait être admissible en vertu du projet de loi C-18, puisque CBC/Radio-Canada reçoit déjà du financement public.
Dans de nombreuses régions de notre pays, CBC/Radio-Canada est la seule source d’informations fiables, basées sur des faits. Les Canadiens comptent sur les nouvelles de notre radiodiffuseur public. Il est tout à l’avantage des géants du numérique que notre radiodiffuseur public ne soit pas en mesure de négocier la valeur de son contenu en ligne. En outre, pourquoi les contribuables canadiens devraient-ils financer les résultats de ces plateformes en acceptant que le contenu qu’ils ont contribué à payer soit utilisé gratuitement? Dans leur ensemble, ces critères d’admissibilité pour les entreprises de presse donnent des indications claires aux médias qui souhaitent bénéficier du régime. Comme ces critères prennent en compte tout un éventail d’entreprises, y compris les petites entreprises et les entreprises indépendantes, ils appuient l’objectif du projet de loi, qui est de contribuer à la viabilité du marché de l’information.
Comme je l’ai mentionné, le projet de loi C-18 encouragera les plateformes numériques qui sont en position de force sur le marché à conclure des ententes commerciales volontaires qui compenseront équitablement les entreprises de presse canadiennes pour l’utilisation et le partage de leurs nouvelles en ligne. Le CRTC jouera un rôle important en veillant à ce que le cadre législatif permette d’aboutir à des accords équitables qui contribuent à la viabilité du secteur de l’information. En tant qu’organisme de réglementation indépendant, le CRTC a notamment pour mission de défendre la liberté d’expression et l’indépendance journalistique.
Le CRTC est un expert de la réglementation des médias, des processus publics justes et transparents, et de l’arbitrage sur l’offre finale. Il est bien placé pour mettre en œuvre les outils réglementaires prévus dans le projet de loi qui empêchent les plateformes numériques de favoriser indûment ou de désavantager certaines entreprises de nouvelles, préservant ainsi l’indépendance de la presse.
Le rôle du CRTC sera de préparer la voie à des ententes négociées de façon équitable, notamment en élaborant un code de conduite et en surveillant le marché pour veiller à ce que le cadre continue de répondre aux objectifs. Dans les rares cas où les parties ne peuvent pas s’entendre, le CRTC facilitera l’arbitrage sur l’offre finale, une option qui, à mon avis, est bien présentée dans le projet de loi C-18 comme un dernier recours.
Un des rôles du CRTC sera d’accorder aux plateformes des exemptions à certaines parties de la loi. Pour obtenir une exemption, les plateformes doivent montrer qu’elles contribuent à la viabilité du secteur de l’information en concluant des accords commerciaux avec des entreprises de nouvelles qui reflètent la diversité du marché canadien des nouvelles.
Les plateformes — définies comme des « intermédiaires de nouvelles numériques » dans le projet de loi — qui souhaitent obtenir une exemption disposent d’une feuille de route claire. Elles peuvent conclure des ententes avec des médias d’information se trouvant dans de petites localités d’un océan à l’autre. Elles peuvent conclure des ententes avec des médias d’information qui produisent du contenu dans les deux langues officielles, des médias autochtones et des médias représentant des communautés noires et d’autres groupes racialisés. Les ententes avec les médias devraient être réparties de façon équilibrée dans l’ensemble des régions du pays. Les ententes doivent aussi garantir que les journalistes et les rédacteurs en chef peuvent continuer à couvrir les sujets d’intérêt sans ingérence, dans le respect de l’indépendance de la presse et de la liberté d’expression.
De nouveaux critères présentés à l’autre endroit font en sorte que les plateformes doivent aussi négocier des ententes avec de petits joueurs, comme les médias à but non lucratif, les entreprises de nouvelles qui s’adressent à diverses populations et les médias d’information autochtones. C’est une autre raison nous permettant d’espérer que le projet de loi, une fois mis en œuvre, aura un effet positif sur le milieu journalistique canadien.
Les règles d’exemption du régime fournissent aux plateformes des critères clairs et transparents pour les aider à conclure des accords de manière équilibrée et équitable. L’accent est mis sur la portée des accords et l’étendue du marché qu’ils couvrent. Le CRTC accordera une exemption de la loi à une plateforme en ligne, à condition que les ententes reflètent cette approche équilibrée et équitable. Ces critères d’exemption sont objectifs et conçus pour faire avancer les objectifs du projet de loi. Soyons clairs : le CRTC ne choisira pas de gagnants et ne fera pas de perdants. Le cadre est fondamentalement basé sur des négociations libres entre les diffuseurs de nouvelles et les plateformes, établissant des règles du jeu équitables pour ces accords. Il prévoit des garanties pour assurer qu’en fin de compte, les accords favorisent l’intérêt public, comme le vise la loi.
La transparence est intégrée au processus réglementaire dès les premières étapes. Cela inclut à la fois les décisions d’admissibilité et d’exemption. L’organisme de réglementation sera en mesure d’évaluer si un accord entre les entreprises de nouvelles et les plateformes présente un risque pour l’indépendance journalistique, préservant ainsi la liberté de la presse.
Les renseignements obtenus dans le cadre de ce processus serviront aussi à une autre fin novatrice prévue dans le projet de loi C-18, c’est-à-dire pour le rapport annuel qui sera établi par un vérificateur indépendant au sujet de l’effet du projet de loi C-18 sur le marché canadien des nouvelles numériques. En donnant au CRTC le pouvoir d’évaluer les accords, on facilite le suivi des retombées et des effets de la loi. Voilà comment nous pourrons vérifier dans quelle mesure celle-ci renforce l’équité sur le marché des nouvelles numériques, conformément à son objectif.
Les processus publics du CRTC permettront de faire des commentaires et de corriger le tir par la suite au besoin. Ils permettront aussi de mieux évaluer l’effet de la loi sur la viabilité à long terme du secteur des nouvelles canadien. C’est l’une des raisons pour lesquelles des pays aux vues similaires à celles du Canada considèrent que l’approche souple et novatrice du Canada est un bel exemple d’objectivité et de transparence.
Honorables sénateurs et sénatrices, je m’en voudrais de ne pas reconnaître le rôle essentiel des médias dans la protection de la vitalité de nos langues, de notre culture et de notre identité. Il est également important de s’assurer que les Canadiens et les Canadiennes ont accès à de l’information approfondie basée sur les faits, et ce, dans la langue officielle de leur choix. C’est pourquoi le projet de loi C-18 exige que les plateformes concluent une série d’ententes avec les médias, y compris les organismes de presse locaux et régionaux de chaque province et territoire, les communautés anglophones et francophones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Je suis aussi heureux de constater que les organisations comme Hebdos Québec ont exprimé leur fort appui à ce projet de loi. J’aimerais partager avec vous l’extrait d’une déclaration d’Hebdos Québec, laquelle, j’imagine, reflète le sentiment de nombreux médias partout au pays. L’extrait se lit comme suit :
[…] il ne s’agit pas d’une question de technologie, mais plutôt d’une différence de pouvoir de négociation. Individuellement, les journaux ne peuvent pas se détourner des plateformes, sous peine de perdre une grande partie de leur lectorat et de leurs recettes publicitaires.
Google et Facebook sont la seule option pour de nombreux éditeurs, alors que les plateformes peuvent ignorer les demandes de n’importe quel éditeur.
Le gouvernement sera là pour les Canadiens et les Canadiennes, parce qu’ils s’attendent à ce qu’il agisse pour protéger leur journalisme local de manière transparente; parce qu’il doit protéger l’avenir d’une presse libre et indépendante; parce qu’il faut s’assurer que les Canadiens et les Canadiennes ont accès à des informations fondées sur les faits; enfin, parce qu’on doit protéger collectivement la force de notre démocratie.
J’aimerais maintenant profiter de l’occasion pour répondre à certaines des préoccupations que j’ai entendues au sujet de ce projet de loi. Une grande partie des commentaires sur le projet de loi C-18 ont porté sur de malheureuses déclarations erronées sur le « paiement au clic » et la « fin de la liberté d’expression en ligne au Canada ». Malheureusement, cette perspective cherche à dépeindre ce projet de loi comme une autre menace pour Internet tel que nous le connaissons au Canada.
Je suis convaincu que beaucoup d’entre vous entendent parler de certains de ces enjeux à propos du projet de loi. Bien entendu, il n’est pourtant pas difficile d’établir des liens.
Lorsque des observateurs affirment que le projet de loi C-18 va « démolir Internet », ce qu’ils veulent dire, c’est que le projet de loi C-18 aura un effet négatif sur les marges bénéficiaires des plateformes dominantes. Le projet de loi exigera que ces plateformes partagent équitablement les revenus publicitaires avec les personnes qui créent et publient le contenu des nouvelles qui est diffusé par les services des plateformes. L’Australie a une loi semblable, et je peux vous assurer qu’Internet fonctionne toujours là-bas. Je suis convaincu qu’il fonctionnera également en Nouvelle-Zélande lorsque ce pays mettra en avant son propre régime dans les semaines à venir.
Lorsque certains affirment que le projet de loi C-18 entraînera le blocage de liens en ligne, ils veulent dire que les grandes plateformes ne sont pas prêtes à se laisser faire. En réponse à la récente loi sur les nouvelles en ligne en Australie, nous avons tous vu Meta retirer des liens vers les nouvelles, ainsi que de l’information sur des services essentiels, y compris des bulletins météorologiques. Grâce à des dénonciateurs, nous savons maintenant que Meta a calculé ces retraits pour maximiser le chaos et les dommages. Les Canadiens ne se laisseront toutefois pas intimider. Les plateformes numériques dominantes devraient avoir à négocier équitablement et de bonne foi, et c’est ce que prévoit ce projet de loi.
Soyons clairs. Le projet de loi C-18 ciblerait les plateformes les plus dominantes qui agissent comme des intermédiaires clés dans la façon dont les Canadiens ont accès aux informations. On négocierait des ententes avec ces plateformes pour répartir équitablement les bénéfices qu’elles touchent grâce à tous les moyens dont elles disposent pour rendre les informations accessibles aux utilisateurs de leurs services.
Le projet de loi C-18 ne vise pas à mettre en place un stratagème de paiement au clic pour les informations. Selon moi, ceux qui laissent entendre cela donnent une fausse idée du cadre qui est proposé. Ils voient les choses selon l’approche conventionnelle des droits de diffusion en ligne, qui relève essentiellement des droits d’auteur. Or, les mesures du projet de loi C-18 viennent s’ajouter à celles de la Loi sur le droit d’auteur. Dans le cas d’une plateforme numérique qui cause un important déséquilibre des pouvoirs, ces mesures imposent un cadre de négociation pour forcer la tenue d’un processus de négociation équitable et de bonne foi. Le projet de loi n’a rien à voir avec les droits d’auteur. Ces mesures visent plutôt à assurer une concurrence loyale dans ce domaine.
Autre mythe : certains disent que le projet de loi C-18 vise à mettre en place une taxe sur les liens ou à imposer des paiements pour les liens, et ils en déduisent que le projet de loi encouragera les pièges à clics plutôt que le journalisme de grande qualité et, pire encore, qu’il mettra fin aux liens gratuits sur le Web. Or, ce n’est pas ce que le projet de loi C-18 vise à faire. Aucune des dispositions de ce projet de loi ne force qui que ce soit à exiger des droits ou des paiements pour un lien. En revanche, ce qui est exigé dans le projet de loi, c’est que, lorsque des liens vers des informations sont fournis par des plateformes qui exercent un pouvoir considérable sur les entreprises de presse, ces plateformes doivent négocier; c’est tout.
Il s’agit d’un cadre conçu pour renforcer les entreprises du secteur de l’information dans l’économie numérique. Il est conçu pour aider ces entreprises à mieux tirer parti de leur contenu journalistique et à mieux profiter des fruits de leurs efforts. Il est conçu pour contrebalancer le pouvoir de certaines des plateformes les plus dominantes au monde afin que des négociations équitables puissent avoir lieu. Il ne comporte pas de nouvelle taxe, mais il rajuste le marché pour qu’il reconnaisse adéquatement la valeur des contenus d’information et de ceux qui les créent et les produisent.
Reconnaître la valeur appropriée du contenu des nouvelles pour les plateformes les plus dominantes signifie de compter toutes les façons dont ce contenu figure sur leurs services.
L’une des façons dont les plateformes en bénéficient, c’est qu’elles utilisent le contenu des nouvelles, et la possibilité d’y accéder et de le partager, pour attirer les Canadiens vers leurs services. Les liens jouent un rôle central dans cette offre des plateformes aux Canadiens.
Nous avons vu que les liens vers le contenu de nouvelles ont une valeur pour les plateformes lorsque Google a continué à refuser de payer des éditeurs dans l’Union européenne selon une approche du droit d’auteur qui inclut les titres et les extraits, mais pas les hyperliens. Les résultats de l’expérience en Europe ont été jugés peu satisfaisants, et c’est le moins que l’on puisse dire.
Les longues batailles judiciaires concernant des systèmes de gestion des droits numériques encombrants n’ont pas apporté une aide opportune aux entreprises du secteur de l’information. C’est précisément la raison pour laquelle le projet de loi C-18 crée un marché qui tient compte de toutes les façons dont le contenu d’actualité est mis à notre disposition.
J’aimerais souligner un autre point important : ce projet de loi ne met pas en péril la liberté d’expression. Le projet de loi C-18 ne contient aucune disposition qui donnerait le pouvoir à qui que ce soit de bloquer les liens vers les nouvelles. Le projet de loi C-18 ne contient aucune disposition qui donne le pouvoir à qui que ce soit de faire obstacle à la possibilité de citer des nouvelles.
En réalité, le projet de loi C-18 impose des obligations aux entités les plus puissantes dans l’écosystème de l’information en ligne. Par exemple, les plateformes n’ont pas le droit d’utiliser injustement leur position à titre de points d’accès à l’information en ligne, notamment en redirigeant les revenus publicitaires importants des médias d’information à l’origine du contenu qu’elles incluent dans leurs services.
Les plateformes en ligne se targuent depuis longtemps d’être la « place publique numérique » — en tant qu’espaces en ligne où les utilisateurs peuvent se rejoindre pour échanger des idées et prendre des décisions à propos de leur vie, de leur collectivité et de leur place dans la société dans son ensemble. Ces plateformes se sont considérablement enrichies, au point de compter parmi les entreprises les plus lucratives dans l’histoire de l’humanité, et ce, en recourant à l’effet de réseau pour véritablement garder les utilisateurs captifs.
Toutefois, la qualité des débats sur ces places publiques est à l’image de la qualité du contenu des nouvelles que les gens consultent et au sujet desquelles ils se font une idée. Les entreprises de nouvelles — celles qui créent les contenus auxquels les Canadiens se fient pour obtenir leurs informations — font faillite à un rythme alarmant tandis que ces plateformes s’enrichissent. Même s’il est vrai que le nombre de médias d’information indépendants augmente grâce au développement accru des produits destinés au Web, il est également vrai que le Canada a perdu plus de 460 médias d’information depuis 2008.
De plus, ces fermetures se produisent dans des collectivités isolées et souvent desservies par un seul média au départ. Le mois dernier, Postmedia, qui exploite plus d’une centaine de petits et grands journaux au pays, a annoncé que 11 % de ses employés, qui sont déjà débordés, seraient mis à pied.
Plus récemment, le groupe Overstory Media, basé en Colombie-Britannique, a annoncé des mises à pied touchant diverses publications, dont le Georgia Straight, le Vancouver Tech Journal, le Coast, le Burnaby Beacon, le Fraser Valley Current, le New West Anchor, le Calgary Citizen, Tasting Victoria, l’Oak Bay Local, le Westshore, le Victoria Tech Journal, le Eat Tri-Cities, le Calgary Tech Journal et le Capital Daily.
Il m’est difficile d’imaginer que quiconque dans cette enceinte ait vu sa collectivité épargnée par les licenciements ou les fermetures. En tant que sénateurs, nos perspectives et notre capacité à faire entendre les préoccupations de nos concitoyens sont affaiblies par cette atrophie. Si ce n’est pas déjà le cas, il nous manquera bientôt les renseignements nécessaires afin de prendre les meilleures décisions pour le bien-être de nos concitoyens.
Certains ont fait valoir que seuls les grands médias bénéficient du projet de loi C-18. L’expérience de l’Australie prouve exactement le contraire. L’objectif du projet de loi est d’amener le plus grand nombre de médias possible à la table de négociation. L’union fait la force. En s’unissant, les petits médias seront dans une meilleure position pour négocier et obtiendront enfin une rémunération équitable pour le contenu créé par leurs journalistes. C’est ce contenu qui attirera la publicité et les abonnements.
Le projet de loi C-18 rend les règles du jeu équitables afin que les entreprises de nouvelles puissent recevoir une juste part des bénéfices lorsque leurs œuvres sont publiées sur les grandes plateformes numériques. Il permet aux journalistes canadiens de continuer à créer du contenu de qualité, qui fera l’objet de discussions dans l’espace public numérique. En assurant la création continue de contenu de nouvelles canadien de qualité en ligne, le projet de loi C-18 soutient fondamentalement la viabilité du secteur de l’information et, ce faisant, la liberté d’expression de tous les Canadiens.
Enfin, je ne saurais trop insister sur l’importance de ce projet de loi pour l’avenir et la viabilité des nouvelles locales. Il est essentiel que nous soutenions les médias d’information canadiens en favorisant les meilleures conditions pour qu’ils puissent continuer à pratiquer un journalisme qui répond aux normes les plus élevées de l’industrie et qui atteint nos concitoyens, peu importe où ils se trouvent.
Étant donné le nombre d’emplois et d’entreprises au Canada qui sont en jeu, cette question n’est pas à prendre à la légère. Toutefois, elle doit également être prise au sérieux parce qu’elle porte fondamentalement sur la vitalité et la viabilité de notre démocratie même. Les citoyens doivent être en mesure de prendre des décisions éclairées sur les personnes qu’ils veulent choisir comme dirigeants, sur les avantages et les politiques qui, selon eux, leur profiteront ainsi qu’à leurs communautés, et sur les services qu’ils ont les moyens de se payer et ceux dont ils peuvent se passer. Cela est particulièrement important à une époque où les citoyens se tournent de plus en plus vers les voix qui sont simplement les plus fortes.
Tout comme les gouvernements ne devraient pas choisir les gagnants et les perdants, les grands monopoles technologiques ne devraient pas avoir ce droit non plus. Pourtant, c’est précisément ce qui se produit jusqu’à l’adoption du projet de loi. Pour tenter de contrecarrer le projet de loi, les géants du Web ont déjà négocié des contrats de licence pour le contenu avec certains des plus grands noms des entreprises de nouvelles canadiennes, dont le Globe and Mail, le Toronto Star et Le Devoir, pour n’en citer que trois.
Le projet de loi C-18 permet à un grand nombre de petits médias d’information de faire front commun pour négocier des ententes commerciales semblables. Sans mesure législative, ces petits médias dépériront, et les quelques gros joueurs qui avaient eu la chance de conclure des ententes à court terme avec les plateformes pourront dire adieu à ces ententes dès qu’elles arriveront à échéance.
Pour conclure, s’il est vrai que le projet de loi est une priorité pour le gouvernement et qu’il a reçu l’appui de plusieurs partis à l’autre endroit, il est surtout urgent et essentiel pour le secteur de l’information. Chaque mois qui passe risque d’entraîner des mises à pied supplémentaires. Il va sans dire que le projet de loi nécessite un examen robuste et approprié du Sénat, mais son adoption devrait se faire rapidement parce que la plupart des médias d’information qui en bénéficieraient se trouvent dans un état précaire. Par conséquent, j’exhorte le Sénat à renvoyer le projet de loi le plus rapidement possible au comité afin que nous puissions continuer cet examen.
Merci.