L’honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Comme vous le savez, nous ne nous attendions pas à passer à l’étape de la deuxième lecture aujourd’hui, et comme nous prévoyons maintenant siéger la semaine prochaine, j’espère que nous pourrons renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des transports et des communications le plus tôt possible. Des négociations sont en cours pour savoir quand le comité se réunira, mais pour l’instant, je vais me concentrer sur le renvoi du projet de loi au comité.
Le projet de loi C-10 mérite beaucoup d’attention et de rigueur, et nous devons remplir notre rôle de Chambre de second examen objectif. L’intention du gouvernement n’a jamais été de faire adopter le projet de loi à toute vapeur à la fin de la session. Je suis heureux d’en parler aujourd’hui.
Je tiens à informer les sénateurs que le ministère du Patrimoine canadien organisera des séances d’information sur le projet de loi lundi prochain. Vous recevrez les détails plus tard aujourd’hui ou demain. Ce sera à 11 h 30 en français et à 11 h 45 en anglais. Je passe maintenant à mon discours.
En juin 2018, le gouvernement du Canada a nommé un groupe d’experts pour passer en revue le cadre législatif de la radiodiffusion et des télécommunications. Ils ont reçu plus de 2 000 mémoires et entendu de nombreux témoignages lors des conférences organisées d’un bout à l’autre du pays. Le rapport Yale a été publié en janvier 2020. Les recommandations fondées sur l’examen exhaustif des experts ont jeté les assises du projet de loi C-10 et de la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion.
Le projet de loi C-10 a été présenté le 3 novembre 2020, et il est resté 112 jours entre les mains du Comité permanent du patrimoine canadien pour l’étape de l’étude en comité. Cela représente plus de 40 réunions et près de 50 témoins, sans compter les séances d’information ministérielles. Donc, la version actuelle du projet de loi comporte plus de 100 amendements, et d’innombrables sous-amendements.
Le Bloc québécois et le NPD ne cachent pas leur mépris à l’égard du Sénat : ils voudraient que les sénateurs s’en remettent à leur analyse du projet de loi et que nous l’acceptions et l’approuvions aveuglément sans lui accorder le second examen objectif qu’il mérite.
Regardons de plus près le projet de loi, ses objectifs et la raison pour laquelle c’est une mesure législative d’une grande importance.
Honorables sénateurs, le Canada appuie depuis longtemps les industries canadiennes du film, de la musique et de la télévision. Permettez-moi de vous faire part de ce que j’avais déclaré à l’autre endroit en 1982 :
La politique est conçue de manière à offrir aux Canadiens un plus grand choix de services de télévision et de radiodiffusion, tout en leur permettant d’apprécier davantage le riche patrimoine social, historique et culturel du Canada.
J’avais mis l’accent sur la nécessité de mettre à jour régulièrement la Loi sur la radiodiffusion. Or elle n’a pas été révisée depuis 30 ans. Il est grand temps de le faire.
Même si la Loi sur la radiodiffusion a été promulguée à l’origine en 1936, elle n’a pas connu de révision majeure depuis 1991, soit bien avant que tout le monde ait un téléphone cellulaire dans sa poche et qu’Internet soit assez rapide pour diffuser des émissions de télévision. Il est inutile de vous dire que ce projet de loi était attendu depuis longtemps.
Le projet de loi vise à étendre le régime législatif et réglementaire pour inclure les télédiffuseurs en ligne en confirmant la compétence et le pouvoir réglementaire du CRTC sur ces services.
Il favorisera également une plus grande diversité et une meilleure inclusion dans le secteur de la radiodiffusion. Plus précisément, le projet de loi précisera que la radiodiffusion en ligne entre dans les champs d’application de la loi.
Il actualisera les politiques de radiodiffusion et de réglementation afin, notamment, qu’elles tiennent mieux compte des Autochtones, des personnes handicapées et des divers groupes qui forment le Canada.
Ce projet de loi donnera un appui solide au contenu original en français.
Je veux maintenant parler de la question du soutien aux créateurs francophones et au contenu de langue française, y compris celui qui est produit par les communautés francophones en situation minoritaire. J’en profite d’ailleurs pour féliciter la ministre Joly d’avoir reconnu le Québec comme un État français.
De prime abord, il est important de reconnaître qu’il s’agit d’un enjeu fondamental et que les préoccupations exprimées par les parties prenantes sont tout à fait légitimes.
Il ne faut pas oublier le statut minoritaire des francophones en Amérique du Nord. On peut présumer que, dans un univers dominé par l’anglais, les géants de la radiodiffusion en ligne comme Netflix et Spotify n’auront pas nécessairement le réflexe de penser aux besoins des francophones du Canada, qu’ils habitent au Québec ou en milieu minoritaire ailleurs au Canada. Pourtant, nous savons que la radio et la télévision sont d’une importance vitale pour la langue, la culture et l’identité de la seule minorité francophone en Amérique du Nord.
Il va sans dire que les histoires et la musique francophones doivent faire l’objet de mesures de soutien et de promotion. Là-dessus, je pense que nous sommes tous d’accord, d’autant plus que l’arrivée des radiodiffuseurs en ligne est venue chambouler le secteur canadien de la radiodiffusion et que le marché de langue française n’a pas été épargné.
Les radiodiffuseurs en ligne présentent des défis particuliers en ce qui concerne la disponibilité et la promotion du contenu de langue française, notamment le contenu produit par nos communautés francophones en situation minoritaire.
À cet égard, il est important de noter que, à l’heure actuelle, 47 % des francophones regardent un contenu majoritairement anglophone sur Netflix. Il s’agit d’un fort contraste avec le visionnement d’émissions de la télévision traditionnelle et les services en français, qui captent 92 % de l’auditoire dans le marché francophone.
Par ailleurs, alors que la moyenne des budgets de production de films et de vidéo en anglais est en hausse depuis de nombreuses années, tout comme le financement provenant d’investisseurs étrangers, on peut constater que les budgets moyens pour les productions en français ont diminué et que le financement provenant d’investisseurs étrangers demeure très peu élevé. Pour ce qui est de la musique et des plateformes numériques, il est important de souligner que, en 2017, il n’y avait que 6 artistes canadiens francophones figurant dans le palmarès des 1 000 artistes les plus populaires au Canada dont la musique était diffusée en continu; on parle bien de 6 sur 1 000.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 modernisera l’approche canadienne en matière de réglementation pour veiller à ce que les diffuseurs traditionnels et en ligne soient tous les deux traités de manière juste et équitable. Il modernisera aussi les pouvoirs d’exécution par l’intermédiaire d’un nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires.
Le projet de loi C-10 mettra à jour les dispositions sur la surveillance et l’échange de renseignements afin de renforcer le rôle du CRTC en tant qu’organisme de réglementation moderne et indépendant, prêt pour le XXIe siècle.
Le projet de loi C-10 avantagera tous les artistes et les créateurs canadiens. Il offrira davantage de possibilités aux producteurs, aux réalisateurs, aux écrivains, aux acteurs et aux musiciens canadiens. Cela leur permettra de créer du contenu audio et audiovisuel d’excellente qualité, et ils pourront rendre ce contenu accessible au public canadien.
Le cadre réglementaire sera à la fois équitable et flexible, car des services de radiodiffusion comparables seront soumis à des exigences réglementaires semblables. Il tiendra également compte de leurs modèles d’affaires distincts.
Le système de radiodiffusion du Canada sera plus diversifié, plus inclusif, et correspondra mieux à la société canadienne. Mais surtout, on aura accès plus facilement à la musique et aux histoires du Canada à partir de divers services.
Examinons quelques aspects techniques du projet de loi. À l’heure actuelle, les licences obligent les services de programmation télévisuelle à consacrer, chaque année, un certain pourcentage de leurs revenus à du contenu canadien. Les distributeurs de services par câble et par satellite doivent verser un pourcentage de leurs revenus et de leurs redevances à des fonds de production et contribuer à une programmation locale, de manière à soutenir la conception et la production de contenu canadien. Les radiodiffuseurs commerciaux et les entreprises de radio par satellite consacrent une partie de leurs revenus au soutien de projets liés à la conception de contenu et au contenu canadien, notamment à la musique. Ces contributions se sont chiffrées à 3,4 milliards de dollars en 2019.
La concurrence exercée par les diffuseurs en ligne crée toutefois des perturbations qui menacent ce soutien. Avec la présence accrue des diffuseurs en ligne, les services traditionnels voient leurs revenus baisser. Ainsi, les revenus des diffuseurs traditionnels ont baissé de 1,5 % de 2018 à 2019. Résultat : en fin de compte, il y aura moins de financement pour la musique et les productions canadiennes.
La domination du marché est en train de changer de mains, comme le montre l’exemple de Netflix, un service qui est accessible actuellement dans la plupart des foyers canadiens — plus précisément dans 62 % d’entre eux — et qui a généré des revenus d’un milliard de dollars au Canada en 2019. D’après des estimations faites, à l’interne, par Patrimoine canadien, la production de contenu télévisuel canadien pourrait diminuer de 34 % entre 2018 et 2023 en raison de la baisse des revenus des diffuseurs commerciaux.
Si le CRTC exige des diffuseurs en ligne qu’ils contribuent au contenu canadien à un taux similaire à celui des diffuseurs traditionnels, les contributions des diffuseurs en ligne à la musique canadienne pourraient atteindre 830 millions de dollars par an d’ici 2023.
Les services de médias sociaux sont devenus un lieu important d’accès aux productions, y compris aux productions musicales et audiovisuelles. YouTube est devenu l’application de diffusion musicale en continu la plus utilisée à tous les âges, le nombre d’heures d’utilisation active par semaine étant le plus élevé parmi les 16-19 ans, où le taux de pénétration est de 70 %.
Si la loi est modifiée pour confirmer qu’elle s’applique aux plateformes de médias sociaux, le CRTC pourra s’assurer que ces services contribuent à l’équilibre du système de distribution. Les services de médias sociaux sont également devenus un lieu d’expression personnelle. Le projet de loi C-10, tel qu’il a été adopté par la Chambre des communes, comprend des garanties spéciales pour assurer la sécurité de la liberté d’expression des Canadiens. Croyez-moi, les vidéos de chats seront toujours autorisées, et le CRTC ne vous empêchera pas d’en faire si vous aimez cela.
Soulignons, par exemple, que les utilisateurs des services de médias sociaux ne seront pas réglementés et ne seront pas considérés comme des diffuseurs, contrairement à ce qui a été affirmé à maintes reprises aux cours des dernières semaines et des derniers mois.
En outre, le CRTC sera autorisé à recueillir des informations sur les services de médias sociaux et leurs utilisateurs, à demander aux services de médias sociaux des contributions financières pour soutenir le secteur canadien de la création et à exiger des services de médias sociaux qu’ils rendent les œuvres des créateurs canadiens accessibles en ligne. Ces exigences réglementaires seront imposées au service lui-même, et non aux utilisateurs des services de médias sociaux.
Le CRTC doit interpréter la Loi sur la radiodiffusion de manière compatible avec la liberté d’expression et l’indépendance, en matière de journalisme, de création et de programmation, dont jouissent les entreprises de radiodiffusion. Le ministère de la Justice a examiné ces changements et a déterminé que le projet de loi demeure conforme à la Charte.
Le projet de loi C-10 améliorera la représentation de tous les Canadiens dans les émissions qu’ils consomment. Lorsque la majorité des émissions mises à la disposition des Canadiens ne reflètent pas les expériences réelles vécues par la population, quelque chose doit changer.
C’est pourquoi le projet de loi fait des progrès pour veiller à ce que la Loi sur la radiodiffusion favorise une plus grande diversité. Une programmation représentative des peuples autochtones, des minorités ethnoculturelles, des communautés racialisées, des francophones et des anglophones, y compris ceux qui appartiennent à la communauté LGBTQ+ — dont d’autres discours ont traité aujourd’hui —, et des personnes qui sont en situation de handicap ne sera plus fournie « au fur et à mesure de la disponibilité des moyens ». L’offre et la responsabilité de cette programmation sont essentielles à la réalisation personnelle.
Les objectifs des politiques énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion feront en sorte que notre système de radiodiffusion reflète la société canadienne et qu’une programmation diversifiée et inclusive soit accessible pour tous. Cela est essentiel pour que le système canadien de radiodiffusion puisse contribuer à l’élargissement des perspectives, à susciter l’empathie et la compassion parmi les citoyens et à célébrer nos différences tout en renforçant les liens communs de notre société si typiquement canadienne.
Honorables collègues, lorsque nous aurons fait notre devoir en étudiant le projet de loi C-10, le ministre du Patrimoine canadien compte demander au gouverneur en conseil de fournir des instructions au CRTC pour orienter l’application des nouveaux outils réglementaires que le projet de loi met à sa disposition.
Ensuite, en consultation avec les intervenants, le CRTC va concevoir et mettre en œuvre un nouveau cadre de réglementation pour que les services de radiodiffusion traditionnels et en ligne offrent suffisamment de contenu canadien et contribuent à la création de contenu canadien, et ce, dans les deux langues officielles, évidemment.
Le projet de loi C-10 profitera à nos artistes et à nos créateurs canadiens partout au pays. Il y aura plus de possibilités pour les producteurs, les réalisateurs, les scénaristes, les acteurs et les musiciens canadiens. Ils seront habilités à créer le contenu audio et audiovisuel de haute qualité et ils pourront rendre le contenu accessible aux auditoires canadiens.
Le cadre réglementaire sera à la fois équitable et flexible, car des services de radioffusion comparables seront soumis à des exigences réglementaires semblables. Il tiendra également compte de leurs modèles d’affaires distincts.
Honorables sénateurs, j’en ai parlé plus tôt dans mon discours, mais ce sont des aspects qui méritent d’être répétés et clairs. Actuellement, comme condition pour obtenir une licence, les services de programmation de télévision sont tenus de consacrer chaque année un pourcentage de leurs revenus au contenu canadien. Les entreprises de câblodistribution et de satellite sont tenues de verser un pourcentage de leurs revenus sous forme de redevance aux fonds de production et de contribution à la programmation locale qui appuient le développement et la production de contenu canadien. Les radiodiffuseurs commerciaux et les entreprises de radio par satellite consacrent une partie de leurs revenus annuels au soutien d’initiatives de développement de contenu canadien, y compris le contenu musical. Ces contributions totalisaient 3,4 milliards de dollars en 2019.
Cependant, la perturbation numérique et la concurrence des diffuseurs en ligne menacent ce soutien. La concurrence croissante des radiodiffuseurs en ligne entraîne une diminution des revenus et des services traditionnels, les revenus de la radiodiffusion traditionnelle ayant diminué de 1,4 % entre 2018 et 2019. En fin de compte, cela entraînera une diminution du financement de la musique et de la programmation canadiennes.
La domination changeante du marché est illustrée par Netflix, qui est maintenant présent dans 62 % des foyers canadiens et a généré 1 milliard de dollars de revenus en 2019. Les projections internes du ministère révèlent que la baisse de revenus de la radiodiffusion commerciale devrait entraîner une baisse de production du contenu télévisuel canadien de 34 % de 2018 à 2023.
Honorables sénateurs, encore une fois, j’aimerais revenir sur ce point important. Si le CRTC exige que les télédiffuseurs en ligne contribuent au contenu canadien à un taux semblable à celui des télédiffuseurs traditionnels, les contributions des télédiffuseurs en ligne à la musique et aux histoires canadiennes pourraient atteindre jusqu’à 830 millions de dollars de nouveaux revenus par année d’ici 2023.
Les médias sociaux sont devenus un lieu important pour accéder à la programmation, y compris la programmation musicale et audiovisuelle. YouTube est devenue l’application de diffusion musicale en continu la plus utilisée par les personnes de tous les âges, l’utilisation active hebdomadaire étant la plus élevée chez les 16 à 19 ans, avec un taux de pénétration de 70 %.
Chers collègues, comme je l’ai indiqué plus tôt, le Bloc québécois et le NPD ne cachent pas leur mépris envers cette Chambre et voudraient bien qu’on se fie à leur analyse du projet de loi, qu’on l’accepte aveuglément et qu’on ne lui accorde pas le second examen sérieux qu’il mérite.
Je crois que nous devons aller de l’avant.
Lors des délibérations du comité de l’autre endroit, on a beaucoup parlé de la liberté d’expression. J’aimerais faire des observations à ce sujet. La Loi sur la radiodiffusion comprend une disposition disant expressément que la loi doit être interprétée de manière compatible avec la liberté d’expression et l’indépendance en matière de journalisme et de création. C’est une disposition qui existe depuis 30 ans. Lors des travaux du Comité permanent du patrimoine canadien, le gouvernement a ajouté une disposition qui réaffirme que cette protection s’applique plus précisément aux entreprises de médias sociaux.
L’énoncé concernant la Charte et l’analyse de l’amendement par le ministère de la Justice du Canada confirment que le projet de loi C-10 ne porte pas atteinte à la liberté d’expression. Ce projet de loi uniformise les règles du jeu et oblige les géants du Web à contribuer à la production d’émissions et d’œuvres musicales canadiennes. Je répète : il ne porte pas atteinte à la liberté d’expression.
Le projet de loi C-10 profitera à nos artistes et à nos créateurs canadiens partout au pays. Ce projet de loi mettra aussi à jour les dispositions sur la surveillance et le partage de renseignements afin de renforcer le rôle du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en tant qu’organisme de réglementation moderne et indépendant, prêt pour le XXIe siècle.
Le ministère du Patrimoine canadien organisera une séance d’information la semaine prochaine.
Je veux fournir une liste de personnes et d’organisations qui sont en faveur de cette mesure législative, qui obtient un très vaste appui des intervenants de l’industrie : Peter Grant, avocat-conseil et ancien président du groupe du droit de la technologie, des communications et de la propriété intellectuelle chez McCarthy Tétrault; Janet Yale, présidente du Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications; Pierre Trudel, professeur de droit à l’Université de Montréal et premier titulaire de la Chaire L.R. Wilson en droit des technologies de l’information et du commerce électronique; la Coalition pour la diversité des expressions culturelles; l’Alliance nationale de l’industrie musicale; l’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française; la Canadian Actors’ Equity Association, et j’en passe.
Je vous exhorte donc à renvoyer ce projet de loi au comité pour qu’il puisse être analysé et que nous puissions faire le second examen objectif que je crois qu’il mérite.
Merci.
Son Honneur le Président : Sénateur Dawson, quelques sénateurs aimeraient vous poser des questions. Accepteriez-vous de répondre à des questions?
Le sénateur Dawson : Oui, Votre Honneur.
L’honorable Pamela Wallin : Je suis en désaccord avec plusieurs choses que vous venez de dire, sénateur Dawson.
J’ai des questions à propos des atteintes à la liberté d’expression des gens. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l’article 4.1 a été délibérément retiré du projet de loi, en dépit des demandes répétées de tiers et des députés eux-mêmes?
Il s’agissait de la disposition d’exemption du contenu généré par les utilisateurs. En l’excluant et en refusant d’inclure une disposition de protection, les gazouillis, les publications sur Facebook et sur YouTube, et ainsi de suite, sont sujets à la découvrabilité par les géants de la technologie.
Pourquoi cette section a-t-elle été supprimée?
Le sénateur Dawson : Lorsque le gouvernement est minoritaire et qu’il est dans une situation minoritaire dans un comité, il faut faire des compromis. Plusieurs partis, y compris les conservateurs, ont demandé de se pencher sur cette question pour essayer de l’encadrer. Au fil du travail, il y a eu un va-et-vient d’amendements — c’est une des raisons pour lesquelles j’estime que nous devons faire un examen objectif de ce projet de loi —, et je pense que nous devons les réexaminer.
Croyez-moi, cette disposition ne s’applique pas aux gens, elles s’appliquent aux organisations. La liberté de parole et d’expression n’est pas menacée par ce projet de loi.
Nous appliquons simplement les mêmes règles aux réseaux sociaux que nous avions déjà pour la radiodiffusion et les émissions radiophoniques depuis 50 ans. Le CRTC mène cette mission depuis toujours et n’a jamais étouffé la liberté d’expression, et je ne crois pas que nous devrions nous inquiéter de la liberté d’expression du fait que des sociétés américaines seront désormais concernées.
La sénatrice Wallin : J’ai une question complémentaire.
Je crains que ce ne soit tout simplement pas le cas. C’est le gouvernement lui-même qui a supprimé l’article 4.1. Je ne crois donc pas que vous puissiez attribuer cela à l’opposition ou aux détracteurs.
L’étude de ce projet de loi a été suivie très attentivement, même si bon nombre des audiences ont été tenues sans préavis. Des amendements ont été « adoptés » — et je mets cela entre guillemets — en secret, sans la moindre présentation de leur libellé.
Nous venons d’examiner ce projet de loi et l’article 4.1 n’y figure pas. On peut confier la surveillance du contenu généré par les usagers aux entreprises de technologie. Cette possibilité existe toujours : la possibilité que les géants de la technologie assurent cette surveillance au nom du CRTC, du gouvernement ou d’autres intérêts particuliers.
Je reviens à la question fondamentale. Si vous croyez que la liberté d’expression est protégée, alors pourquoi n’a-t-on pas conservé l’article 4.1 pour la protéger?
Le sénateur Dawson : Comme je l’ai dit, des amendements ont été présentés à l’étape de l’étude en comité. Comme vous le savez, le gouvernement a modifié son propre projet de loi parce qu’il subissait des pressions extérieures pour qu’il clarifie certains éléments, et c’était l’un d’entre eux.
Je répète que le CRTC ne se voit pas confier de nouveaux pouvoirs pour contrôler la liberté d’expression. Oui, il y a un rétablissement de l’égalité entre les radiodiffuseurs et les sociétés comme Netflix et Google. Les particuliers qui publient des vidéos de chaton sur Google ne seront pas soumis à ce contrôle. Les sociétés qui utilisent ces choses — si elles en tirent un profit et ne partagent pas ces revenus avec les Canadiens — devront respecter les nouvelles règles. Elles participeront au financement des artistes et des producteurs canadiens, et je crois que c’est tout à fait normal.
Son Honneur le Président : Sénatrice Wallin, un autre sénateur veut poser une question. S’il reste du temps, je reviendrai à vous.
La sénatrice Wallin : Merci.
L’honorable Leo Housakos : Sénateur Dawson, je vous remercie de votre allocution.
Cette mesure législative compte peu d’éléments auxquels je souscris, mais je reconnais que vous en êtes le parrain, non l’auteur. Nous devons l’examiner et, dans la mesure du possible, l’améliorer, l’élaguer et faire en sorte qu’elle atteigne l’objectif initialement visé.
Sénateur, avant que j’aborde le contenu du projet de loi, j’aimerais parler de méthode. Vous siégez au Sénat depuis longtemps et vous avez également siégé à la Chambre des communes. Je suis fort préoccupé par ce qu’on pourrait essentiellement qualifier de processus législatif secret à la Chambre des communes. A-t-on déjà vu un comité de la Chambre des communes qui siège à huis clos proposer des amendements que le Président de la Chambre juge irrecevables?
Sénateur Dawson, je sais que vous souscrivez au principe de la suprématie du Parlement. Pouvez-vous nous faire part de vos observations? Êtes-vous, comme la sénatrice Wallin, d’autres collègues et moi, préoccupé par la méthode utilisée à l’autre endroit pour que ce projet de loi arrive coûte que coûte à la fin du processus législatif ici au Sénat?
Le sénateur Dawson : Je dois vous corriger, Sénateur Housakos. Les travaux concernant les amendements ont eu lieu en public et ont été diffusés sur la chaîne CPAC dans le cadre de la diffusion parlementaire; ils ne se sont pas faits pendant une séance à huis clos. De toute évidence, puisque le Président a dû annuler la décision que le comité avait prise pour dire au président de procéder de cette façon, le Règlement a été appliqué. Voilà pourquoi le Président l’a fait. Le processus a été repris et les amendements ont été étudiés de nouveau en respectant la structure des amendements à la Chambre.
Évidemment, comme on avait imposé l’attribution de temps, le comité n’allait pas débattre des 100 amendements car, comme je l’ai dit, il disposait de cinq heures pour en débattre. Il était impossible de débattre de chacun des amendements en cinq heures puisque — et je ne suis pas partisan — les conservateurs avaient manifestement pour objectif de faire de l’obstruction pour empêcher l’adoption des amendements. Ils ont réussi. La communication a été rompue parce que le comité n’a pas respecté la décision de son président, après quoi le Président a invalidé la décision du comité.
Tout cela n’a pas été fait en secret, et puisque vous en parlez, ce n’était pas un secret.
Le sénateur Housakos : Sénateur Dawson, ce n’est pas une question de partisanerie. La question est de savoir comment, pour la première fois dans l’histoire du Parlement, la présidence libérale d’un comité parlementaire a été renversée par ses propres membres qui ont tenté de faire approuver à toute vitesse des amendements dans une réunion à huis clos. Vous avez tout à fait raison : Dieu merci pour le rappel au Règlement soulevé par les conservateurs. Encore une fois, le Président de la Chambre a fait la bonne chose.
Ma question, pour en revenir au sujet discuté, concerne le ministre du Patrimoine canadien, qui déclare constamment que le projet de loi C-10 permettra d’investir 830 millions de dollars par année dans la culture canadienne. Pourtant, il refuse toujours de fournir la formule qu’il a utilisée pour en arriver à ce montant.
Lors d’un débat à la Chambre cette semaine, le secrétaire parlementaire a déclaré que le projet de loi C-10 devait être adopté pour que le gouvernement sache quelles sont les recettes des fournisseurs de services de diffusion en continu au Canada. Si c’est le cas, comment peut-il connaître la somme d’argent obtenue grâce au projet de loi? Sur quoi fonde-t-on les promesses faites au secteur des arts avec de tels chiffres?
Le sénateur Dawson : Évidemment, comme les services de diffusion en continu ne sont pas soumis aux dispositions de divulgation du CRTC, une partie de ce qui a été dit repose sur des spéculations. Une fois de plus, je vous invite à écouter les séances d’information lundi.
Une des raisons pour lesquelles nous renvoyons le projet de loi à un comité est pour que vous ayez la possibilité de demander au ministre d’expliquer comment il a obtenu ce chiffre. Essentiellement, une des raisons pour lesquelles ces chiffres sont contestés est que nous savons combien certaines entreprises gagnent; toutefois, il est difficile de savoir le montant qui sera redistribué au contenu canadien, car cela dépendra de la quantité de contenu canadien qui n’est pas payé en ce moment.
Le sénateur Housakos : Sénateur Dawson, l’ensemble de ce projet de loi semble plutôt spéculatif. Les chiffres semblent peu fiables, puisque nous ne savons pas comment ils sont calculés. Beaucoup de gens répètent, comme vous l’avez fait dans votre discours, qu’il suffit de vous faire confiance et que la liberté d’expression ne sera nullement en péril.
Je vous ai aussi entendu dire que ce projet de loi renforcerait la diversité et la présence des groupes minoritaires. Je crois personnellement qu’à l’heure actuelle, la Loi sur la radiodiffusion ne renforce pas la voix des minorités, notamment celle des communautés multiculturelles. Le premier ministre et d’autres députés de son parti répètent souvent que la diversité fait notre force, et je suis d’accord. Des gens répètent que ce projet de loi protégera la diversité, notamment la voix des Autochtones et des personnes LGBTQ. Selon mon évaluation, le projet de loi C-10 aura plutôt pour effet de nuire à la diversité, ce qui est paradoxal. La façon de définir le contenu canadien forcera les créateurs autochtones et LGBTQ à adapter leur contenu en fonction des gens avec lesquels, de l’avis du CRTC, ils devraient travailler.
Comment cela aidera-t-il les minorités à faire entendre leur voix, sénateur Dawson?
Le sénateur Dawson : La première réalité, c’est que tout le monde aura beaucoup plus d’argent à sa disposition et obtiendra sa juste part, qui sera déterminée d’avance. Évidemment, les lois sur la radiodiffusion, rédigées il y a 30 ans, ont besoin d’être modernisées en grande partie. C’est l’un des objectifs du projet de loi.
J’essaie de trouver le chapitre, mais je vais donner des directives au Conseil privé au sujet des mandats clairs à confier au CRTC sur la manière dont cela s’appliquera, après consultation, aux groupes, aux industries et aux personnes concernées, qui sont essentiellement les artistes.
La sénatrice Wallin : Honorables sénateurs, j’aimerais revenir sur certaines observations formulées par le sénateur Dawson.
Sénateur Dawson, vous dites que l’étude effectuée par la Chambre des communes était publique. Il est vrai que les audiences du comité étaient télédiffusées. Le problème, c’est que la discussion, le débat et les amendements étaient secrets. Les amendements étaient écrits sur des bouts de papier, et il fallait voter pour l’amendement no 1, le no 2 ou le no 3. Même les membres du comité n’étaient pas autorisés à voir cela. Il est tout simplement scandaleux que l’on ait présenté un projet de loi ainsi construit.
Le ministre lui-même a dit, à l’occasion, que le but était la découvrabilité, pour que nous — qui que soit ce « nous » de majesté — puissions voir le contenu des messages en ligne, des gazouillis et des vidéos publiées sur YouTube. Le gouvernement veut pouvoir surveiller ce contenu et prendre des décisions à son égard. Il ne le fera pas nécessairement lui-même, mais plutôt sous les auspices du CRTC ou, pis encore, par l’entremise des services de diffusion en continu eux-mêmes. Ainsi, on pourrait se mettre à censurer le contenu qu’on n’aime pas.
En quoi cela équivaut-il à préserver, à sauvegarder ou à protéger la liberté d’expression? C’est tout simplement illogique.
Le sénateur Dawson : Cela m’étonne que la question vienne de quelqu’un comme vous, qui a travaillé si longtemps dans le domaine des médias.
La sénatrice Wallin : C’est exactement pour cela que je pose la question.
Le sénateur Dawson : Pourriez-vous me donner des exemples de cas où le CRTC vous a dit ce que vous étiez autorisé à dire ou ne pouviez pas dire? Ce n’est vraiment pas de cela qu’il s’agit.
La seule chose que fera le projet de loi, c’est appliquer au contenu d’Internet les mêmes règles qui vous sont appliquées. Il ne s’agit pas d’étrangler la liberté d’expression. Vous aurez les mêmes libertés que vous aviez lorsque vous émettiez en tant que radiodiffuseur depuis chez vous. Votre balado en est un bon exemple. Personne ne le bloquera, mais si les balados canadiens commencent à gagner de l’argent avec des programmes produits par des Canadiens, le CRTC voudra sa juste part des revenus. C’est le seul objectif de cet ajout au projet de loi.
La sénatrice Wallin : Il y avait un moyen beaucoup plus simple de faire cela, qui semblait contenter tout le monde. Si vous voulez plus d’argent pour générer plus de contenu canadien ou francophone — ce qui semble être la priorité du ministre —, il suffit d’imposer une taxe pour les géants du Web, et voilà l’argent. Vous n’avez pas besoin de passer par ce chemin détourné pour faire du contenu généré par l’utilisateur une source possible de revenus. Il y a un moyen d’obtenir ces revenus.
Le sénateur Dawson : Vous soutenez que beaucoup de personnes ne croient pas que ce projet de loi est la bonne solution. Or, il a été adopté par la Chambre des communes, ce qui signifie que la majorité des députés ne partage pas cet avis.
Depuis le début du débat, tout le monde mentionne que cette mesure législative est un premier pas. Nous devons examiner la Loi sur les télécommunications et toutes les autres lois, mais ce projet de loi est la première étape dans la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion. Comme je l’ai dit, cette dernière ne mentionne aucunement Internet parce qu’elle a été rédigée avant qu’il devienne l’outil puissant qu’il est actuellement.
Ces modifications à la loi signifient que davantage de personnes toucheront des revenus parce que nous obtiendrons de l’argent d’organisations qui n’en donnaient pas auparavant. Je le répète : ce n’est pas uniquement une question d’ordre fiscal. Il ne s’agit pas de donner de l’argent au gouverneur en conseil. Le projet de loi aidera plutôt les artistes parce qu’ils pourront obtenir leur juste part de ces revenus.
L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, il est bon que le gouvernement donne une autre séance d’information. J’en ai parlé à la secrétaire parlementaire en avril dernier, avant la présentation des amendements. Elle m’avait promis qu’il y aurait une séance d’information. J’ai hâte d’y assister.
J’ai une question à poser au sénateur Dawson à propos du contenu canadien. Des représentants des radiodiffuseurs ont donné leur avis sur le sujet au Groupe des sénateurs indépendants et à d’autres personnes. Certains d’entre eux ont notamment affirmé qu’ils souhaitent un allègement des règles sur le contenu canadien. Ils espèrent que ce projet de loi ou les mesures qui le suivront supprimeront une partie de leurs obligations actuelles.
J’aimerais vous entendre à ce sujet. Pensez-vous que c’est ce qui se passera? Comment un tel allègement cadrerait-il avec la réglementation des services en ligne en ce qui concerne le contenu canadien? Merci.
Le sénateur Dawson : Merci, sénatrice Dasko. Je pourrais continuer à énumérer les personnes qui soutiennent le projet de loi et qui ne sont pas d’accord avec vous. Je ne sais pas qui vous avez invité à vos rencontres. De mon côté, j’ai rencontré un grand nombre de ces organisations, et tout le monde reconnaît qu’il contient des lacunes. Personne ne dit que le projet de loi est parfait. C’est un pas dans la bonne direction. Si toutes ces organisations qui survivent grâce à l’existence de cette mesure législative et si tous ces intervenants soutiennent cette solution, je ne vois pas pourquoi nous serions préoccupés. Bien sûr, il y aura toujours des avis divergents.
En ce qui concerne la définition de contenu canadien, je le répète : c’est un compromis. Vous aurez l’occasion d’en savoir plus lors de la séance d’information lundi prochain. Étant donné que vous êtes membre du Comité des transports et des communications, je serais très heureux que vous posiez ces questions.
Tout d’abord, comme je ne suis pas membre de votre caucus, je n’ai pas été invité à ces séances d’information. Je ne suis donc pas au courant des informations qui vous y ont été fournies.
La sénatrice Dasko : Les informations dont on nous a fait part ne sont pas secrètes. Il s’agit des positions publiques des intervenants qui sont venus nous parler ainsi qu’à d’autres personnes, qui se sont exprimés publiquement et ainsi de suite.
Je m’interroge simplement sur leur allègement souhaité des règles sur le contenu canadien à l’avenir. C’est tout ce que je veux savoir. Cette information n’est pas secrète. Ce sont des positions publiques qu’ils ont prises.
Ils disent vouloir un allègement des règles sur le contenu canadien en raison des conditions onéreuses actuelles, qui sont attribuables à l’environnement économique dans lequel ils se trouvent et dont vous avez parlé dans votre discours. Je vous demande simplement si vous envisagez cette possibilité à l’avenir, c’est tout.
Le sénateur Dawson : Tout d’abord, je serai modeste en disant que je ne fais pas partie du gouvernement, alors je dois limiter ce que je peux vous promettre.
Je peux vous donner une copie de la liste des personnes qui ont appuyé le projet de loi. J’ignore qui a fait cette déclaration. Bien sûr, je ne suis pas contre le fait que vous avez tenu des séances d’information. J’encourage le plus de gens possible à en apprendre autant qu’ils le peuvent sur le projet de loi, mais je ne peux pas me prononcer sur des gens alors que je n’étais même pas là. Je sais qu’on a déployé beaucoup d’efforts afin de mener des consultations pour le projet de loi, et j’en suis reconnaissant. Je crois que nous aurons l’occasion d’utiliser ces consultations plus tard, et on répondra convenablement à vos questions.
Comme je l’ai mentionné et parce que c’est vrai, on a parlé de certaines de ces lacunes au comité de l’autre endroit. Au bout du compte, en dépit de ces lacunes, trois partis sur quatre à la Chambre des communes, représentant la majorité des parlementaires, ont appuyé le projet de loi, puis ils nous l’ont renvoyé pour que nous l’étudiions. Selon moi, si l’autre endroit a adopté le projet de loi, cela doit répondre en partie à votre question.
Son Honneur le Président : Sénateur Housakos, souhaitez-vous poser une autre question?
Le sénateur Housakos : Oui. Sénateur Dawson, j’ai une ou deux autres questions pour vous.
Le sénateur Dawson : Sénateur Housakos, comment puis-je refuser?
Le sénateur Housakos : Vous êtes toujours bienveillant, sénateur Dawson.
Je ne vous fais pas de reproche puisque vous n’êtes pas l’architecte du projet. Je vous remercie de reconnaître que c’est un projet de loi qui doit faire l’objet d’une étude.
Vous avez souligné à plusieurs reprises que nous n’avons pas à nous inquiéter de la liberté d’expression, que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes continuera de faire ce qu’il a toujours fait, soit étendre et appliquer ces règles, bien sûr, à d’autres plateformes.
Le fait est, comme vous l’avez reconnu, qu’il s’agit d’une loi sur la radiodiffusion désuète et que les temps ont radicalement changé. L’approche est très différente. Cela n’a rien à avoir avec la réglementation, par le Conseil, des diffuseurs traditionnels, classiques. Il s’agit de réglementer les nouvelles plateformes. Twitter est une nouvelle plateforme. YouTube est une nouvelle plateforme. Les jeunes Canadiens — pas notre génération, sénateur Dawson — font désormais partie intégrante de ces plateformes et ils tiennent à ce que leurs libertés soient protégées.
J’aimerais savoir ce que vous pensez du fait que le Conseil poursuive ses activités comme si de rien n’était, et que nous devons simplement croire qu’il n’empiétera pas sur la liberté d’expression des particuliers sur diverses plateformes.
Brian Wyllie, de Calgary, est un joueur chevronné de jeux vidéo qui a 1 million d’abonnés à son compte Twitch. La Montréalaise Kiana Gomes a créé une entreprise en bonne et due forme au moyen de TikTok. Justin Bieber — je pense que vous avez déjà entendu parler de lui —, offre du contenu canadien ayant une visibilité internationale. Il y a aussi Shawn Mendes et Lilly Singh. Ce sont tous des Canadiens qui ont bâti leur succès avec des plateformes comme YouTube, cette nouvelle plateforme qui terrifie tant les diffuseurs traditionnels canadiens. Aujourd’hui, ces artistes ne seraient pas assez « Canadiens » en vertu de la nouvelle loi, en raison de cette exigence de pourcentage de contenu canadien pour réduire les écarts.
Sénateur Dawson, pourrais-je connaître votre point de vue au sujet de ces deux aspects?
Le sénateur Dawson : Premièrement, je répète que la modernisation ne s’applique pas uniquement aux nouveaux diffuseurs. Elle s’applique aussi aux diffuseurs traditionnels. Le ministre donnera des directives au CRTC pour clarifier ce point. Cela sera intégré dans le processus de consultation des joueurs prévu dans le projet de loi. Tout cela sera clarifié.
En ce qui a trait à la question hypothétique des gagnants et des perdants en lien avec l’arrivée d’Internet, il est évident que beaucoup de ces gens n’auraient pas eu autant de visibilité. S’ils avaient obtenu des revenus garantis dès le départ parce que la loi aurait été applicable à Internet — évitant que des milliards de dollars ne soient détournés des diffuseurs canadiens —, les artistes canadiens et les distributeurs canadiens n’auraient pas eu à s’en remettre aux entreprises américaines. Ces milliards de dollars auraient plutôt été envoyés aux artistes, aux producteurs et aux organisations du Canada.
L’honorable Patricia Bovey : Sénateur Dawson, je me demande si vous pourriez remonter un peu dans le temps. J’ai sous les yeux le rapport de la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences au Canada, publié en 1951. On y dit que la télévision représente un dangereux rival pour d’autres médias de masse et on souligne le rôle important qu’elle pourrait jouer pour les artistes.
Je me demande si certaines des préoccupations dont nous discutons actuellement sont semblables à celles qui ont été soulevées, à la fin des années 1940, à propos de cette nouvelle technologie qu’était la télévision.
Le sénateur Dawson : Je citerai encore une fois un extrait de l’entrevue que j’ai accordée en 1982 sur ce même enjeu :
Si on ne met pas en place de nouvelles politiques, l’industrie sera confrontée à une nouvelle concurrence technologique et mondiale qui risque de détruire l’infrastructure servant à la production de programmes canadiens.
Ce n’est pas la première fois que ces enjeux sont soulevés. La modernisation de 1991 devait les régler. Trente ans ont passé depuis, et il faut maintenant mettre à jour la réglementation. Si nous avons l’industrie culturelle qui est la nôtre aujourd’hui, c’est parce que les deux partis qui ont été alors au pouvoir se sont servis de ces outils pour aider l’industrie canadienne de la production et de la culture.
J’espère que les gens appuieront ce projet de loi, car, en ce moment même, des fonds qui pourraient aider les artistes, les producteurs et les distributeurs d’ici s’en vont à l’étranger.