L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, c’est un privilège de prendre la parole dans cette enceinte importante pour parler d’un projet de loi crucial, le projet de loi C-64, Loi sur l’assurance médicaments. Il s’agit d’un enjeu que j’ai souvent abordé dans cette enceinte avant que le projet de loi ne soit présenté. Je suis donc heureux d’être ici aujourd’hui.
Chers collègues, je suis le porte-parole du Groupe progressiste du Sénat pour ce projet de loi. Je dispose donc d’un temps de parole de 45 minutes, et la Présidente m’a assuré que nous resterions ici tant que je n’aurais pas fini mon discours. Je plaisante. Selon moi, la durée maximale de tous les discours ne devrait pas dépasser 15 minutes. S’il est impossible de transmettre un message pendant ce laps de temps, le message n’en vaut probablement pas la peine. Mais c’est un sujet pour un autre jour.
On a beaucoup parlé de ce projet de loi. Je souhaite prendre quelques minutes pour placer ce que nous faisons dans un contexte historique. Je parlerai de deux développements importants qui ont eu lieu en 1960 et de deux autres qui ont suivi en 1961 parce qu’ils sont pertinents aujourd’hui. Ils concernent les trois partis politiques nationaux.
Tout d’abord, en 1960, le Nouveau Parti démocratique de la Saskatchewan, dirigé par Tommy Douglas, a proposé un régime d’assurance-maladie dans sa plateforme électorale. Deuxièmement, toujours en 1960, le Parti libéral du Canada, sous la direction de Lester B. Pearson, a tenu sa conférence des penseurs, connue sous le nom de conférence de Kingston. C’est à cette occasion que le Parti libéral a, pour la première fois, fait de l’assurance-maladie un objectif national, qu’il a ensuite intégré à son programme lors des élections de 1962 et 1963.
Puis, en 1961, le gouvernement de Tommy Douglas a mis en œuvre le régime d’assurance-maladie provincial, la Saskatchewan Medical Care Insurance Act, que les électeurs de la province appuyaient, même si elle était controversée pour certains et que la profession médicale y était vivement opposée.
Deuxièmement, la même année, le premier ministre progressiste-conservateur John Diefenbaker a mis sur pied la Commission royale d’enquête sur les services de santé, sous la direction d’Emmett Hall, également un conservateur, qui a présenté son rapport en 1964. Dans ce rapport, Hall a déclaré : « La seule chose qui coûte plus cher que de bons soins de santé, c’est l’absence de soins de santé. »
La loi fédérale sur les soins de santé a été adoptée par un gouvernement libéral minoritaire appuyé par le NPD. Le NPD fédéral de l’époque était dirigé par Tommy Douglas, que j’ai mentionné précédemment, dont le programme novateur en Saskatchewan avait inspiré le régime national d’assurance-maladie.
Il est intéressant de noter que la situation est la même aujourd’hui. Un gouvernement libéral minoritaire appuyé par le NPD vient de présenter un projet de loi sur l’assurance-médicaments.
Je veux mentionner que, en 1966, alors que le Parti libéral était manifestement favorable au régime d’assurance-maladie, le financement n’avait pas encore été confirmé. Voici l’histoire : Mitchell Sharp était ministre des Finances et, quelques jours avant le budget de cette année-là, il envisageait de faire marche arrière et de ne pas dévoiler le financement qui ferait de l’assurance-maladie une réalité parce qu’il estimait que le gouvernement ne pouvait pas se le permettre. Une rébellion a éclaté au sein du caucus libéral et, à la dernière minute, Sharp a réintroduit le régime d’assurance-maladie dans le budget.
Je dis cela parce qu’aujourd’hui, même si nous pensons que l’assurance-maladie est une valeur canadienne fondamentale qui nous accompagne depuis toujours, il s’en est fallu de peu qu’elle ne soit pas mise en place à l’époque. Je fais le parallèle avec le programme national de garderies présenté par le gouvernement de Paul Martin en 2005-2006. Parce qu’il n’a pas été entièrement confirmé par le Parlement, il a été annulé par le gouvernement suivant, et il n’a vu le jour que près de 20 ans plus tard.
Ce que nous faisons cette semaine dans cette enceinte est important. C’est un bon chapitre de l’histoire du Canada qui se déroule ici.
En ce qui concerne le projet de loi examiné aujourd’hui, comme le rapport Hoskins l’a clairement indiqué en 2019, le Canada est le seul pays au monde doté d’un système de santé universel qui n’offre pas de couverture universelle des médicaments sur ordonnance. Il est grand temps que nous cessions d’être l’exception et que nous rejoignions le courant dominant.
En fait, le rapport de la Commission Hall de 1964, qui a mené à la création du régime d’assurance-maladie, recommandait une assurance-médicaments, c’est-à-dire que le gouvernement fédéral établisse un formulaire national, centralise l’achat des médicaments, procède à des achats en gros et maintienne le coût des prescriptions à 1 $, ce qui équivaudrait à environ 10 $ aujourd’hui. Les recommandations d’Emmett Hall sur cet aspect n’ont pas été mises en œuvre à l’époque, et nous voici 60 ans plus tard; mieux vaut tard que jamais. Je suis heureux que les recommandations de cette commission royale soient mises en œuvre aujourd’hui.
Les origines de l’assurance-médicaments remontent à plus de six décennies et sont attribuables aux trois partis.
La grande avancée suivante a été l’adoption de la Loi canadienne sur la santé, présentée par Monique Bégin, qui était ministre de la Santé nationale et du Bien-être social dans le gouvernement de Pierre Trudeau. Cette loi repose sur cinq principes : la transférabilité, l’accessibilité, l’universalité, l’intégralité et la gestion publique. Mon seul regret concernant cette initiative importante est qu’elle n’ait pas inclus l’assurance-médicaments.
Passons au projet de loi C-64. Jusqu’à présent, le projet de loi couvrira deux types de médicaments. Il s’agit de médicaments très importants et cette couverture aidera un grand nombre de Canadiens, mais j’aurais aimé que le projet de loi soit plus ambitieux. Je pense que ce que nous avons maintenant est un bon et solide début. En fait, nous ouvrons la porte à une couverture complète des médicaments pour les Canadiens.
Je tiens à prendre un moment pour féliciter le ministre libéral de la Santé, Mark Holland, et le porte-parole du NPD en matière de santé, Don Davies, pour le projet de loi dont nous sommes saisis. Il faut des parlementaires qui ont une vision et une ambition qui transcendent les clivages politiques pour faire avancer les choses, et c’est précisément ce qu’ils ont fait.
Ce fut vraiment un long parcours. Rappelons que le régime d’assurance-maladie a été mis sur pied une étape à la fois. Ce ne sont pas toutes les provinces qui ont adhéré au programme immédiatement. Certaines avaient déjà un régime et ont demandé un droit de retrait avec compensation, mais elles ont fini par y adhérer. Il a fallu six ans, mais on a fini par rallier toutes les provinces. J’ajouterais qu’en ce qui concerne le projet de loi actuel, j’estime que le droit de retrait avec compensation demeure une option, que ce soit pour le Québec ou pour d’autres provinces.
Honorables collègues, j’appuie le projet de loi C-64. Je suis pour l’achèvement du travail que John Diefenbaker, Emmett Hall, Lester B. Pearson, Tommy Douglas et Monique Bégin ont accompli au fil de plusieurs décennies. Merci.
Des voix : Bravo!