L’honorable Diane Bellemare : Je veux aussi ajouter ma voix en appui au projet de loi S-208 parce que je crois que les arts sont nécessaires à la vie individuelle et collective.
Chers collègues :
Les artistes […] sont indispensables à l’humanité pour sa survie, dans cet âge de l’électronique qui, par la technologie, surcharge la vie sensorielle, crée un « maelström ». L’art agit en radar, pénètre l’indiscernable.
Malheureusement, cette citation n’est pas de mon cru. Elle provient du commissaire invité Baruch Gottlieb, dans le contexte d’une exposition tenue actuellement à Montréal à la Fonderie Darling, qui réunit artistes et penseurs autour du théoricien des médias Marshall McLuhan, et elle a été reprise par la journaliste Marie-Ève Charron dans le journal Le Devoir.
Cette idée de l’importance essentielle de l’art pour la survie de l’humanité fait réfléchir aujourd’hui, en cette ère de menaces climatiques et de conflits internationaux.
Elle rejoint l’essence des préoccupations de notre collègue la sénatrice Bovey, qui a présenté un projet de loi fort important afin de favoriser l’expression artistique des Canadiens et des Canadiennes sous toutes ces formes.
Je tiens à remercier la sénatrice Bovey pour tout le travail qu’elle a accompli dans le contexte du projet de loi S-208. La profondeur de ce projet de loi témoigne de l’ampleur des consultations qu’elle a entreprises et des réflexions de toute une vie professionnelle liée à l’expression artistique.
Je vous encourage à lire attentivement le projet de loi et le discours hors du commun qu’a livré la sénatrice dans cette enceinte le 9 décembre dernier.
Ce projet de loi mérite toute notre attention.
L’art sous toutes ses formes est essentiel à l’humanité et les propos de la sénatrice Bovey déclinent, sous de multiples facettes, cette vérité que certains ont tendance à oublier ou à négliger à la faveur de préoccupations pragmatiques d’efficacité et d’efficience.
Je ne répéterai pas les propos de la sénatrice, qui ont été présentés de manière magistrale. Je vous invite, encore une fois, à lire son discours.
Je veux aujourd’hui appuyer ce projet de loi et je vous prie de l’adopter à l’étape de la deuxième lecture pour qu’il soit étudié en comité.
Mon discours sera bref. Il vise à donner des pistes de questionnement pour son étude à l’étape de la deuxième lecture.
J’invite le comité à faire une étude sérieuse de ce projet de loi et à inviter des témoins de divers horizons. Pour reprendre une expression théâtrale, ce projet de loi a besoin d’être sous les feux de la rampe. Je suis agnostique pour le moment pour ce qui est de décider s’il nécessite des amendements. Toutefois, je suis certaine d’une chose : l’efficacité de ce projet de loi découle en partie de l’éclairage qu’il recevra sur la place publique.
Permettez-moi de m’expliquer davantage.
Si bien des gens sont conscients de l’importance de l’art dans nos vies, tant sur le plan personnel, psychologique, social et économique que sur le plan politique, il n’y a certainement pas de consensus quant aux moyens qu’il faut prendre pour encourager l’expression artistique et pour donner aux artistes un statut économique qui leur permet de se consacrer à leur art.
À cette époque économique où l’individualisme prend beaucoup de place, plusieurs croient que l’art doit créer une valeur commerciale pour exister. Pourtant, cela n’a pas été le cas par le passé et cela ne peut être le cas aujourd’hui ou demain. S’il fallait que l’expression artistique qui nous entoure soit uniquement le fait de transactions commerciales, nous ne pourrions pas apprécier de nombreuses sculptures et œuvres d’art qui embellissent les parcs et certaines villes, les chansons et les poèmes et même les films et les arts de la scène qui nous émeuvent. Les mécènes ont joué un rôle majeur partout et en tout temps pour l’épanouissement de l’art. Cependant, on ne peut compter uniquement sur le mécénat ou sur les transactions commerciales. L’art n’est pas qu’un objet commercial. Il sous-tend aussi l’identité culturelle. C’est une raison de plus qui milite en faveur de ce projet de loi, qui reconnaît concrètement que l’art et les artistes doivent faire l’objet d’une préoccupation collective et que les gouvernements ont un rôle à jouer à cet égard.
Le projet de loi S-208 est fort ingénieux. Il est composé de trois parties : un préambule, une déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada et un plan d’action qui engendre la mise en œuvre de ladite déclaration par le gouvernement du Canada.
L’originalité de ce projet de loi tient au fait que l’adoption d’un plan d’action contribue à donner un statut juridique à la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 25 novembre 2021, je suis obligé de quitter le fauteuil, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Pour éviter une double négation dans la question sur la possibilité de ne pas tenir compte de l’heure, je vais demander tout simplement ce qui suit : si vous voulez suspendre la séance pendant une heure, veuillez dire « suspendre ».
Une voix : Suspendre.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un « suspendre ». La séance est suspendue pendant une heure.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada.
L’honorable Diane Bellemare : Je reprends mon discours là où je l’ai laissé.
Le projet de loi S-208 est fort ingénieux. Il est composé de trois parties : un préambule, une déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada et un plan d’action qui encadre la mise en œuvre de la déclaration par le gouvernement du Canada.
L’originalité de ce projet de loi tient au fait que l’adoption du plan d’action contribue à donner un statut juridique à la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada.
Cette déclaration, qui est l’aboutissement du travail et des consultations de notre collègue la sénatrice Bovey, est le pivot de ce projet de loi. Le comité devra prendre le temps de consulter à nouveau les personnes, les groupes et les gouvernements locaux et provinciaux afin de les sensibiliser à cette déclaration. Le comité devra vérifier si cette déclaration fait l’objet d’un consensus et si elle peut être améliorée.
Il est important que les provinces participent aux travaux du comité qui recevra ce projet de loi afin de favoriser les synergies et la collaboration individuelle avec chacune des provinces.
La lecture de ce projet de loi a suscité en moi un certain nombre de questions. Premièrement, comme la déclaration en annexe est partie intégrante du projet de loi et qu’à ma connaissance, elle ne pourra évoluer que dans le cadre d’une révision de la loi, le comité devra déterminer si elle est complète. La déclaration porte principalement sur des éléments liés à l’accessibilité à l’art et à l’expression artistique, ainsi qu’à la possibilité pour les artistes de tirer pleinement parti de la valeur créée par leur art. Y a-t-il des éléments à ajouter? Je le crois, notamment en ce qui concerne le statut économique de l’artiste.
Ma deuxième question est la suivante : tout comme mon collègue le sénateur Cormier le disait, le Conseil des arts du Canada ne pourrait-il pas jouer un rôle plus actif dans l’articulation et la mise en œuvre du plan d’action? Ne serait-il pas plus efficace de modifier la loi qui encadre le Conseil des arts afin de lui attribuer un rôle direct dans la promotion de la déclaration?
Troisièmement, comme la déclaration est muette sur le statut économique de l’artiste, serait-il approprié de lier la déclaration au contenu de la Loi sur le statut de l’artiste? Je n’ai pas de réponse à cette question, et peut-être qu’il n’y a pas de consensus à ce chapitre.
Enfin, je suis particulièrement satisfaite de l’alinéa 4(3)g) du projet de loi, qui nous invite à : « stimuler l’investissement dans tous les domaines qui concernent les artistes, les arts et l’expression créatrice au Canada. »
Le Québec offre un exemple fort intéressant pour le Canada. En effet, au Québec, il y a la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics, qui a passé le cap des 50 ans :
C’est en effet en 1961, que le Québec a adopté une mesure gouvernementale consistant à allouer environ 1 % du budget de construction d’un bâtiment, ou d’aménagement d’un site public, à la réalisation d’œuvres d’art précisément conçues pour ceux-ci.
Depuis son adoption, plus de 3700 œuvres issues de la Politique d’intégration des arts à l’architecture ont été réalisées dans des lieux publics du Québec.
Honorables sénateurs, je vous invite à adopter rapidement ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture afin qu’il puisse être renvoyé à un comité. Merci beaucoup.