Le Sénat s’est formé en comité plénier afin de recevoir l’honorable Mark Holland, c.p., député, ministre de la Santé, et l’honorable Arif Virani, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, accompagnés de deux fonctionnaires chacun, relativement à la teneur du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).
Le sénateur Cuzner : À mes deux amis et anciens collègues, je suis ici, au fond de la salle, même si je suis certain que mes collègues sénateurs diront qu’il n’existe pas de mauvais siège à la Chambre haute.
Ministre Holland, le 3 janvier 2017, le caporal Lionel Desmond, d’Upper Big Tracadie, en Nouvelle-Écosse, a assassiné sa femme, Shanna, 31 ans; sa fille, Aaliyah, 10 ans; et sa mère, Brenda, 52 ans, avec une arme semi-automatique, il a ensuite retourné cette arme contre lui pour se suicider.
Comme vous le savez, le rapport final de l’enquête sur la mort des membres de la famille Desmond a été rendu public il y a deux semaines en Nouvelle-Écosse. Ses conclusions concernant le traitement des maladies mentales dans ma province, la Nouvelle-Écosse, sont très préoccupantes. Je ne dénigre en aucun cas les professionnels qui continuent de faire un travail extraordinaire pour les Néo-Écossais, mais certaines réalités sont devenues manifestes. Dans les discussions sur l’aide médicale à mourir, il faut tenir compte de certaines réalités concernant l’accès aux services de santé mentale et la prestation de ces services en Nouvelle-Écosse.
Le récit de l’accès de Lionel Desmond à un traitement pour soigner son trouble de stress post-traumatique raconte les défis auxquels sont confrontés les habitants des régions rurales, les personnes racisées et les vétérans, mais aussi de l’accès aux armes à feu, etc. Cet ancien militaire canadien est passé entre les mailles du filet du système de santé, ce qui a provoqué cette tragédie.
J’ai du mal à concilier cela avec un meilleur accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’un trouble mental. Les conclusions du rapport soulèvent des préoccupations. Quels sont les processus en place qui pourraient nous donner un certain réconfort afin que nous puissions tirer des leçons de cette terrible tragédie?
M. Holland : Merci beaucoup, sénateur Cuzner. C’est merveilleux de vous voir dans cette enceinte, après avoir eu l’occasion de siéger avec vous à l’autre endroit. Je me réjouis à la perspective de vous voir faire un travail exceptionnel ici, comme vous l’avez fait à la Chambre des communes, et de poursuivre nos discussions.
Premièrement, la tragédie que vous avez décrite est effroyable, effroyable en raison des vies qu’elle a volées et effroyable en raison de ce qui a mené le caporal Desmond à commettre ces actes. Elle met en évidence une crise de santé mentale qui sévit non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Un Canadien sur trois, ce qui est assez semblable à ce qui se passe ailleurs dans le monde, déclare avoir de graves problèmes de santé mentale.
Je dis « problèmes de santé » parce que c’est complètement différent d’une maladie. Lorsqu’on souffre d’une maladie mentale, elle est, un peu comme une maladie physique, rarement liée aux choses dont vous parlez, c’est-à-dire le trouble de stress post-traumatique et les traumatismes. Il s’agit d’une condition physiologique sous-jacente qui n’est pas nécessairement liée à l’environnement et qui, par conséquent, peut être intraitable. Nous parlons de quelque chose d’incroyablement rare. Il est important de ne pas confondre les deux. Je veux fermement séparer ces deux choses parce que ce n’est pas cela qui nous occupe en ce moment.
Permettez-moi de parler plus particulièrement de la Nouvelle-Écosse. Je tiens à dire à quel point j’ai de l’estime pour la ministre Thompson, la ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse. Elle comprend la situation. En tant qu’ancienne infirmière, elle a travaillé sur le terrain et elle comprend les changements nécessaires. L’accord bilatéral qui a été signé avec la Nouvelle-Écosse et l’argent qui en découle permettent de prendre des mesures essentielles en matière de santé mentale. L’approche doit être pansociétale.
Sénateur Cuzner, je vais être franc avec vous : le gouvernement fédéral ne pourra pas se contenter d’agir seul dans ce dossier. La façon dont nous nous traitons les uns les autres dans le monde doit changer. L’hostilité, la colère, la négativité, la façon dont nous abordons les autres sur le plan humain et au travail, tout cela doit changer. C’est de la folie. Les problèmes de santé omniprésents en ce moment sont dus à la manière dont nous nous traitons les uns les autres. Ce n’est pas un hasard si, plus une personne est victime, plus elle est confrontée au colonialisme ou au racisme, plus elle souffre du trouble de stress post-traumatique, plus elle est soumise, plus sa santé mentale est mauvaise. La voie à suivre est claire, et il faudra bien plus que des investissements pour nous en sortir.
Je pense qu’il est dangereux, dans le cadre de cette discussion, d’amalgamer ces deux enjeux, car ce n’est pas ce dont nous sommes saisis aujourd’hui lorsqu’il s’agit du projet de loi C-62.